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"On a trop tendance à caricaturer le style Mourinho au cliché d’Eto’o latéral face au Barça"

Cyril Morin

Mis à jour 22/05/2020 à 20:50 GMT+2

Il y a dix ans, le 22 mai 2010, José Mourinho décrochait sa deuxième Ligue des champions avec l’Inter. En demi-finale, la leçon tactique face au Barça de Guardiola a longtemps fait référence. Dix ans plus tard, que reste-t-il de ce souvenir ? Mourinho est-il encore une référence ? Entretien avec Nicolas Vilas, auteur d’une biographie sur le technicien.

José Mourinho et Samuel Eto'o ivres de joie sur la pelouse du Camp Nou en 2010, une photo devenue mythique

Crédit: Eurosport

Une autre vie. Ou presque. Le 22 mai 2010, l’Inter s’offre un triplé exceptionnel en dominant le Bayern Munich en finale de la Ligue des champions, à Madrid. Le tout en ayant fait tomber le grand Barça de Pep Guardiola en demi-finale. Dix ans après, le géant italien s’est gentiment rendormi et cherche par tous les moyens de se réveiller.
Dix ans après, José Mourinho a vu son étoile se pâlir progressivement. Entre son style de jeu critiqué, ses contre-performances en Ligue des champions et une nouvelle génération qui lui fait de l’ombre, le Portugais semble dans le creux de la vague. Vraie tendance ou simple séquence ? Éléments de réponse avec Nicolas Vilas, journaliste et auteur de "Mourinho, derrière le Special One", livre qui retrace la genèse d’un technicien déjà dans la légende.
Le 22 mai 2010, José Mourinho gagne une nouvelle Ligue des champions avec l’Inter. Dix ans après, n’est-ce pas là le summum de sa carrière ?
Nicolas Vilas : Le summum, je ne sais pas. Une carrière, c’est tellement cyclique. Partout où il est passé, il y a eu des moments forts et des temps faibles. A Porto, où il a pourtant tout gagné, il a aussi connu des épisodes perturbés. Mais les circonstances sont telles que 2010 reste à part, c’est sûr : il redonne le titre européen majeur à un club qui court après depuis des années (1964-1965, NDLR). Mais c’est un peu le cas partout où il est passé, en réalité.
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On a quand même l’impression qu’il n’a jamais autant eu le vent dans le dos qu’à cette période-là…
N.V : Le problème, c’est qu’il y a un basculement des opinions le concernant à partir du Real. Il y a le cliché du match Inter-Barça où Eto’o est censé être latéral. Mais bon, sur ce match, l’Inter est réduit à dix tôt dans le match… On a trop tendance à caricaturer le passage de Mourinho à l’Inter à ça. Un seul match, même si c’est un évènement, ne peut pas déterminer un style d’entraîneur.
Vous trouvez que Mourinho a eu différents styles tactiques dans sa carrière ?
N.V : Absolument. Même au sein d’un même club, d’une saison à l’autre, il n’a jamais eu la même façon de jouer. Le Porto de 2003 n’est vraiment pas le même que celui de 2004, qui est moins sexy et plus pragmatique, plus machinal, selon tous les gens que j’ai interrogés. Si je suis sincère, je ne suis pas sûr qu’il y ait "un style Mourinho". Il s’est simplement adapté.
Vous parliez de son passage au Real Madrid : le duel avec Guardiola, sur tous les terrains, ne l'a-t-il pas usé ?
N.V : Quand Mourinho arrive au Real, sa feuille de route est claire : mettre fin à l’hégémonie du Barça. Donc il crée une équipe capable de contrer les Catalans, ce qu’il parvient à faire parfois de façon brillante. Mais sur les autres matches, on ne peut pas dire que le Real n’était pas offensif. Quand on parle de style d’entraîneur, il faut toujours recontextualiser.
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Une poignée de main glaciale en 2010 entre Pep Guardiola et José Mourinho, symbole de la rivalité Barça-Real

Crédit: Getty Images

Est-ce que la bascule ne se fait pas aussi lors de leurs passages respectifs à Manchester où les deux dépensent énormément mais un seul réussit à s’imposer définitivement ?
N.V : Là encore, reprenez le contexte de l’arrivée de Mourinho à United. L’après-Ferguson à Manchester United est complètement raté. Et qui est le seul coach à avoir remporté des trophées pendant cette période-là ? Qu’on le veuille ou non, c’est Mourinho. Certes, le style de jeu était dégueulasse, notamment sur les derniers matches. Mais le besoin de résultat l’a forcément poussé à plus de pragmatisme.
Dix ans après son sacre à l’Inter, il n’est plus cité spontanément comme une référence au poste d’entraîneur. N’a-t-il pas été ringardisé ?
N.V : Mais Mourinho reste une référence, qu’on le veuille ou non. Ancelotti a beau être entraîneur d’Everton, par ce qu’il a fait par le passé, il reste une référence. La temporalité dans le football est particulière. C’est souvent la mémoire immédiate qui prédomine. Donc l’analyse de Mourinho qu’on va avoir aujourd’hui, que beaucoup vont avoir, c’est de le résumer au style de Manchester United. Van Gaal a connu un passage horrible à Manchester mais on ne résume pas sa carrière de coach, exceptionnelle, à ce simple épisode.
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Mais les récentes expériences de Mourinho n’incitent pas spécialement à l’optimisme…
N.V : Oui, c’est vrai. Objectivement et froidement parlant : il est parti de Chelsea en cours de route, il est parti de Manchester United en cours de route, il arrive à Tottenham en cours de route. Ce ne sont pas forcément des choses auxquelles il nous avait habitués. Souvent, il embrassait des projets en début de saison. Il est aussi resté un an sans club et je pense que ça a participé à cette idée de "ringardisation" puisque certains peuvent penser qu’il n’était plus désiré. En réalité, il a refusé des offres et pris le temps de choisir son projet.
Mourinho, c’est aussi un personnage médiatique magnifique. Existe-t-il un risque qu’on se souvienne davantage de ça plutôt que de ses succès sportifs ?
N.V : Je ne pense pas. L’un va avec l’autre. C’est quelque chose qui le caractérise sur toute sa carrière, même dans sa vie. Dès son premier club, au Benfica en 2000, les fameux "mind games" sont un de ses outils. Même s’il n’a pas connu une grande carrière de joueur et que les entraîneurs-professeurs restaient encore très rares dans les gros clubs, il déballe tout d’entrée. Il n’a peur de personne et s’en prend à n’importe qui. C’est quelque chose qui le suivra tout au long de sa carrière. Quand il arrive à Chelsea, il faut rappeler que c’est lui qui s’est auto-surnommé le "Special One".
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Il peut se le permettre ?
N.V : Des joueurs ont construit leur réputation de bad boys, mais en tant qu’entraîneur… Si tu n’as pas les résultats, tu ne peux pas t’inscrire dans "la légende". Il a ce trait de caractère là mais il ne faut pas oublier de dire qu’il y a un Mourinho avec les caméras et un autre sans. Dans l’intimité du vestiaire, tous les gens que j’ai interrogés le disent, c’est vraiment autre chose.
Comment peut-on quantifier son héritage ? Va-t-il laisser une trace durable ?
N.V : C’est déjà le cas. Au Portugal, il a déjà inspiré énormément d’entraîneurs. Parce qu’il a réussi à crédibiliser l’école des entraîneurs professeurs. Paulo Duarte a été complètement inspiré, Villas-Boas a travaillé avec lui. D’un certain point de vue, le pragmatisme et l’adaptabilité sont des qualités premières à avoir en tant que coach. Et Mourinho est clairement de cette école-là.
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