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Betis Séville - Rennes : Diego Lainez, prodige pressé

Thomas Goubin

Mis à jour 21/02/2019 à 15:16 GMT+1

LIGUE EUROPA - A 18 ans, le Mexicain Diego Lainez, couvé par le Betis Séville, a fait mal au Stade Rennais lors du 16e de finale aller de Ligue Europa la semaine passée. Avant le match retour à Benito Villamarín, jeudi soir, ses anciens entraîneurs nous en disent davantage sur celui qui est annoncé comme un futur crack.

Diego Lainez (Betis Séville)

Crédit: Getty Images

La France réussit décidément à Diego Lainez. Meilleur joueur du Festival Espoirs de Toulon l'été dernier, le prodige mexicain a fait ses grands débuts européens six mois plus tard, au Roazhon Park, au grand dam des supporters rennais et pour le plus grand plaisir des Beticos, mais aussi des spectateurs neutres, forcément interpellés par de tant de talent hébergé dans un petit mètre soixante-sept. Ses crochets, ses pénétrations, sa conduite de balle tout en extérieur du pied ont mis au supplice ses gardes du corps Rouge et Noir.
Au bout du temps réglementaire, sa frappe un peu écrasée, pas vraiment puissante, et qui se fraye un chemin avec réussite entre plusieurs jambes rennaises, fut la logique récompense d'une entrée en jeu prématurée (25e) qui contribua largement à changer la dynamique de la soirée. Désiré par l'Olympique Lyonnais mais finalement signé par le Betis Séville le 10 janvier, Diego Lainez n'a rien fait pour refroidir les ardeurs de ceux qui voient en lui un futur crack. "Par son gabarit, son explosivité, sa capacité à pénétrer les défenses, son profil est comparable à celui d'un Messi", nous dit ainsi Ricardo la Volpe, l'ex-entraîneur argentin de l'América qui l'avait lancé à seulement seize ans en première division.

"J'en ai vu des talents, mais rarement un joueur aussi déséquilibrant"

Des surdoués lancés avant même leur majorité, il en existe des wagons, au Mexique comme ailleurs. Mais ceux qui parviennent à s'acclimater aux exigences du professionnalisme au point d'y faire leur trou avant leurs vingt ans font figure de perle rare. "Ses débuts (mars 2017) ont été précipités par les forfaits de titulaires, explique La Volpe, mais je ne l'avais pas lancé pour le principe, mais parce que j'estimais que Diego avait un grand avenir".
Lainez se place alors en neuf et demi dans un 3-5-2. "Il peut également briller sur le côté droit de l'attaque, car il peut déborder mais aussi rentrer dans l'axe", précise La Volpe. Au Mexique, El Bigotón est reconnu pour avoir l'oeil, et pour lancer sans tarder de jeunes éléments dans le grand bain. En 2006, quand il était sélectionneur du Mexique, il n'avait ainsi pas hésité à titulariser Andres Guardado en huitième de finale de la Coupe du Monde, à seulement 19 ans,(2006-2006). Aujourd'hui, Guardado, 32 ans, joue le rôle de chaperon de Lainez au Betis. "En trente de carrière au Mexique, j'en ai vu des talents, mais rarement un joueur aussi déséquilibrant", estime La Volpe, entraîneur également réputé pour avoir inspiré Pep Guardiola sur les phases de relance de ses équipes.
Je veux le ballon, je cherche les un contre un, et j'accepte de prendre des coups
Face à Rennes, Lainez a touché 52 fois la balle en 63 minutes, et réussit 94% de ses passes. Des statistiques qui mettent en évidence son hyperactivité, mais qui disent peu de son culot monstre. Alors que le Betis commençait à mettre le pied sur le ballon mais peinait à déstabiliser Rennes, l'insaisissable gaucher a ainsi su se proposer constamment, souvent derrière les milieux défensifs, pour mieux aller attaquer balle aux pieds l'arrière-garde locale. "Je veux le ballon, je cherche les un contre un, et j'accepte de prendre des coups", résumait-il au terme de la rencontre. "Au-delà de ses grandes qualités techniques, il est très sûr de lui, estime Claudio Aguilera, qui l'avait entraîné avec les U12 de Pachuca, pour moi c'est cela qui fait la différence, qui en fait un joueur à part". "Pour lui, être en U20 ou en A ne constitue pas de différence, il s'adapte, il a une grande confiance en ses capacités", abonde Guillermo Hernandez, préparateur physique du Mexique, lors du dernier tournoi de Toulon.
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Diego Lainez (Betis Séville) face à Benjamin André (Rennes) lors du 16e de finale aller de la Ligue Europa

Crédit: Getty Images

Diego Lainez a pourtant grandi très loin du football de très haut niveau : à Villahermosa, la capitale du Tabasco, un état du sud du Mexique frontalier avec le Guatemala, terre de base-ball, plus grand producteur d'hydrocarbures du pays, mais très chiche formateur de footballeurs. Dans cette région où règne une chaleur étouffante, Diego passe son enfance au milieu des chevaux élevés par la famille de sa mère. Le ballon était toutefois aussi omniprésent. Entraîneur de football, le père parvient à transmettre sa passion à ses fils. Avant Diego, c'est d'ailleurs Mauro, de quatre ans son aîné, qui est repéré par Pachuca, un club auquel il appartient toujours.

Première sélection en A et champion au stade Azteca

Le club qui a formé Hector Herrera (FC Porto) et Chucky Lozano (PSV) détectera Diego dès ses 11 ans, mais le voit lui filer entre les doigts après seulement un mois, au lendemain d'un tournoi international en Corée du Sud. Diego ne résiste pas à l'approche de l'América, le club le plus titré du Mexique. Depuis son enfance, il est fan des Aguilas (aigles). "Après son départ, on a essayé tous les ans de le faire revenir, d'autant que son père a travaillé avec nous comme scout, mais lui n'a jamais tergiversé", nous confie Marco Garcés, directeur sportif de Pachuca. En décembre dernier, Lainez a accompli l'un de ses rêves dès ses 18 ans : être sacré champion du Mexique avec l'América (tournoi ouverture 2018), au cœur de l'immense stade Azteca.
Deux mois auparavant, il avait fait ses débuts en sélection A à l'occasion d'un amical face à l'Uruguay. Malgré sa foulée courte, Diego Lainez enjambe les difficultés propres aux premiers pas avec une aisance déconcertante. "Physiquement, même s'il est petit, il a une constitution très forte, décrypte Guillermo Hernandez, et puis sa vitesse est un grand atout, je ne suis pas étonné de le voir s'adapter si rapidement au football européen. C'est vraiment un joueur intense".

La fougue et l'impatience de sa jeunesse

Au Betis, Lainez a déjà disputé 204 minutes de jeu. Dès le 27 janvier, soit deux semaines à peine après son arrivée, il était même titulaire face à l'Athletic Bilbao. Il l'était à nouveau quelques jours plus tard en quart de finale de Coupe du Roi face à l'Espanyol Barcelone. Dans l'équipe de Setién, l'approche de Lainez tranche pourtant avec celle de ses coéquipiers. Alors que l'ensemble vert et blanc s'échange le ballon à une ou deux touches, Lainez lui, les multiplie. Un joueur tout en instinct au sein d'un collectif qui interprète avec maestria le jeu de position. Contre Rennes, on a d'ailleurs vu le Mexicain agacer l'idole Joaquín par son impatience, et Setién lui passer une soufflante alors que son positionnement laissait à désirer.
A 18 ans, Lainez a évidemment encore beaucoup à apprendre, mais Setién doit aussi se féliciter de disposer d'un joueur de rupture, qui se montre déjà décisif. A Rennes, outre son but, il avait aussi provoqué le coup franc du 3-2.
La trajectoire de Lainez est atypique. Hormis Carlos Vela transféré à Arsenal dès ses 16 ans, il est rare qu'un Mexicain quitte son pays avant la vingtaine. "Pour moi, il serait préférable qu'il reste encore un an au Mexique", estimait d'ailleurs encore au mois de décembre l'entraîneur de l'América, Miguel Herrera, alors qu'un accord imminent avec l'Ajax Amsterdam était annoncé. Depuis qu'il avait pris la succession de La Volpe à l'été 2017, Herrera n'avait d'ailleurs cessé d'appeler à la patience, et avait même renvoyé le gaucher avec les U20 lors du tournoi de fermeture 2018 (janvier-mai). En cause, une attitude qui laissait à désirer, alors que le joueur peinait à accepter ses séjours prolongés sur le banc.
"Diego a aussi payé le fait que l'América ait relancé sa politique d'achats de joueurs étrangers [dont Jérémy Ménez, NDLR], décrypte La Volpe, mais il a fini par s'imposer face à la concurrence lors du dernier tournoi qu'il a terminé comme titulaire." "Diego assimile facilement les consignes, avec lui ça va très vite, poursuit l'ex-sélectionneur mexicain. Avec moi, il a ainsi appris à ne plus recevoir le ballon dos au but mais à bien se profiler. Aujourd'hui, il doit encore s'améliorer tactiquement, et pour reprendre la comparaison avec Messi, je pense qu'il aussi la capacité technique pour devenir un grand passeur".
Autrement dit, la marge de progression du gaucher est aussi évidente que ses qualités. Jeudi soir, au Benito Villamarín, qu'il soit titulaire ou sur le banc, les Rennais auront d'ailleurs assurément dans un coin de leur tête les dégâts que peut provoquer un petit Mexicain d'un mètre soixante-sept.
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Diego Lainez (Betis Séville)

Crédit: Getty Images

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