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Mercato: Banque, partenaire, sponsor, gestion d’image de stars: impossible d'échapper à Doyen Sports

Nicolas Vilas

Mis à jour 08/07/2015 à 16:44 GMT+2

Elle a joué les “intermédiaires” dans le transfert de Imbula au FC Porto, porté plainte auprès de la Commission européenne contre l’interdiction de la TPO, est partenaire de l’AC Milan, gère l’image de stars comme Neymar... Doyen Sports est devenue incontournable sur le marché du foot. N’en déplaise à certains.

Imbulla lors de son premier entraînement avec le FC Porto

Crédit: Panoramic

"Certains joueurs ne sont tout simplement plus maîtres de leur carrière sportive et sont transférés chaque année pour enrichir ces inconnus avides de l'argent du football." Michel Platini n’a jamais caché son antipathie à l’égard des “tiers”. Le patron de l’UEFA a mis la pression pour que la FIFA ordonne l’interdiction de la tierce propriété (TPO) sur les droits économiques des footballeurs. Effective depuis le 1er mai, cette mesure est contestée en justice par les Ligues portugaise et espagnole, mais aussi par Doyen Sports. Portées par le cador du barreau, Jean-Louis Dupont (l’arrêt Bosman, c’est lui), les plaintes sont dirigées contre la FIFA, l’UEFA, la LFP, la FA et la Fédération polonaise (où la tierce propriété est interdite). Le 13 juillet prochain, le parquet de Bruxelles sera amené à statuer sur une suspension de cette prohibition.

Doyen Sports, qui es-tu ?

Fondée en 2011, Doyen Sports Investments Limited est une société régie par le droit maltais. Son DG est un jeune portugais. Nélio Freire Lucas, 36 ans, né à Coimbra. Il a fait ses études aux USA. Après avoir bossé dans la célèbre agence artistique CAA, il est rentré au pays. "En 2000, je suis entré dans le foot avec Stellar Group (qui était partenaire du Beira-Mar). En 2004, j’ai commencé à travailler avec l’agent Pina Zahavi et, en 2011, j’ai créé Doyen Sports." Zahavi a monté quelques jolis coups avec Jorge Mendes, qui “partage” des dossiers avec Doyen (Mangala, Falcao…). En 2011, le président de Getafe, Angel Torres, lâchait à El Pais sur ladite société : "C’est un fonds britannique géré par des hommes d’affaires portugais, qui est une scission d’un groupe qui travaillait avec Jorge Mendes".
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Jorge Mendes - 2015

Crédit: AFP

Si Torres fait référence au Royaume-Uni, c’est parce que Doyen y a pied. Doyen Capital LLP siège à Londres à la même adresse que “Doyen Group”, qui figure sur doyensports.com. Selon Bloomberg, parmi les investisseurs de la holding Doyen Group - à laquelle Doyen Sports appartient - figurent Fettah Tamince (CEO de Rixos Hotel) et Tevfik Arif (fondateur de Bayrock Group et actionnaire de Star Media). Rixos Hotel a été, via Doyen Sports, le sponsor maillot de l’Atlético Madrid en 2011-2012. L’année suivante, 50% de Star Media étaient vendus à la compagnie nationale pétrolière et gazière azerbaïdjanaise SOCAR. Et qui allait devenir le nouveau sponsor maillot des Colchoneros ? L’Azerbaïdjan.
Au-delà de ses activités liées au sponsoring, Doyen Sports gère l’image de plusieurs stars à travers Doyen Global Limited (basée à Londres), qui a pour directeurs Nélio Lucas, Simon Oliveira et Matthew Kay. Oliveira a longtemps bossé pour David Beckham, Lewis Hamilton ou Andy Murray. Kay a managé la stratégie commerciale de Cristiano Ronaldo ou Mourinho. La team œuvre maintenant pour Neymar, Januzaj, Simeone ou Xavi.
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Xavi, Neymar et Messi pendant Barcelone-Deportivo

Crédit: AFP

DS soigne aussi sa propre image. En apparaissant sur les maillots du Sporting Gijon ou de l’Atlético de Madrid, ils avaient "un message de transparence", explique Nélio Lucas : "Nous existons". Au point de bientôt devenir incontournable…

Doyen Sports, bien plus qu’une banque

Dans un entretien accordé à AS le 1er mai dernier, Nélio Lucas résumait les activités de sa société : "D’un côté, nous sommes une source alternative de financement pour les clubs. De l’autre, une agence de marketing, publicité". Doyen agit ainsi "comme une banque", de deux façons. Une assistance traditionnelle, sous forme de prêts, de crédits… Entre 2011 et 2014, ces activités représentent un volume de plus de 20 millions d’euros, essentiellement en Europe. Là où beaucoup de banques refusent ou ne peuvent suivre, Doyen Sports se lance. "Nous avons une discipline distincte d’une banque, explique Nélio Lucas. Nous acceptons des garanties qu’elles ne valorisent pas, parce qu’elles ne maitrisent pas le marché". Les sponsors, droits télé, les sources liées au merchandising et au marketing peuvent ainsi servir d’escomptes.
Dans la péninsule ibérique, cette structure compense la crise du secteur bancaire. Le Sporting Gijon a, par exemple, bénéficié de ces services, en contractant un emprunt de près de 3 millions d’euros. Le club belge de Seraing - lié au FC Metz et qui a déposé plainte aux côtés de Doyen Sports – fait aussi partie de ses clients. Parmi ses (autres) partenaires, Barclays et le Crédit Suisse. Des établissements bancaires qui sont (comme beaucoup d’autres) dans le collimateur de l’ONG Tax Justice Network, dont une récente étude sur les paradis fiscaux dénonce certaines de leurs activités planquées par le secret bancaire. Deux organismes actifs sur la planète foot. Barclays est sponsor de la Premier League, le Crédit Suisse celui de la Fédération suisse depuis 1993.

Plus TPI que TPO

Moins "traditionnelle", l’assistance à travers l’investissement dans les droits économiques des joueurs. Doyen Sports soutient financièrement le club au moment de l’achat et reçoit une partie de l’indemnité au moment de la revente. Un accord sous forme de contrat au terme duquel, si aucun transfert ne venait à être réalisé, la société se réserve le droit de récupérer son investissement. Nélio Lucas préfère parler de TPI (Third Party Investment) plutôt que de TPO : "Nous ne sommes propriétaires d’aucun joueur, nous ne faisons que du financement." Les droits fédératifs demeurent, il est vrai et quel que soit le montage, propriété des clubs. Sur ses trois premières années d’exercice, DS a investi plus de 80 millions d’euros dans ce type d’opération, majoritairement en Europe.
Doyen n’est toutefois pas une simple banque (et elle l’assume). Le conflit qui l’oppose au Sporting sur le transfert de Marcos Rojo à Manchester United en est l’illustration. Lorsque l’Argentin signe à Lisbonne en 2012, Doyen aligne 3,25 millions d’euros pour 75% des droits économiques du joueur et assure le versement de la première prestation du SCP au Spartak Moscou (750 000 euros). Au moment de la vente à ManU, les Lions remboursent les 4 millions d’euros investis par Doyen qui exige, elle, 75% des 25 millions d’euros (20 millions pour le transfert de Rojo + 5 millions pour les coûts du salaire de Nani qui fut cédé au Sporting dans cette opération). "Une banque classique exigerait la somme prêtée en plus d’intérêts, explique Maître Jim Gabriel-Michel, avocat et président de l’association des avocats mandataires sportifs au Barreau de Paris. Doyen n’agit pas comme une banque. Elle prête de l’argent aux clubs mais gère aussi l’image, la carrière de joueurs." Morata, Reyes ou Sérgio Oliveira figurent dans la liste des "joueurs représentés" par Doyen Sports.
A travers le transfert de Giannelli Imbula au FC Porto, Doyen Sports a fait étalage de son “know-how.” Les 20 millions d’euros alignés cash par les Dragons constituent un record au Portugal. Et Doyen n’y est pas pour rien. "Porto a trouvé un accord avec Doyen Sports, qui a mis un peu de sous pour que la transaction se fasse", a confié, ce week-end, le père du joueur au JDD. Quelques jours auparavant, la société maltaise expliquait à travers un porte-parole n’avoir tenu qu’un "rôle d’intermédiaire, n’ayant pas financé le transfert." Le prochain rapport des comptes du FC Porto (coté en bourse) permettra sûrement d’en savoir plus. Mais Doyen qui s’est entourée de cadors du barreau ne serait-elle pas en train d’anticiper la levée de l’interdiction de la TPO ? Elle rachètera alors une partie des droits de Imbula, afin de soulager les finances de Porto. Il en fut ainsi avec Brahimi.
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Yacine Brahimi avec le FC Porto

Crédit: AFP

Acquis en juillet 2014 (à 100%) par le FCP pour 6,5 millions d’euros, les droits économiques de l’international algérien sont revendus dans la foulée (à 80%) à Doyen Sports pour 5 millions d’euros. Porto garde alors une option de rachat jusqu’à 55% de ces droits jusqu’en juin 2017. Et il vient de se payer 30% des parts pour 3,8 millions d’euros. Les Dragons peuvent encore racheter 25% des droits éco de Brahimi (10% en 2015-2016 et 15% en 2016-2017) et détenir ainsi, au maximum, 75% du joueur. Au total, le joueur pourrait revenir bien plus cher. Mais quelle banque accepte de bosser gratuitement ?

La gestion sportive

Le 11 mai dernier, Doyen Sports ajoutait une nouvelle corde à son arc. Via un communiqué, elle se disait "fière d’avoir été choisie par Bee Taechaubol pour mener la politique sportive de Milan". Tout aussi fière de rappeler ses expériences ponctuées de "succès dans divers clubs comme Porto, Séville et l’Atlético de Madrid", elle précisait qu’elle "ne fera pas partie des opérations financières liées à l’achat du club et ni sera pas membre de la partie centrale de la structure de la société." Doyen a ainsi tenté le recrutement de Jackson, finalement vendu par Porto à l’Atlético, ou Kondogbia, qui a préféré signé à l’Inter. Selon Dominique Rousseau (Les Cahiers du football), Erick Thohir, nouveau proprio de l’Inter Milan, serait l’un des autres investisseurs de Doyen.
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Thohir et Moratti (Inter)

Crédit: AFP

Comment en être sûr et comment être sûr de l’inverse, tant la société maintient le mystère sur ses financeurs ? Pour Maître Jim Gabriel-Michel, une question reste en suspens : "On doit s’inquiéter et avoir une réflexion sur les conflits d’intérêts que posent ce type d’activités. On ne peut pas être à la fois celui qui vend et celui qui achète." Doyen Sports vient aussi de se rapprocher de Sheffield Wednesday (D2 anglaise), où le nouvel entraineur, le Portugais Carlos Carvalhal, vient de débarquer, accompagné du défenseur français Vincent Sasso, prêté par Braga.
Reste que "tout est fait dans la légalité", comme le précise l’avocat français. Doyen Sports ne fait que rappeler le fond du problème : le manque d’harmonie fiscale et législative. "Aux Etats-Unis, où les sommes générées sont bien plus importantes qu’en Europe, il n’y a pas de type ce problèmes, poursuit-il. Parce que chacun a un rôle précis, une fonction définie et qu’il doit s’y tenir. Cela évite ainsi les conflits d’intérêts. L’Union européenne a des questions à se poser." En intégrant le projet de l’AC Milan, Doyen Sports a le mérite de placer les législateurs face à leurs limites. Au pire, on pourra leur reprocher d’avoir endossé un rôle "d’intermédiaire" au sein du club milanais. Nélio Lucas a prévenu que l’interdiction de la tierce propriété peut entraîner "des alternatives dangereuses" : "Des fonds vont racheter des clubs". Doyen s’est "interdit de le faire et, pourtant, ce serait facile pour nous". Les questions d’éthiques levées par la FIFA resteront alors sans réponse…
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