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Guardiola, à qui perd gagne
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Publié 18/04/2019 à 14:33 GMT+2
LIGUE DES CHAMPIONS - Pour la troisième année de suite, le Manchester City de Pep Guardiola a été éliminé en quart de finale. Si le coach catalan est en partie coupable des échecs européens de son équipe, il est aussi responsable de la plus belle chose que le foot puisse offrir : l'émotion.
Pep Guardiola
Crédit: Getty Images
Il faut de tout pour faire un monde. C'est cette rengaine qu'on vous a sorti à chaque argumentaire passionné pour justifier de positions irréconciliables. Cette rengaine un peu molle à qui il faut reconnaître, avec le temps, une certaine pertinence. Il faut de tout pour faire un monde. En football aussi.
On est encore bouleversé et vous aussi, on le sait. Bouleversé par un match où la logique a perdu tout son sens et où, l'espace de quatre-vingt dix minutes, le football a retrouvé toutes ses lettres de noblesse. À l'Etihad, l'histoire d'une parenthèse enchantée - une autre -, il n'y avait plus de millions d’euros en jeu, plus de football business et plus de plans machiavéliques. Simplement deux équipes qui se jettent à corps perdu dans le jeu, rien que le jeu dans le sens le plus primaire et ludique possible. Du foot en folie, du même genre qu'on jouait vous et moi étant gamins.
Au fond, au coup de sifflet final, on n'avait que deux regrets : qu'il ait une fin (toutes les bonnes choses en ont une, paraît-il) et qu'une partie de la population ne soit pas tombée amoureuse, comme nous, de ce jeu. Parce qu'elle rate décidément quelque chose.
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Pep Guardiola - Manchester City
Crédit: Getty Images
L’amour du chef d’oeuvre
Et Pep Guardiola dans tout ça, que vient-il faire là ? Il y a deux manières d’évaluer le sort de City mercredi. La première serait de se contenter de la réalité, froide, celle qui triomphe toujours. Pour la troisième année de suite, les Citizens du cerveau catalan restent à la porte du dernier carré, là où se joue les destinées des plus grandes équipes. Si l’on élargit le spectre, on s’aperçoit que l’ancien mentor du Barça n’a même plus atteint la finale de C1 depuis 2011. On a connu plus glorieux, d’autant que depuis, d’autres grands noms sont arrivés au sommet en tant qu’entraîneur. Et trois fois de suite en plus...
Les critiques les plus souvent faites au Catalan restent les mêmes : surcôté, dépendant de Messi, Iniesta, Xavi and co et parfois trop rigide dans son dogme footballistique. Certaines critiques peuvent s’entendre, certains mauvais choix aussi peuvent être soulignés, comme cette première manche bâclée face à Tottenham. On peut aussi mettre en avant les sommes folles dépensées pour monter une armada dont la puissance de frappe ne dépasse pas encore les frontières anglaises. Une fois cela fait, il convient aussi de rendre hommage à un entraîneur qui continue de fasciner. Car il réconcilie souvent avec le beau et le jeu. Au fond, avec l’émotion.
Vous vous étiez régalé de la qualification de Monaco en 2017 en 8e de finale avec une manche aller complètement débridée ? Nous aussi. Vous vous étiez délecté de l’intensité XXL du duel Liverpool-City en quart l’an passé ? Nous aussi. Vous êtes restés abasourdis par le thriller de mercredi ? Nous aussi. Le point commun ? Guardiola.
Qu’on le veuille ou non, c’est aussi par sa vision du jeu et du football que de tels sommets footballistiques parviennent à voir le jour. Alors que certains de ses adversaires se sont perdus à se caricaturer dans un style prônant uniquement le résultat à l’émotion, il est resté fidèle à ses principes, même quand le bateau tanguait comme à l’issue de sa première année outre-Manche. Difficile de lui jeter la pierre après avoir été partie prenante du match le plus fou de l’année.
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Pep Guardiola
Crédit: Getty Images
De l’amour de faire grandir
Il n’y aura guère de consolation suffisante pour les fans mancuniens à l’issue d’une telle tragédie pour eux. Il n’empêche, en se retournant un peu, ils pourront aussi être fiers du travail accompli. Non City n’a pas mis l’Europe à ses pieds à coups de millions. Mais Guardiola a donné une identité à un club qui s’en cherchait une au moment de démarrer un nouveau cycle. Surtout, il a su faire progresser cette équipe de manière exceptionnelle.
Souvenez-vous du Raheem Sterling de Liverpool. Un bolide dévastateur mais ô combien maladroit, un footballeur promis à une carrière en forme de comète, un sprint au début et, quand les jambes viennent à manquer, une incapacité à se réinventer. Regardez désormais le Sterling de mercredi. Un buteur au sang-froid qui aurait dû être le héros mancunien sur cette feinte délicieuse réalisée dans un contexte bouillant pour délivrer City. Le VAR en a décidé autrement.
Regardez aussi la partition de Kevin de Bruyne et comprenez l’impact qu’a pu avoir Guardiola sur son jeu pour en faire l’un des tout meilleurs joueurs au monde. C’est aussi ça le rôle d’un entraîneur. Un formateur avant tout, même quand la jeunesse est dans le rétro.
Ajoutez-y une certaine classe dans ses déclarations d’après-match, rendant hommage à son valeureux tombeur, mais aussi ne reniant pas ses idées sur un VAR si cruel et vous aurez le panorama d’un entraîneur à part de la petite planète football. Il faut de tout pour faire un monde. Mais on est quand même content que Guardiola fasse partie du nôtre.
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