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Achtung Buli ! L'Angleterre a l'Allemagne à ses trousses

Philippe Auclair

Mis à jour 25/02/2020 à 10:46 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Chelsea - Bayern, c’est le duel anglo-allemand de la semaine en C1. C’est aussi un match indirect entre la Premier League et la Bundesliga, dont le modèle vertueux et populaire ne cesse de progresser. Si bien que, aujourd’hui, l’avenir du football se situe peut-être de l’autre côté du Rhin, plus que de l’autre côté de la Manche.

Robert Lewandowski lors de Bayern Munich - Paderborn en Bundesliga le 21 février 2020

Crédit: Getty Images

Chose curieuse, on entend un peu moins le grand air de "La Premier League est le meilleur championnat du monde" outre-Manche ces temps-ci. Curieuse, en effet, quand quatre de ses clubs avaient campé dans le dernier carré de la Ligue des champions et de la Ligue Europa il y a seulement un peu plus de sept mois de cela. On n'ira pas jusqu'à dire que le football anglais a eu le triomphe modeste ; mais il a su tempérer les excès du passé, quand chaque match sortant de l'ordinaire était avancé par les zélotes de la PL comme une nouvelle preuve de ce qu'elle était : 'the best league in the world'. Ce discours n'a cependant pas complètement disparu des ondes et des écrans. Objectivement, la PL demeure, à défaut d'être 'la meilleure du monde', la plus riche et celle qui attire le plus de spectateurs, sinon dans les stades, du moins devant leurs télévisions et leurs écrans d'ordinateurs.
Mais pour combien de temps ? Car un autre championnat, qu'on a longtemps dit 'invendable', ne cesse de gagner en popularité hors de ses frontières : la Bundesliga.
Ce n'est pas que la fameuse 'bulle' dans laquelle le football anglais s'est élevée plus haut que tous les autres menace d'éclater de sitôt. En fait, si l'on en juge par le récent accord trouvé par la PL pour la cession de ses droits de retransmission au réseau scandinave NENT de 2022 à 2028, elle flotte mieux que jamais. NENT - qui couvre Danemark, Suède, Finlande et Norvège, soit un public potentiel maximum de seulement 25 millions de personnes - a versé 2,3 milliards d'euros pour ce privilège. Il n'y aucune raison de penser que cet exemple soit une aberration ; d'autres marchés, encore plus lucratifs, suivront. Le veau d'or est encore loin de l'abattoir.
Olivier Giroud célèbre son but à Stamford Bridge lors de Chelsea - Tottenham en Premier League le 22 février 2020

5000 spectateurs de plus en moyenne

Et pourtant, l'hégémonie commerciale de la PL n'est plus ce qu'elle était. Chaque année, la Buli se rapproche un peu plus de l'ogre anglais. Les comptes que la DFL vient de publier font état d'un revenu supérieur à 4 milliards d'euros pour la première fois de l'histoire de la ligue - 4,02 pour être précis -, tandis que la PL affichait un chiffre d'affaires de 5,6 milliards. Certes, la Liga se place toujours entre ces deux championnats (4,48 milliards d'euros en 2017-18) et a, elle aussi, su faire progresser son turnover ; mais ce serait oublier que le Real Madrid et le FC Barcelone, avec l'Atletico de Madrid dans la remorque attachée à leur limousine, continuent de fonctionner dans une autre dimension que celle qu'occupent leurs rivaux. Ce n'est le cas ni en Angleterre, ni en Allemagne, certainement pas du point de vue économique, que le Bayern conserve sa position dominante ou pas.
C'était la quinzième année consécutive que la Bundesliga affichait une progression dans ses finances, des finances d'autant plus saines que, même en prenant en compte les clubs de Bundesliga 2 (la D2 allemande), 28 des 36 clubs concernés ont dégagé un bénéfice. Le tableau est hélas bien différent, et bien plus sombre, en Championship, une compétition qui continue de vivre largement au-dessus de ses moyens, obnubilée qu'elle est par l'Eldorado de la Premier League. La Bundesliga prospère sur des bases bien plus saines que celle de la PL, qui, quoi qu'elle en pense, n'est pas aussi étanche qu'on le croirait.
Ce n'est évidemment pas qu'une question d'argent. La capacité supérieure des stades allemands fait qu'en 2018-19, un match de Bundesliga, le championnat de football le plus populaire du monde de ce point de vue, a attiré en moyenne 43 358 spectateurs, soit 5 000 de plus qu'une rencontre de PL, tandis que la Liga et la Serie A peinaient à dépasser les 25 000.

Le football d'aujourd'hui et de demain est outre-Rhin

Or ce public allemand voit aussi un spectacle plus animé que les autres, un football bien plus ouvert, à preuve une moyenne de 3,24 buts par match en 2019-20, loin, si loin devant la Premier League (2,76) et la Liga (2,56) ; voir par exemple l'incroyable show que nous ont offert le Bayer Leverkusen et le Borussia Dortmund (4-3 score final) au début de ce mois. A-t-on vu mieux cette saison ? Pas moi. Une école de pensée voudrait y voir la preuve que le football allemand souffre d'un déséquilibre entre attaque et défense qui nuit à sa crédibilité, une sorte de version turbo de la Eredivisie néerlandaise, qu'un de mes amis belges - un connaisseur - appelle 'le championnat carnaval'. De Cologne en ce cas, sans doute.
Jurgen Klopp lors de Atletico Madrid - Liverpool en Ligue des champions le 18 février 2020
La réalité est autre. La réalité est que c'est en Allemagne, pays jugé autrefois des plus conservateurs pour ce qui est du jeu, dans lequel on jouait encore avec un libéro lorsque le monde entier était en passe d'oublier ce que signifie ce mot, que s'est bâti et que se bâtit le football d'aujourd'hui et de demain, un football sous haute tension, hyper-dynamique, dont les fondations ont été posées par des entraîneurs comme Ralf Rangnick et Jürgen Klopp. C'est sur leur travail que toute une génération de jeunes techniciens allemands a basé l'approche de son métier : Julian Nagelsmann, David Wagner, Marco Rose ou - oui - Thomas Tuchel. Or ce sont ces techniciens qui font aujourd'hui la loi, et pas seulement chez eux.

La "Buli" sait entretenir le suspense

Que le Tottenham de José Mourinho avait paru vieux, dépassé, j'allais dire 'vermoulu', lorsqu'il s'inclina face au RB Leipzig de Nagelsmann il y a une semaine de cela. Le football de 2004 avait été balayé par celui de 2020. N'avait été un grand Hugo Lloris, on ne parlerait pas aujourd'hui de la petite chance que les Spurs ont encore de renverser la vapeur face à une équipe qui découvre l'Europe, comme ils l'avaient fait l'an dernier contre l'Ajax. On parlerait d'un massacre, de la preuve par X buts de l'obsolescence d'une pensée qui a fait son temps. Il manquait Kane, Son et Sissoko à Tottenham ? Oui. Mais il manquait aussi trois défenseurs titulaires au RBL, dont le 'roc' Dayot Upamecano, et cela ne se vit pas trop, ma foi. RBL n'était pourtant pas dans un de ses meilleurs soirs, me dirent des confrères allemands, à la consternation des collègues anglais qui écoutaient la conversation.
Enfin, quand bien même la PL distribue équitablement les recettes de ses droits TV, ce qui n'est pas le cas de la Buli, et quand bien même elle sacrera bientôt champion son quatrième club différent en cinq saisons, alors que seul le Bayern fut couronné pendant cette période en Allemagne, elle n'entretient pas le suspense comme son rival. Alors que l'on est à se demander si Liverpool gagnera le titre au mois de mars, cinq clubs se tiennent encore en six points en Buli, où la situation ne tend à se décanter pour de bon que fort tard (au profit du Bayern, nous sommes d'accord).
L'Angleterre a d'autres atouts à faire valoir, dont une culture de club incomparable, l'Espagne et l'Italie aussi, pas la France, hélas, mais le vent soufflerait plutôt de l'Est de nos jours. Il n'emportera peut-être pas tout sur son passage, mais l'ignorera qui veut à son péril.
Robert Lewandowski lors de Bayern Munich - Hertha Berlin en Bundesliga le 19 février 2020
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