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Demi-finale retour entre l'OM et Feyenoord : A Rotterdam, comme à Marseille, c'est passion supporter avant tout

Chérif Ghemmour

Mis à jour 05/05/2022 à 18:33 GMT+2

LIGUE EUROPA CONFERENCE - Rotterdam aussi, "on craint degun". A l’image de l’OM, le Feyenoord vit de l’énorme ferveur de ses supporters qui se réveille bruyamment aussi lors des grands rendez-vous européens. C’est lors de ses épopées continentales des années 70 que le peuple supporter de l’autre cité maritime du Nord s’est révélé aux Pays-Bas, puis au monde…

Les joueurs de Feyenoord en communion avec leurs supporters après le succès contre l'OM en demie aller de Ligue Europa Conference

Crédit: Getty Images

"J’ai toujours apprécié l’atmosphère du stade de Kuip. En tant qu’ancien joueur d’Ajax, je me suis bien sûr pris des broncas, mais ça fait partie des émotions du football. Cette ferveur illustre bien la passion intense que les supporters de Feyenoord vivent à chaque match de leur club." Bel hommage de l’Amstellodamois Clarence Seedorf au public du club ennemi de Rotterdam qui résume bien la mystique quasi fusionnelle qui lie les supporters à leur équipe. Un lien sacré qui a fait des "mi-Rouge, mi-Blanc" une référence du supportérisme mondial.
La forte identité prolétarienne de la cité portuaire qui a amalgamé des générations de dockers a institué son appellation de Club du peuple (De club van het volk). Une présence toujours continue en Eredivisie et plusieurs titres nationaux ont fait la fierté d’un club qui a transcendé ses fidèles au moment des coupes d’Europe. En mai 1963, des milliers de fans prirent le bateau pour Lisbonne afin de soutenir les leurs lors de la demi-finale de la Coupe des Clubs Champions (l’ancienne C1) finalement perdue contre le Benfica. L’ère des grandes transhumances de supporters néerlandais remonte sans doute à ce déplacement naval…
Mais le grand moment qui cristallisera les passions de la Fierté du Sud (De Trots van Zuid, autre nom du club) sera la finale de C1 du 6 mai 1970 entre Feyenoord et le Celtic Glasgow au San Siro de Milan : 25 000 fans venus des Pays-Bas, à égalité avec ceux venus d’Ecosse, assistèrent au triomphe des leurs (2-1 a.p). Une finale historique, puisque ce fut la première 100% anglo-saxonne de l’histoire de la C1. Il y avait toujours eu auparavant un club latin en finale depuis sa création. Plus que le Celtic en 1967, le Feyenoord sera à l’origine du changement de paradigme qui verra les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Angleterre dominer l’Europe en reléguant les clubs latins, dépassés.
Le triomphe de San Siro, après une opposition haletante des couleurs de maillots légendaires, a rendu "à jamais les premiers" les gars du Feyenoord, vainqueurs nationaux de la C1 avant l’Ajax. Le club de Rotterdam remportera dans la foulée la première Coupe Intercontinentale du pays en battant les Argentins d’Estudiantes LP (2-2 et 1-0). Ces deux victoires du club de Rotterdam avaient lancé une glorieuse séquence inédite qui allait installer le football hollandais au top européen : après la victoire de son rival en 1970, l’Ajax accomplira un triplé en C1 1971-72-73 et en 1974, Feyenoord remportera la Coupe de l’UEFA face à Tottenham (2-2 et 2-0).

A Feyenoord, on supporte aussi dans les mauvais moments

La mystique supportériste du Feyenoord s’est établie mondialement à cette époque lors des matchs à l’atmosphère incandescente au Kuip, un stade à l’immensité incomparable aux Pays-Bas avec une capacité de 60 000 places, trois fois supérieure à celle du Stade de Meer de l’Ajax. Car c’est au vieux Stade Olympique d’Amsterdam que la bande à Cruyff disputait ses grands matchs européens… Les célébrations gigantesques dans le centre-ville de Rotterdam étonnèrent tout le pays par leur communion extatique lors de l’exhibition des trophées de 1970. Enfin, les victoires face au Celtic, Estudiantes et Tottenham acquises en remontant à tous les coups un score défavorable ont enraciné les valeurs de combat et de loyauté d’un club qui "ne renonce jamais". Au Feyenoord, comme à Liverpool, la fidélité est légendaire : on soutient les gars dans les bons et les mauvais moments.
Les cinq trophées continentaux sont à l’origine de l’excellence du foot néerlandais qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. Les triomphes initiaux du Feyenoord 1970 ont paradoxalement ouvert les portes de la gloire à l’Ajax, club phare du pays, d’un point de vue tactique ! L’Ajax qui jouait habituellement en 4-2-4 avait perdu la finale de C1 en 1969 face à Milan AC (4-1). Or en 1970, le Feyenoord entraîné par l’excellent coach autrichien Ernst Happel jouait en 4-3-3… Rinus Michels - présent dans les tribunes du Kuip lors du Feyenoord-Estudiantes de septembre 1970 - adoptera à son tour le 4-3-3 en reculant Cruyff de l’attaque vers le milieu. Eurêka ! Le Football Total avait trouvé son assise : l’Ajax gagna à son tour la C1 l’année suivante, en 1971. Les puristes tacticiens du Feyenoord revendiquent toujours l’apport au Voetbal Totaal des principes d’Ernst Happel : 4-3-3, mais aussi pressing haut et piège du hors-jeu (Off-side Trap)…
Lancé dans un clash des Titans sous la dénomination du Klassieker, l’affrontement Feyenoord-Ajax a agi comme un catalyseur puissant de la synthèse des Oranje des grandes années 70 : une grosse composante Ajax (le beau jeu, les bourgeois d’Amsterdam), plus un contingent Feyenoord (l’engagement physique, la grinta des "prolos" de Rotterdam au jeu moins esthétique). Ensuite ce sera plus une synthèse Ajax-PSV (les "paysans" d’Eindhoven, au sens plus musclé de la gagne) qui rassemblera la sélection nationale. En Coupe du monde 1974, c’est bien le mix Ajax-Feyenoord qui va propulser les Oranje vers la finale : sept ajacides et sept Feyenoord figurent dans les 22 sélectionnés au Mondial 1974 ! Outre le défenseur central du Feyenoord, Wim Rijsbergen, le milieu est composé de Neeskens (Ajax) mais aussi des deux cracks de Rotterdam, le stratège Willem "Wim" van Hanegem et le relayeur Wim Jansen. Le leadership de la sélection sera assuré conjointement par Cruyff et Van Hanegem.
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Un match entre l'Ajax de Johan Cruyff (qui lève les bras) et le Feyenoord Rotterdam de Ruud Gullit (à terre) et Willem van Hanegem (le numéro 10), en novembre 1982 au stade De Kuip

Crédit: Getty Images

Un club incontournable

La large contribution à l’essor du football néerlandais a consolidé jusqu’à aujourd’hui l’extraordinaire ferveur du peuple de Feyenoord. Vainqueur du dernier trophée européen du pays avec la coupe UEFA 2002 contre Dortmund (3-2 au Kuip et un doublé de son enfant-chéri Pierre Van Hooijdonk), le club de Rotterdam a également "offert" au pays son coach Bert van Marwijk qui a mené les Oranje en finale de coupe du monde 2010. Si l’importance du bataillon Feyenoord en sélection s’est amoindrie ces vingt dernières années, il est resté non négligeable avec la présence de certains nouveaux internationaux de caractère formés au club comme Rick Karsdorp (AS Roma), Marten de Roon (Atalanta), Nathan Aké (Man City), Noa Lang (Club Bruges) ou Tyrell Malacia, actuel latéral gauche du club.
Ils seront peut-être les dignes successeurs des héros moins récents comme le super crack Robin van Persie et des Feyenoord players d’adoption marquants, tels que les idolâtrés du Kuip comme Dirk Kuyt, Giovanni van Bronckhorst (capitaine des Oranje au Mondial 2010), Stefan de Vrij, Martins Indi. Des warriors de Rotterdam comme on les aime dans la cité portuaire. Des gars qui mouillent le maillot et qui montent fièrement au front. Voilà pourquoi, sans doute, la large communauté des supporters de Feyenoord s’est baptisée du nom "La Légion" (Het Legioen).
Pour le meilleur, avec ses chants chorégraphiés (dont le Hand in Hand, "Main dans la main", son hymne), ses tifos extraordinaires, sa pyrotechnie flamboyante et ses déplacements de 8000 fans en moyenne (15 000 à Mönchengladbach en 1996). Aux dernières nouvelles, ils seront environ 5000 à Marseille pour OM-Feyenoord de jeudi soir ! La Légion, c’est aussi le pire, avec sa minorité de hooligans tarés qui vandalisent encore parfois les villes hôtes… et aussi l’image du club ! Plus qu’une "institution", le club de Rotterdam demeure avant tout une communauté. Au Feyenoord, le numéro 12 n’est attribué à aucun joueur : il appartient de droit au public, le douzième homme !
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Pierre van Hooijdonk savoure le sacre de Feyenoord en Coupe de l'UEFA 2001/2002

Crédit: Getty Images

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