Héros à Donetsk, ogre en C1, petit nouveau de la Seleçao : Luiz Adriano n'en finit plus de planer

La Coupe du monde, c’est à la télé qu’il l’a regardée. Et c’est impuissant, qu’il a vu la sélection brésilienne se ridiculiser devant le monde entier. L’entêté Scolari avait préféré confier le poste d’attaquant axial aux médiocres Fred et Jô. Comme si le Brésil, terre d’avants-centres, n’avait pas d’autres options, d’autres joueurs capables de porter le numéro 9. Et pourtant, si l’ex-sélectionneur avait daigné porter son regard sur le championnat ukrainien, il aurait peut-être décidé de donner sa chance à Luiz Adriano. Car le natif de Porto Alegre n’a pas attendu la Ligue des champions cette année pour planter des buts. La saison dernière, par exemple, c’est lui qui, avec 20 buts, fut le meilleur buteur du championnat ukrainien. Et puis, Luiz Adriano n’est pas inconnu au Brésil. Car, avant son départ pour le Shakthar à 19 ans, en 2007, il avait déjà réussi à faire parler de lui au pays.

L’histoire de Luiz Adriano a commencé à Porto Alegre, dans le sud du pays. C’est dans la ville de Ronaldinho, du Gremio et de l’Internacional qu’il a vu le jour, le 12 avril 1987. Comme des millions de brésiliens, il a grandi avec un ballon au bout des pieds dans le quartier défavorisé de Bom Jesus. Doué techniquement, il se fait rapidement connaître pour son sang-froid et son sens du but. Dans le quartier, il est même surnommé : le décisif. Il faut dire qu’il est toujours là pour faire parler la poudre lorsque le match est à enjeux. Alors, et c’est tout naturellement, qu’il finit par atterrir, à 15 ans, dans le club que supporte sa famille depuis des générations : l’Internacional Porto Alegre.

Et c’est là-bas, chez les Colorados, qu’il explose avant même d’avoir soufflé ses 20 bougies. En 2006, le club, qui vient de remporter la Copa Libertadores, s’envole vers le Japon, sûr de sa force, pour la Coupe du Monde des clubs. Abel Braga, l’entraîneur des Colorados, décide de faire confiance à un jeune duo d’attaquants : Alexandre Pato et Luiz Adriano. En demi-finale, les deux acolytes inscrivent chacun un but contre Al-Alhy (2-1). Et en finale, face au grand Barça, l’entrée en jeu de Luiz Adriano est décisive puisque c’est lui qui offre le but à Adriano Gabiru et le titre à son club (1-0).

Les médias brésiliens sont alors hystériques car ils sont persuadés qu’un exceptionnel duo (Alexandre Pato - Luiz Adriano) est né. Les deux attaquants n’ont pas encore 20 ans et toute la vie, toute une carrière devant eux. Quelques mois plus tard, en compagnie de Lucas Leiva, ils confirment et remportent la Copa America des – 20 ans. Pour les deux compères le ciel est bleu, sans nuage. Mais cette période dorée ne va pas durer car il est écrit qu’au Brésil comme partout ailleurs en Amérique du Sud, les joueurs les plus prometteurs sont voués à s’exiler au plus vite. A 18 ans, Alexandre Pato s’en va au Milan AC. Et, à la surprise générale et contre 3 millions d’euros, Luiz Adriano s’exporte au Shakthar Donestk.

Le changement est brutal. Le dépaysement, total. Luiz Adriano découvre l’Europe, le froid et une culture opposée à la sienne. Heureusement pour lui, il est protégé et soutenu par toute une colonie de brésiliens : "J’ai vraiment eu du mal à m’adapter au climat, a t-il déclaré à O’Globo. Un jour, j’avais les mains et le bout des pieds gelés, et je les ai mis sous de l’eau très chaude. J’ai crû que j’allais tous les perdre tellement j’ai eu mal. Mais petit à petit, je me suis habitué à ces conditions extrêmes. Et puis, j’ai pu progresser sous la houlette de Lucescu. Je lui dois beaucoup. C’est lui qui m’a fait évoluer, qui m’a fait travailler pour que je devienne un attaquant plus axial, alors qu’avant, j’avais l’habitude de tourner autour d’un avant-centre."

L’entraîneur Roumain est une sorte de père spirituel pour Luiz Adriano car il a très rapidement vu que le gamin de Porto Alegre avait un sens du but hors du commun. Il a su le faire grandir petit à petit. Il ne l’a jamais brusqué. Et puis, Luiz Adriano a pu progresser au contact de nombreux et grands joueurs qui sont passés par le Shakhtar comme Fernandinho, Willian, Mkhitaryan, Elano ou Eduardo da Silva. Sept ans après son arrivée, Luiz Adriano est comme un poisson dans l’eau en Ukraine.

Il parle russe, s’est parfaitement adapté à la vie ukrainienne, ne craint plus le froid et est même devenu un véritable héros à Donetsk. En 2009, c’est en partie grâce à lui, "le décisif", que le Shakthar a remporté son tout premier trophée européen. En finale de la ligue Europa, face au Werder de Brême, c’est lui qui a ouvert le score (2-1). En 2013, le plus ukrainien des joueurs brésiliens a même failli accepter de jouer pour la sélection jaune et bleue…d’Ukraine. Avant de se rétracter pour se donner une dernière chance avec la Seleçao. Et elle a fini par arriver le mois dernier après 48 heures complétement folles.

Après être devenu le meilleur buteur de l’histoire du Shakthar (116 buts dont 80 dans la surface de réparation), après avoir inscrit le hat-trick le plus rapide de l’histoire en Ligue des Champions (en 7 minutes) et après avoir inscrit 5 buts dans le même match (comme Lionel Messi), l’attaquant a enfin était appelé en sélection brésilienne. "Pour être tout à fait honnête, j’ai vraiment été surpris par cette convocation", a-t-il alors réagi. "C’est ma femme qui me l’a appris à la sortie d’un entraînement. Je n’en revenais pas. Lorsque je suis rentré à la maison, ma petite fille portait un maillot de la sélection brésilienne avec mon nom dans le dos. Je me souviendrais de ce jour toute ma vie." Et Luiz Adriano n’a pas manqué ses grands débuts avec le Brésil contre la Turquie il y a quelques jours. Son profil, plus joueur, plus mobile qu’un avant-centre de métier, donne de nouvelles options à Dunga, le nouveau sélectionneur brésilien qui devrait lui redonner sa chance lors des prochains matches de la Seleçao. Luiz Adriano est un attaquant véloce qui sait marquer de la tête, du pied droit ou du pied gauche et qui sait également offrir des caviars à ses partenaires.

Mais terroriser les défenses ukrainiennes n’est pas suffisant. Et pour réaliser son rêve, Luiz Adriano a donc dû répondre présent au bon moment. Car personne au Brésil ne suit le championnat ukrainien. Il sait donc, depuis longtemps, que c’est en Ligue des Champions qu’il doit se montrer. Cette saison, il a déjà inscrit neuf buts en quatre matches. Encore un (il reste deux matches de poule) et il dépassera le record établi par Cristiano Ronaldo l’an dernier (9 buts en phase de poules). Ensuite, il pourra continuer de rêver puisque sauf, terrible désillusion, son club devrait se qualifier pour les huitièmes de finales de la Ligue des Champions.

Il pourra alors se lancer à la quête d’un autre record, celui du meilleur buteur brésilien dans la compétition reine des clubs européens. Avec 20 buts, il est à dix unités de Kakà, le numéro 1 en la matière. Aujourd’hui, il n’est devancé que par Elber, Jardel (25 buts chacun), Rivaldo (27 buts) et Kakà. "Je ne pensais pas qu’un jour je serais l’un des 5 meilleurs buteurs brésiliens de cette compétition. Mais maintenant, j’en veux plus et pourquoi pas, dépasser Kakà." A 27 ans, celui qui la saison dernière, ne voyait pas d’un mauvais œil un retour au pays s’est complétement relancé. Ses buts et ses performances donneraient même quelques idées aux grands clubs du vieux continent. Dernière rumeur en date, relayée par le Corriere dello Sport : la Juventus aurait préparée une offre de 30 millions d’euros pour s’attacher au plus vite les services de l’homme des grands rendez-vous.