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Reyna, Pulisic, Davies... Pourquoi la "New Wave" nord-américaine déferle sur le foot européen

Chérif Ghemmour

Mis à jour 24/11/2020 à 13:46 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Le phénomène se confirme et s’amplifie : les footballeurs américains et canadiens poursuivent leur jolie percée dans le foot européen pourtant hyper concurrentiel. Les jeunes joueurs nord-américains émargent même dans les clubs les plus huppés du continent. Explications…

Giovanni Reyna lors du match opposant le Club Brugge au Borussia Dortmund, le 4 novembre 2020, en Ligue des champions

Crédit: Getty Images

Christian Pulisic (22ans, passé de Dortmund à Chelsea pour 64 millions d'euros), Giovanni Reyna (18 ans, Dortmund), Weston McKennie (22 ans, Juventus, prêté par Schalke), Tyler Adams (21 ans, RB Leipzig), Chris Richards (20 ans, Bayern), Sergiño Dest (20 ans, FC Barcelone)… Ils sont Américains, ou bien Canadien comme Alphonso Davies (20 ans, Bayern), ils sont très jeunes, doués et évoluent presque tous dans les meilleurs clubs européens.
Cette Nouvelle Vague nord-américaine tranche avec les générations précédentes des Landon Donovan, Clint Dempsey, Michael Bradley, DaMarcus Beasley ou Tim Howard, eux aussi passés par le Vieux Continent mais pour un succès relatif qu’un Claudio Reyna a pu toutefois embellir. L’étonnant QI football de ces nouveaux talents balaye les craintes d’une fausse précocité qui avait plombé ce pauvre Freddy Adu, Américain starisé à 16 ans comme le "nouveau Pelé" au milieu des années 2000.
Car outre leur maturité technico-tactique évidente et leur statut d’internationaux A, ces jeunes pousses, plus que simple prospects, évoluent à tous les postes et sont de plus renforcés par tout un contingent de compatriotes tout aussi jeunes, tous internationaux A aussi et présents en Europe.
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Drame et filiation : Reyna, un pied droit magique et la famille chevillée au corps

Ils sont Américains comme Josh Sargent (20 ans, Werder Brême), Reggie Cannon (22 ans, Boavista), Timothy Weah (20 ans, Lille), Richard Ledezma (20 ans, PSV), Ulysses Llanez (19 ans, Heerenveen, prêté par Wolfsburg) ou Canadien comme Jonathan David (20 ans, Lille). On n’a donc pas affaire à un feu de paille, à une mode épisodique exotique portée par la mondialisation élargie au Nouveau Monde, après l’Afrique et l’Asie.

L'USSDA, le programme miracle... et éphémère

Selon l’excellent Sport Illustrated, l’explication majeure de ce phénomène nord-américain trouve sa source dans le projet "US Soccer Development Academy" (USSDA). Lancé en 2007 par la fédération US de football, c’était un vaste programme de formation des jeunes footballeurs s’étalant sur cinq classes d’âges (U12, U13, U14, U15/16 et U17/18). L’USSDA regroupait 149 clubs, dont ceux de MLS, qui accueillaient et formaient les jeunes avec des éducateurs de qualité selon des programmes très élaborés dispensés par la fédé US et accessibles en ligne.
Le must de ce projet, outre les entrainements spécifiques qui manquaient autrefois au bon développement des jeunes footballeurs du cru, fut l’organisation de championnats des "Académies" à travers tout un pays-continent. Il se déroulait sur 10 mois de l’année par classes d’âges, selon trois zones géographiques (Conférences Est, Centrale et West), subdivisées en sous-conférences. Hormis Sergiño Dest (né aux Pays-Bas et formé à l’Ajax) et son compatriote du Barça, paraît-il prometteur, Konrad de la Fuente (19 ans, qui a grandi en Espagne puis a été formé à la Masia), tous les joueurs américains cités plus haut sont passés par le programme USSDA !
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Sergino Dest, transféré au FC Barcelone cet été

Crédit: Getty Images

Alphonso Davies est issu du Vancouver Whitecaps FC, franchise canadienne inscrite à l’USSDA, et Jonathan David a été formé à travers un projet similaire, le Canadian Youth National Team Program. Problème : le 15 avril 2020, l’USSDA a annoncé la fin définitive de ses activités en raison des difficultés financières provoquées par la pandémie du COVID-19. S’en est suivi ensuite l’engagement de la MLS de combler ce vide par la création d’une nouvelle compétition d’élite plus resserrée associant les académies des clubs de MLS et celles, après choix sélectif, non affilées aux clubs MLS. A suivre…
Outre leur formation à l’USSDA, l’autre trait commun à l’ensemble de cette nouvelle génération, c’est le passage quasi obligé par l’Allemagne. Les Pays-Bas sont un championnat de transit (au PSV, notamment) tout comme la Premier League est une vieille terre d’accueil, mais ces deux pays entretiennent une importation plus modérée que la patrie de Thomas Müller. Pourquoi l’Allemagne ? Une longue antériorité historique a d’abord produit des footballeurs binationaux issus de mariages entre pères américains (souvent militaires) et mère allemandes, tels Felix Magath ou Jermaine Jones.
Le foot allemand est très imprégné des Sports US
Dans un passé plus récent, pas mal d’anciens internationaux américains étaient passés par les clubs allemands, dont un certain Claudio Reyna (Leverkusen, Wolfsburg), père de Giovanni. Cette proximité germano-américaine poussée (la Bundesliga est assez bien suivie aux Etats-Unis, via ESPN) motive les kids US à s’exporter vers les clubs de Bundesliga qui donnent plus facilement leur chance aux jeunes et leur offre aussi une post-formation dont la deutsch Qualität n’est plus à démontrer.
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Etats-Unis - Reyna : "Un moment dont je me souviendrai toujours"

D’autres canaux acheminent les talents nord-américains vers l’Allemagne. Des partenariats interclubs comme celui très axé sur la formation qui lie le Bayern Munich au FC Dallas, réputé comme un des meilleurs clubs formateurs nord-américains, ou bien des filières bien connues, comme celle du Red Bull qui associe les clubs de New York, de Salzbourg et de Leipzig. Outre Tyler Adams ou Timothy Weah, passés par le Red Bull New York, un autre Américain honore cette filière : Dave Marsch. Cet ancien coach du RB New York qui entraine actuellement le RB Salzbourg est souvent pressenti comme successeur de Lucien Favre à Dortmund.
Et comme d’autres techniciens américains émargent en Bundesliga (David Wagner, même si récemment limogé par Schalke 04, ou Pellegrino Matarazzo au VfB Stuttgart), on observe à nouveau la durabilité du phénomène nord-américain en Europe, via l’Allemagne.
Expert français du foot allemand, Polo Breitner complète ce tropisme germano-américain, "par les tournées régulières des clubs de Bundesliga aux USA et les retombées commerciales avec par exemple les ventes de maillots là-bas, comme celui du Dortmund popularisé par la star Pulisic. De plus, le foot allemand est très imprégné des Sports US et bien entendu, la personnalité forte d’un Jürgen Klinsmann qui a joué et a été sélectionneur en vue de l’équipe des Etats-Unis de 2011 à 2016. Il a contribué à créer des liens de rapprochement et de référence pour les jeunes footballeurs américains."

Les binationaux ont préféré l'Oncle Sam

Epaté, "Klinsi" observe évidemment de près cette nouvelle génération US, plus particulièrement dans la perspective d’une équipe nationale qui a manqué la Coupe du Monde 2018 : "Avec les U20 qui ont été trois fois quart-finalistes des trois dernières Coupes du monde, ça démontre la qualité actuelle des Pulisic, Adams ou Sargent. Il y a un vrai potentiel pour former un groupe à devoir préparer à la prochaine Coupe du monde. Car c’est un enjeu véritable pour cette génération qui a besoin de disputer les plus grands tournois internationaux."
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Joachim Löw et Jürgen Klinsmann

Crédit: Getty Images

Jürgen Klinsmann voit juste quand il évoque l’importance de la sélection nationale. Car pour dynamiser son football la fédé US avait eu la bonne idée de compléter le projet USSDA en réformant en 2016 le système des équipes nationales de jeunes afin de le rendre, par la réorganisation des teams U14 aux U20, plus cohérent, plus performant et plus inclusif. C’est à travers ces sélections de jeunes que s’est crée un esprit de corps qui cimente collectivement les jeunes A américains.
Très patriotes, la plupart des binationaux ont fait le choix de représenter l’Oncle Sam alors que l’opportunité réelle s’offrait de jouer pour de grandes nations européennes comme les Pays-Bas (Dest), la Croatie (Pulisic) ou le Portugal (Reyna). Ennemis lors du derby de la Ruhr, Pulisic (ex-Dortmund) et McKennie (Schalke) entretiennent ainsi une amitié très solide soudée en Team USA. Une complicité semblable unit Dest à De la Fuente, compagnons de chambre depuis les U20 nationaux.
"De Christian à Weston jusqu’à Tyler Adams, Josh Sargent, Sergiño Dest et tous les autres jeunes mecs, on a un vrai, vrai bon noyau, déclarait récemment Giovanni Reyna. Et je pense qu’on peut construire quelque chose de grand tous ensemble pour, peut-être, les dix années à venir." Les dix années à venir les projettent évidemment vers les deux prochaines Coupes du monde. Celle de 2022 au Qatar et celle de 2026, co-organisée par le Mexique, le Canada et les Etats-Unis. De quoi rêver plus grand…
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