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Qarabag - OM : Entre polyvalence et perte de repères, quels sont les effets des changements de Jorge Sampaoli ?

Christophe Kuchly

Mis à jour 24/02/2022 à 17:49 GMT+1

LIGUE EUROPA CONFERENCE – En déplacement à Qarabag ce jeudi soir, les Marseillais devront conserver l’avantage de l’aller (3-1). Impossible cependant de savoir la tactique qu’ils utiliseront pour y parvenir tant les changements sont fréquents. Certains systèmes ont donné satisfaction, mais n'ont pas été reconduits pour autant. Ce n'est pas sans raison.

Jorge Sampaoli (Marseille)

Crédit: Getty Images

Avec l’arrivée de systèmes qui évoluent selon les phases, la distinction entre moments avec et sans ballon est de plus en plus courante. Elle l’est encore plus en France depuis que Jorge Sampaoli a posé ses valises et ses haltères sur la Canebière. Le coach argentin part de l’idée qu’il faut défendre avec une ligne de quatre et alléger l’arrière-garde pour attaquer en nombre, mais la façon dont sa formation se déforme est difficile à comprendre. En mouvement perpétuel, Marseille donne parfois l’impression qu’aucun joueur n’est à son poste et change tellement d’une semaine à l’autre qu’il est difficile de savoir si son coach cherche encore ou si, pour lui, la solution est dans l’expérimentation. Faut-il changer une équipe même quand elle gagne ?

Victoire en trompe l’œil ?

Le début de la (dernière) grande incompréhension date du 4 février dernier. Ce jour-là, l’OM bat largement Angers (5-2) dans un match parmi les plus plaisants de la saison. Jorge Sampaoli, qui utilise avec parcimonie Arkadiusz Milik, lui offre une huitième titularisation en L1 dans un système à deux attaquants utilisé pour la première fois. Aligné avec la recrue Cédric Bakambu, dans ce qui est présenté comme un 4-4-2 losange, le Polonais s’offre un triplé.
Ce système ne reviendra plus par la suite, sans que les résultats (défaites contre Clermont et Nice) et la manière (victoires poussives face à Metz et Qarabag) ne semblent justifier cet abandon. Alors, forcément, une question se pose : pourquoi ? Pourquoi ne pas construire sur une nette victoire et, plus important peut-être, sur la meilleure performance d’un joueur taillé pour évoluer à l’échelon supérieur ?
La réponse se trouve sans doute dans la manière dont s’est déroulée cette rencontre. Dans l’identité de l’adversaire, d’abord. Un SCO joueur, relançant au sol et défendant avec une ligne haute laissant des espaces dans son dos. Dans le scénario, ensuite. Mené 2-0, l’OM a concédé plusieurs situations très dangereuses, qu’elles se terminent en tir, comme le face à face raté par Azzedine Ounahi, ou non, comme ce 2 contre 3 mal exploité par l’adversaire.
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Arkadiusz Milik, auteur d'un triplé face à Angers

Crédit: Getty Images

Il a aussi marqué sur des phases au faible taux de réussite : frappe lointaine de Gerson, tête de Milik dans le but vide après une sortie totalement ratée de Danijel Petkovic, demi-volée de Cengiz Ünder hors de la surface… mais aussi centre incroyable du Turc pour Milik, que même Ronaldinho n’a pas souvent réussi dans cette position. Sans être le 6-0 contre Troyes pour les débuts de Michel sur le banc en 2015, où tout était rentré, le résultat flattait une performance perfectible.
Plus fou sur le banc que dans ses plans de jeu, Sampaoli se réfugie dans le contrôle quand les matches lui échappent. Lors de sa saison au FC Séville, la victoire 6-4 lors de la première journée avait été suivie par l’ajout d’un défenseur et un 0-0 une semaine plus tard. Cette saison, la défaite contre Lens (2-3) en septembre a amorcé un tournant vers de la possession plus prudente ralentissant nettement le tempo des matches, donc le nombre d’occasions et le risque de perdre si l’adversaire est réaliste.
Un calcul fait par la plupart des grandes équipes, qui ont la qualité technique pour conserver le ballon, à un détail près : la prise de risque. Laquelle, souvent minime, était particulièrement grande face à Angers, avec notamment un grand nombre de 1 contre 1 à disputer derrière. Trop, sans doute, aux yeux de l’Argentin.

Changements de zones

Si l’incompréhension réside surtout dans l’animation offensive, pas la plus adaptée à un club dont le slogan est "Droit au but", la question du système se pose d’abord de l’autre côté du terrain. Contre Angers, le losange était en fait un 5-3-2 en phase défensive, Boubacar Kamara passant en défense centrale. À Metz, Marseille a défendu en 5-4-1, avec à nouveau Kamara plus bas et, cette fois, le seul Dimitri Payet en première ligne. Contre Clermont enfin, l’équipe était en 4-3-3, avec des joueurs occupant leur poste habituel.
Trois journées de championnat, trois approches et autant de repères à trouver. D’autant que la phase sans ballon est traditionnellement plus rigide : là où les permutations offensives aident à perturber l’adversaire, il faut des habitudes pour bien défendre. Et ce n’est pas qu’un détail. Avec seulement 52 % de possession à Metz et plusieurs temps faibles contre Clermont, Marseille a dû défendre en bloc et savoir comment récupérer le ballon hors des séquences de pressing. Dans ce domaine, le onze est clairement perfectible.
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Dimitri Payet, le regard noir, après la défaite de l'OM face à Clermont

Crédit: Imago

Les séquences d’attaque sont beaucoup plus difficiles à appréhender. D’un côté, il y a toujours la volonté d’avoir quatre voire cinq joueurs collés à la défense adverse : un sur chaque aile, un dans chaque demi-espace (zone entre le latéral et le central) et, par séquences, un point de fixation dans l’axe. Le fait de jouer avec deux attaquants de métier ou sans numéro 9 ne change alors pas grand-chose à l’occupation des zones, et des systèmes a priori bien différents aboutissent finalement à ce qu’on pourrait qualifier de 3-3-4.
Limpide présenté comme ça, le tableau l’est moins quand on s’intéresse aux hommes. Car, contrairement aux autres équipes qui s’installent lentement dans le camp adverse avec l’objectif de ne plus en bouger, Marseille permute tout le temps. Des mouvements qui rappellent plus l’Ajax des seventies que le Bayern, avec des instantanés surprenants.
À quelques secondes d’écart, on peut par exemple voir Mattéo Guendouzi passer du demi-espace droit, position d’attaquant prêt à faire un appel croisé vers le point de penalty, à la zone de l’arrière-gauche. Des déplacements qui sont toujours compensés, le plan de jeu supposant que chaque couloir de jeu soit occupé, et entraînent donc d’autres délocalisations. De quoi donner l’impression d’une machine bien huilée, mais de quoi aussi créer des situations nouvelles quand un élément est loin de sa zone préférentielle.
Là où Johan Cruyff, comme Alfredo Di Stefano au Real avant lui, connaissait les besoins de chaque poste et pouvait l’occuper le temps d’une séquence, les Marseillais sont encore en apprentissage – et ont peu de chances d’atteindre un jour ce niveau extrême de compréhension du jeu. Faire ce que demande le système risque alors de provoquer d’autres problèmes.

L’apprentissage de la créativité

C’est dans ce décalage entre les qualités intrinsèques des hommes et celles exigées au très haut niveau que se trouve le principal problème. Chaque semaine, des décalages ne sont pas exploités à cause de mauvais choix individuels. Dimanche, Clermont a plusieurs fois été en retard au moment de coulisser mais l’avantage structurel a quasi systématiquement été perdu au moment de la prise de décision.
Pol Lirola, excellent pour déborder avec de l’espace sur le côté et centrer, a fait des passages dans le fameux demi-espace droit où évolue régulièrement Guendouzi. Même avec du temps et de l’espace pour faire la différence, l’orientation de son corps et sa prise d’information l’ont poussé à jouer la sécurité. Certains de ses partenaires commencent à prendre des réflexes mais, à changer sans cesse de position, ils ne développent pas d’habitudes de jeu.
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Mattéo Guendouzi (Marseille)

Crédit: Imago

Et c’est peut-être là le plus grand souci d’une équipe beaucoup plus frustrante que son classement. Certains choix tactiques ésotériques du coach sont légitimés par les rôles à tenir. Gerson, passé latéral ou défenseur axial gauche contre les Clermontois, devait créer le premier décalage dans le camp adverse plus qu’il ne devait protéger son but, et sa zone d’activité ressemblait beaucoup à celle du milieu qu’il a toujours été. Mais cette logique, visant à créer le danger, est très rare. À Marseille, il y a aujourd’hui plus de travailleurs à qui on demande de la création que de créatifs à qui on demande de défendre.
Si la prudence en possession est indéniable, elle dépend en bonne partie des profils. Du manque de réflexes offensifs de relayeurs transformés en attaquants – là où City aligne Kevin de Bruyne et Bernardo Silva dans ces rôles de "faux 8" – et d’appels quand ni Bakambu ni Bamba Dieng ne sont sur le terrain. Changer régulièrement de système ne fait que retarder la création de complémentarités et potentiellement perturber les habitudes défensives. La capacité à tisser une toile d’araignée dans le camp adverse est impressionnante et il y a parfois de vraies trouvailles. Reste l’impression que les productions sont rarement à la hauteur des ambitions et que le meilleur joueur est un tireur d’élite sans balles.
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