Pourquoi Trezeguet n’est pas devenu le meilleur buteur de l’histoire des Bleus

Il aurait pu, il aurait dû mais il n'y est jamais parvenu. David Trezeguet n'est pas devenu le meilleur buteur de l'histoire de l'équipe de France. Une sorte de rendez-vous raté avec la destinée. Parce qu'il a entretenu, du début à la fin, une idylle contrastée et contrariée avec la sélection dont il a rarement été plus qu'un joker. Joker de luxe, peut-on dire sans qu’aucun des deux termes ne soit galvaudé. Barré par Thierry Henry, quand celui-ci est devenu indispensable dans l'axe, parfois obstrué par Nicolas Anelka, quand ce dernier était en odeur de sainteté ou décidé à jouer, puis recalé par Raymond Domenech, dont la conception footballistique n'était pas compatible avec les qualités du renard franco-argentin, Trezeguet a passé dix drôles d’années sous la tunique bleue. Il fut souvent indispensable. Sans jamais l’être réellement.

David Trezeguet aura néanmoins marqué la légende du football tricolore en remportant la Coupe du monde 1998, à 20 ans, et en arrachant à l'Italie le Championnat d'Europe des Nations 2000 d'une demi-volée du gauche fantastique. Celle-là, personne ne pourra lui retirer. Si son parcours avec les Bleus avait été moins semé d'embuches, David Trezeguet serait, aujourd'hui, le meilleur buteur de l’histoire de la sélection. Sans aucun doute.

L'ancien joueur de la Juventus Turin a terminé sa carrière internationale avec 71 capes et 34 buts marqués. Il est à ce jour le troisième meilleur buteur de l'histoire de l'équipe de France. Derrière son copain "Titi" (51 réalisations) et Michel Platini (41).

Niveau ratio matches joués/buts marqués, David Trezeguet (0,48) devance Thierry Henry (0,41) mais reste derrière Michel Platini (0,57) et d'autres illustres attaquants Bleus du XXe siècle, tels que Just Fontaine. Le héros de Suède (30 buts en 21 sélections) aurait aussi pu prétendre à aller bien plus haut dans la hiérarchie. Mais son corps n’a pas suivi.

Si l’on se penche sur le ratio minutes jouées/buts marqués, il n’y a pas photo. Henry et Platini, qui le devancent au classement des buteurs, sont loin derrière Trezeguet.

Trezeguet a toujours fait beaucoup avec peu. En 71 matches disputés avec les Bleus, Trezeguet n’a été titularisé que… 29 fois et n’a joué, en moyenne, que 58 minutes par rencontre (4110 minutes en cumulé). Henry ? 74 minutes en moyenne (9090 au total). Imaginez ce qu'il aurait offert avec un peu plus.

On a tendance à l'oublier mais David Trezeguet a longtemps avancé plus vite que l’ancien buteur d’Arsenal. Même cantonné au banc de touche par Roger Lemerre et à des bouts de matches après le titre de champion d'Europe 2000, le "Roi David" marquait à tour de bras avant l'arrivée de Raymond Domenech. 55 sélections entre 1998 et 2004 : 29 buts (0,52 buts par match). Au bout du même nombre de capes, Thierry Henry accusait un retard de cinq réalisations sur l’imparable Trezeguet. "Titi" avait inscrit 24 buts, soit 0,44 par rencontre. La suite a été moins rose pour le Franco-Argentin. Seize matches entre 2005 et 2008 : 5 petits buts, dont un doublé face aux Iles Féroé.

Sa meilleure période, David Trezeguet l'a connue statistiquement avec Roger Lemerre (18 buts) mais c’est sous l'ère Jacques Santini qu’il a le plus été utilisé et a enfin ressemblé à un titulaire. Il n'est d'ailleurs pas anodin qu'il ait probablement réalisé son match référence en 2003. Un Allemagne - France à Gelsenkirchen remporté haut-la-main par les Bleus (0-3) avec un doublé de Trezeguet et une entente "monégasque" avec Thierry Henry. Santini a osé jouer avec les deux compères (ce ne fut pas le cas de tout le monde). Et ça s'est mal terminé, Henry ne montrant pas beaucoup d’entrain à partager le couvert avec son ancien partenaire de l’ASM durant l'Euro 2004. Cela n'a pas encouragé Raymond Domenech à l'imiter. Si tant est qu'il y ait sérieusement songé.

Entre Domenech et Trezeguet, le malentendu a été complet. Incompatibilité d'humeur et footballistique. Le jeu de l'attaquant n'a jamais été viable avec la philosophie du patron des Bleus qui préférait partir de loin quand Trezeguet avait besoin de roder dans la surface. Victime également de lui-même et de son style, de plus en plus décalé avec les canons du football moderne au fil des ans, David Trezeguet a terminé sa carrière internationale le 26 mars 2008 face à l'Angleterre (1-0). Un peu plus d'une heure de jeu sur le terrain. Pas grand-chose à en retirer. Comme ses quatre années sous Domenech.

La vidéo suivante, extraite de L’Equipe du Dimanche en 2007, ne peut pas mieux résumer le malaise. Elle annonçait l’inéluctable épilogue. Et une certitude : David Trezeguet ne deviendrait jamais le meilleur buteur de l’histoire des Bleus. Thierry Henry allait s'en charger peu de temps après.