Ligue des champions | Inter Milan - Real Sociedad | L'Inter, d'outsider à favorite ?

C'est un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage. Une mécanique parfaite que rien ne semble pouvoir enrayer, malgré quelques défections ici et là. Leader incontesté de Serie A, l'Inter Milan a déjà envoyé valser plusieurs de ses concurrents pour le titre après seulement 15 journées de championnat. Embourbé dans bien des problèmes, l'AC Milan, troisième et relégué à 9 points, avait été emporté dans le derby (5-1) le 16 septembre dernier et semble déjà avoir abdiqué. Même chose pour le Napoli, champion en titre battu sèchement (0-3) la semaine passée à domicile par les Nerazzurri. La seule qui résiste, c'est la Juve, deuxième, capable de tenir le rythme effréné du grand rival. Pour l'instant. Sans la Vieille Dame, distancée de seulement deux points autant dire que le suspense serait mort depuis longtemps.

Si la route s'annonce encore longue pour l'Inter avant un éventuel 20e Scudetto, synonyme de deuxième étoile (ndlr : en Italie, une étoile est attribuée pour dix championnats), la démonstration de force est totale. Meilleure attaque (37 buts), meilleure défense (7 buts encaissés), meilleure différence de buts (+30), meilleur buteur du championnat (Lautaro Martinez, 14 buts) et meilleur passeur (Marcus Thuram, 6 passes décisives) : la domination est incontestable. En Ligue des champions aussi, avec une phase de groupes sans la moindre défaite et une qualification en poche avant l'ultime journée, où l'objectif sera de battre la Real Sociedad, mardi (21h), pour terminer à la première place et ainsi aborder au mieux les huitièmes de finale. Finaliste de l'édition précédente, battue sur le fil par Manchester City (1-0), l'équipe de Simone Inzaghi y fera figure d'épouvantail.

Aujourd'hui, et grâce notamment à son dernier parcours en C1, l'Inter est une équipe consciente de ses forces. Si la défaite face à la bande à Guardiola aurait pu la démoraliser, elle a provoqué l'exact inverse. Et ce malgré des départs importants l'été dernier, de Marcelo Brozovic à Edin Dzeko en passant par André Onana. Les Milanais semblent même encore plus forts. Techniquement et tactiquement. Collectivement et individuellement. Des circuits toujours huilés, une défense insurmontable (10 clean-sheets), un milieu qui fonctionne à la perfection (Barella-Calhanoglu-Mkhitaryan) et une attaque complémentaire (Lautaro-Thuram).

Sans oublier certaines individualités au rendement parfois étonnant : Yann Sommer a fait oublier André Onana, Francesco Acerbi est le patron de la défense, Federico Dimarco l'un des meilleurs pistons gauches en Europe, Hakan Calhanoglu se redécouvre une carrière au poste de "regista", Matteo Darmian un couteau suisse parfaitement fiable. Sans oublier, évidemment, le nouveau record du capitaine Lautaro Martinez, qui a égalé le record du nombre de buts d'un joueur de l'Inter sur une année au 21e siècle : 28 réalisations, comme "Bobo" Vieri (2001) et Diego Milito (2012).

"Ils jouent à la perfection, s'est enthousiasmé Stéphane Dalmat après le succès face à l'Udinese (4-0) samedi. Il n'y a rien à dire. Au niveau technique, tactique et de la volonté : même après le troisième but, ils ont continué à pousser. Cela démontre l'envie et la mentalité de cette équipe. Quand tu vois Lautaro perdre un ballon et tout faire pour le récupérer puis marquer, cela montre la grande envie de détruire l'adversaire." Le lendemain de cette démonstration, La Gazzetta dello Sport résumait avec un titre évocateur : "Tu es belle, Inter". Et solide, aussi, puisqu'elle est repassée devant la Juventus pour la cinquième fois de la saison. "Elle est dévastatrice", reconnaissait Tuttosport, quotidien de Turin. Autour d'elle, de l'enthousiasme. Beaucoup d'enthousiasme. Des tifosi, qui remplissent San Siro à chaque match, aux joueurs, sereins et détendus, bien déterminés à pouvoir aller au bout de leurs objectifs.

"Le match de l'Inter contre l'Udinese est une preuve de beauté, encore plus que celle de la force, pouvait-on lire dans les colonnes de la Gazzetta dimanche. 96 minutes sans aucun temps mort malgré l'avantage, de la facilité dans le jeu, des buts spectaculaire, un haut QI technique, une agressivité constante (...) Dans l'histoire récente, c'est surtout l'AC Milan qui cultivait la beauté du jeu, surtout depuis l'arrivée de Silvio Berlusconi à sa tête et la mission ordonné à Galliani et Sacchi : 'vous devez conquérir le monde et le divertir'. Aujourd'hui, la beauté du football milanais est passé de l'autre côté de la ville."

"C'est la meilleure Inter des 8-10 dernières années, s'est enflammé Gianpiero Marini, ex-joueur et entraîneur des Nerazzurri, dans les colonnes de Tuttosport. Elle est forte partout, dans chaque secteur. Elle n'a aucun point faible. La défense est solide, le milieu a beaucoup de qualité et devant, les attaquants sont de très haut niveau. C'est l'une des meilleures équipes d'Europe. Elle peut gagner le Scudetto et la C1." Un avis partagé par Pep Guardiola, qui estimait en septembre dernier que l'Inter pouvait "de nouveau être finaliste" cette saison au vu de sa "grande force".

Très souvent critiqué ces dernières saisons, tant pour sa gestion du groupe que sa lecture des matches, Simone Inzaghi a su apprendre de ses erreurs. Tout n'est pas encore parfait, certes, mais le voilà désormais plus lucide, tranquille et calme. Moins agité, pressé et éparpillé, ce qui se ressent sur son équipe. Partout où il est passé, de la Lazio (Primavera et équipe première) jusqu'à l'Inter, le cadet des Inzaghi a toujours gagné : trois Coupes d'Italie (2019, 2022, 2023) et quatre Supercoupes (2017, 2019, 2022, 2023). Mais jamais le Scudetto, ce qui lui est souvent reproché en Lombardie, notamment après avoir perdu celui de 2021-2022 au détriment de l'AC Milan, le grand rival. Avec cet "upgrade", la donne pourrait changer cette année. "On voit sa patte", a confirmé Lautaro Martinez le week-end dernier. "C'est normal qu'il s'améliore, a constaté Igli Tare, son ancien coéquipier et directeur sportif à la Lazio. Il l'a fait avec humilité et beaucoup de travail, c'est désormais un entraîneur complet. Il le mérite."

"J'ai eu un cycle très long à la Lazio, et j'espère faire le même ici, a confié Inzaghi en conférence de presse lundi. C'est l'objectif, je pense, de n'importe quel entraîneur. Mais je sais que je suis jugé sur chaque match, chaque étape." Malgré les zones de turbulences des dernières saisons, le technicien de 47 ans a toujours été soutenu par ses dirigeants, en public comme en privé. "C'est l'un des meilleurs entraîneurs en circulation, il n'a jamais été question de s'en séparer", avouait récemment Giuseppe Marotta, administrateur délégué du club lombard.

Pour Guardiola, qui a écrit la préface du dernier livre d'Arrigo Sacchi, Inzaghi fait pratiquer "un football moderne et physiquement très intense" à l'Inter. Une équipe "très difficile à affronter" et "très bien entraînée", qu'il espère probablement éviter sur sa route en Ligue des champions. Ou alors pas avant Wembley, antre de la grande finale le 1er juin prochain. "Les Nerazzurri peuvent dominer sur la scène nationale et internationale, a admis Fabrizio Ravanelli sur Twitch la semaine passée. Ils ont toutes les qualités pour le faire. Ils m'impressionnent avec leur solidité défensive et leur façon de te punir dès la première occasion (...) Cette saison, l'Inter fait vraiment peur." Un sentiment qu'il n'est pas le seul à partager.