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L'Athletic Bilbao, un modèle de formation dont devrait s'inspirer l'Olympique de Marseille

François-Miguel Boudet

Mis à jour 18/02/2016 à 12:14 GMT+1

LIGUE EUROPA – Actuel 7e de la Liga, l'Athletic Bilbao constitue un obstacle de taille pour l'Olympique de Marseille. Sa politique de formation 100% basque est unique et devrait inspirer bien d'autres clubs, à commencer par son adversaire du soir.

L'Athletic Bilbao

Crédit: AFP

Dans les années 1990, un sondage avait établi que 75% des supporters de l'Athletic Club de Bilbao préféraient voir leur équipe descendre en deuxième division plutôt que de renoncer à la politique de formation identitaire. Seul club - avec le Real Madrid et le FC Barcelone - à ne jamais avoir été relégué depuis la création de la Liga en 1929, l'Athletic est un anachronisme dans le football globalisé actuel. Depuis 1912, les Leones ne font jouer que des joueurs liés au Pays Basque. Si les conditions d'entrée ont évolué et sont moins strictes qu'initialement, l'Athletic peut se targuer d'avoir 18 joueurs issus de sa cantera dans son effectif professionnel, un record.

Pas un handicap, une force

Pour espérer porter le maillot de l'Athletic Bilbao, il faut avoir un lien avec le territoire d'Euskal Herrial qui comporte 7 provinces (4 en Espagne : Biscaye, Alava, Guipuzcoa et Navarre ; 3 en France : Labourd, Basse-Navarre et Soule). En tout, cela fait plus de 3 millions d'habitants, sans compter la diaspora. Globetrotter de 26 ans passé par la cellule de détection du club, Fernando Iturbe a expliqué dans les colonnes de Goal.com l'importance du club, une notion supérieure aux trophées : "le sentiment d'appartenance du peuple facilite l'intégration. En Biscaye, les gens sont pour l'Athletic. Les plus jeunes sont éduqués pour être de l'Athletic et connaître son histoire. Les gamins sont de l'Athletic et veulent jouer pour l'Athletic. Un grand club aura beau venir, ils préféreront toujours l'Athletic. Cela ne se passe nulle part ailleurs".
Se cantonner à un territoire restreint pourrait apparaître comme un handicap. Au contraire, c'est une force. Et cela remet également en perspective les rêves d'expansion économique de l'essentiel des gros clubs européens. Avant de s'occuper du reste du monde, il faut d'abord s'intéresser au tissu local. "L'innovation n'a besoin ni de millions de dollars ni de designers hipsters qui boivent un café hors de prix dans leurs sandales dernier cri, expliquait Simon James dans le Guardian en 2014. Elle a besoin d'une véritable situation de "marche ou crève". L'absence de budget offre un meilleur sens de l'urgence que des poches pleines".
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L'Athletic Bilbao, vainqueur de la Supercoupe d'Espagne le 17 août 2015 à Barcelone

Crédit: AFP

Recruter à la base, faire progresser des jeunes notamment via le club antenne CD Baskonia (3e division) et le Bilbao Athletic (Liga Adelante) et les voir porter le blason de l'équipe fanion sont des considérations essentielles. Ce qui n'empêche pas de mettre la main au portefeuille pour attirer des joueurs issus d'autres centres, basques ou non. Ander Herrera, formé et passé pro à Saragosse, et Javi Martinez, qui a démarré chez les juniors à l'Osasuna, en sont les meilleurs exemples. Une bonne pioche puisqu'ils ont été vendus pour 36 et 40 millions d'euros, respectivement à Manchester United et au Bayern.
Iñaki Williams (21 ans) est le symbole de la mutation du Pays Basque. Né à Bilbao et élevé à Pampelune, père libérien et mère ghanéenne, Williams est le dernier phénomène sorti de Lezama. En janvier dernier, il a renouvelé son contrat, agrémenté d'une clause de départ de 50 millions d'euros. Ses épaules sont certainement encore fragiles pour supporter ce poids, mais il représente à la fois le XXIe siècle et l'appartenance à sa terre natale. Une vision du football et de la société espagnole actuelle que beaucoup de supporters voudraient voir appliquée à leur propre club.

Maximiser le potentiel local

Initié par le président Fernando Garcia Macua au terme de son mandat et poursuivi par son successeur Josu Urrutia, le projet décennal "Lezama XXI" participe à la volonté d'amélioration de la cantera, avec un complexe d'entraîneur très haut de gamme. Élu en 2011 sur la promesse de faire venir Marcelo Bielsa sur le banc, Urrutia vient d'entamer un second mandat et compte bien sur les 20 millions d'euros investis pour assurer la pérennité de l'Athletic.
"Ce qui arrive à l'Athletic a toujours été lié à ce qui s'est passé avant, affirmait Bielsa à la veille de la finale de la Ligue Europa perdue contre l'Atlético de Madrid en 2012. Cela s'auto-alimente. Ceux qui ont développé la mission de formation l'ont très bien fait. Nous avons une génération jeune, avec un pourcentage très élevé de joueurs forgés par l'institution". Parti en fin de contrat mais sur un joli bruit de porte qui claque (la routine en somme), Bielsa ne s'est pas trompé sur le potentiel des Zuri-Gorriak.
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Ernesto Valverde a pris la suite de Marcelo Bielsa sur le banc de l'Athletic Bilbao

Crédit: AFP

Entraîneur étranger (il est loin d'être une exception), Bielsa a laissé son empreinte mais il est évidemment loin d'avoir fait l'unanimité. Entraîneur le plus capé de l'histoire du club, 2 Liga, 1 Copa del Rey et une SuperCopa entre 1983 et 1984, Javier Clemente n'a jamais apprécié l'Argentin à l'Athletic à qui il a reproché une méconnaissance totale du sentiment basque: "Cela a été une grande erreur de faire venir Bielsa, a-t-il déclaré à TeleBilbao en octobre 2014. S'il restait une saison de plus, c'était la relégation. Sa deuxième saison, on s'en sort d'un cheveu. Sa façon de travailler avec l'Argentine me plaisait, pas avec l'Athletic. Je pense que c'est un bon entraîneur pour le Barça, pas pour l'Athletic". Pourtant, sa venue a fait gagner en maturité sa jeune équipe et son football a enchanté le public, aux antipodes de ce qu'a pu proposer Clemente. Les supporters de l'OM s'en souviennent.

Et si l'OM ?

Ernesto Valverde qui a pris sa suite fait partie des coaches les plus sous-cotés actuellement. Offensif mais plus pragmatique que le Rosarino, "Txingurri" fait très bien jouer son équipe, avec du mouvement et de la percussion. Malgré la défaite samedi dernier à Santiago-Bernabeu (4-2), il peut se targuer d'avoir fait vaciller le Real Madrid. C'est une juste récompense qu'il ait pu soulever la SuperCopa en août dernier.
Non seulement cette politique a toujours porté ses fruits en termes de jeu et de transferts mais elle démontre aussi que le sentiment identitaire reste au centre du football. Vision romantique ou discriminatoire ? Un peu des deux peut-être. Mais elle devrait davantage inspirer les clubs français, en premier lieu l'OM qui gaspille ses talents locaux malgré un bassin d'habitation conséquent. L'ambition dans la formation et dans le jeu devraient être la clef de voûte des Phocéens. Et avec plus de Provençaux dans l'effectif, peut-être que les virages du Vélodrome ne seraient pas fermés jeudi soir.
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