Kylian Mbappé dispensé d'équipe de France, Didier Deschamps s'embourbe

On n'a pas attendu sa douzième année à la tête de l'équipe de France pour savoir que Didier Deschamps n'était pas le meilleur des communicants. Hormis pour des journalistes parfois un peu frustrés par des réponses anticipables et des phrases construites de manière à tourner autour du pot, cela n'avait jamais vraiment posé problème. Jusqu'à ce jeudi 7 novembre, jour de l'annonce de la liste des joueurs qu'il a retenus pour les matches de Ligue des Nations face à Israël et l'Italie, où le sélectionneur a "décidé" de ne pas sélectionner Kylian Mbappé. Une nouvelle fois.

Le mois dernier, déjà, le capitaine des Bleus avait été dispensé du rendez-vous international. Il était sorti blessé quelques jours plus tôt mais il avait rejoué, entre-temps, avec le Real Madrid. "C'est moi qui prends la décision, avait alors justifié le sélectionneur des Bleus. Avec les éléments dont je dispose. […] Est-ce que c'est bien pour le joueur et l'équipe de France ? Je ne pense pas." Dans une vidéo diffusée par la FFF, le technicien avait été beaucoup plus clair, sous-entendant que le Real Madrid n'était pas emballé à l'idée que sa star rejoigne sa sélection, et que Mbappé pouvait difficilement aller "contre son club".

Tout juste un mois plus tard, la situation n'est plus du tout la même. Physiquement, Kylian Mbappé est en pleine possession de ses moyens : il a disputé, en intégralité, les trois derniers matches de la Casa Blanca. Sportivement, il est très loin de son meilleur niveau. Globalement, son image a été franchement ternie par ces derniers mois au PSG, son escapade à Stockholm en plein match des Bleus et l'affaire de la boîte de nuit qui a suivi - bien que la "présomption d'innocence existe", dixit DD - n'ont rien arrangé.

Le grand public avait donc besoin de réponses. Il devra se contenter du flou. En conférence de presse, Deschamps a très vite annoncé qu'il avait décidé "de ne pas argumenter". "J'ai réfléchi et j'ai pris cette décision sur ce rassemblement, a-t-il expliqué. Parce que je pense que c’est mieux comme ça. […] Je peux comprendre que ça ne suffise pas mais je ne vais pas rentrer dans une argumentation qui amène des interprétations."

Ne rien dire est souvent, et particulièrement dans un cas comme celui-ci, le meilleur moyen de faire parler. Cette absence de justification laisse beaucoup (trop) de place à un large panel d'hypothèses. Mbappé est-il usé, comme il en avait donné l'impression lors de son dernier rassemblement "en présentiel", en septembre dernier ? Est-il usé psychologiquement, après quasiment un an de guéguerres médiatiques et juridiques avec le PSG ? Est-il affecté ou concerné par l'affaire dans laquelle il a été cité par certains titres suédois ? En a-t-il tout simplement marre ? Vous n'en saurez rien. Et tant pis pour vous.

L'ère est pourtant à la transparence. Si Mbappé a ses (bonnes) raisons de zapper le rassemblement d'une équipe dont il est le capitaine, il était probablement possible de l'expliquer en quelques mots, sans forcément en dire trop, mais surtout en évitant de ne pas en dire assez. Cela aurait sans doute eu le mérite de rendre le joueur un peu plus humain, après des mois durant lesquels il a plutôt donné l'impression d'être hors-sol.

Au lieu de ça, Deschamps a préféré tourner en rond, semant parfois des phrases aux airs d'indice : au cœur de l'une de ses tirades, il a par exemple souligné qu'il ne pouvait pas "toujours être d'accord sur tout" avec ses joueurs (au moment d'évoquer une discussion avec Mbappé) tout en assurant, plus tard, qu'il ne "s'agissait pas de désaccords". Troublant. Constamment sur la défensive, bien moins tenté d'utiliser ses habituelles pirouettes pour éviter certaines réponses, le sélectionneur a au moins eu le mérite de comprendre que le sujet était grave. Alors il a mis les barbelés. Comme si l'équipe de France n'était pas suffisamment isolée.