Saudi Pro League - Karim Benzema à Al Ittihad, genèse d'un malaise

C'est le genre de nouvelle qui, en 2023, fait son effet. Croyez-le ou non : Karim Benzema a quitté Instagram. Habituellement si productif sur son réseau social favori, l'attaquant français d'Al Ittihad aurait-il décidé de se couper des critiques dont il fait l'objet depuis plusieurs semaines pour ses performances en Arabie saoudite ? C'est une hypothèse, rien de plus. Mais une chose est sûre, un certain malaise s'installe autour de son cas.

Mardi soir, le club de Djeddah a entamé sa phase retour de championnat en étant terrassé par le Al-Nassr de Cristiano Ronaldo (2-5). L'ancien Lyonnais, peu inspiré offensivement, a comme un symbole concédé un penalty qui a profité à "CR7", et voilà son équipe reléguée à... 22 longueurs du leader Al-Hilal au classement. Quelques heures plus tôt, le surnom "Ben-Hazima", "le fils de la défaite" en arabe, faisait son apparition dans les médias saoudiens. Ambiance. Mais comment en est-on arrivé là, six mois après son arrivée en grande pompe ?

Il y a ce que disent les chiffres : 20 matches, 12 buts et 5 passes décisives toutes compétitions confondues, soit un bilan statistique honnête. Et le reste. "Ce qui agace, c’est qu’il pèse bien moins dans le jeu qu’à Madrid, nous explique Killian Besson, redacteur Asie pour Lucarne Opposée. Et il semble n’en avoir rien à faire". "Les fans le traitent même de paresseux en raison du rythme qu'il met dans le jeu", précise Haytham Mohamed, journaliste pour Goal Arabie saoudite.

Si les chiffres ne sont pas à la hauteur des attentes, l'impact dans le jeu l'est donc encore moins. Et les reproches vont jusqu'au comportement du Français dans le vestiaire. "Depuis la première moitié de saison désastreuse pour Al-Ittihad et le licenciement de Nuno Espirito Santo (le 7 novembre, ndlr), les fans et les experts ont commencé à remettre en question l'attitude de Benzema, rembobine Haytham Mohamed. Des informations ont fait état d'une dispute entre lui et Espirito Santo".

Des tensions avec son ex-entraîneur... et son coéquipier en attaque Abderrazak Hamdallah ? Les rumeurs à ce sujet sont également allées bon train dans le pays du Golfe, ce qui n'a pas aidé son cas. "Les critiques les plus dures sont récentes, relève Killian Besson. Il y a encore trois semaines, beaucoup de supporters le soutenaient. Mais depuis quelques semaines, beaucoup commencent à trouver ses performances médiocres pendant qu’Hamdallah enchaîne les gros matches, lui. Donc la presse commence à être assez impatiente. La presse footballistique saoudienne, c’est presque de la télé-réalité, donc pour les ragots et les critiques, ce ne sont pas les derniers..."

Voilà qui incite à prendre ces rumeurs avec le recul nécessaire. Le compte "Actu SPL", suivi par 15 000 abonnés sur "X", prend lui des pincettes encore plus grosses. "Le cas Karim Benzema est plus un cas médiatique qu’autre chose, honnêtement. Ses récentes performances sont pointées du doigt, mais les médias en rajoutent une couche, et surtout les supporters adverses comme ceux d’Al Nassr ou Al Hilal".

Si le Français a évidemment sa part de responsabilité dans le marasme actuel du côté de Djeddah, il est par ailleurs loin d'en être le seul responsable, coincé dans un contexte devenu sensible très rapidement dans la saison. Et indépendamment de lui.

"Le mercato estival a été très mal géré, rappelle Killian Besson. Certains joueurs étaient indésirables et poussés vers la sortie, avant d’être finalement rappelés (Ahmed Hegazy, Abderrazak Hamdallah et Igor Coronado). Dès cet été, le club s’est beaucoup plaint qu’il ne disposait pas de moyens suffisants. Depuis juillet, je pense que la présidence est plus souvent dans les journaux à se plaindre que dans les bureaux à travailler. Au début, ça allait, car l’équipe gagnait. Mais aux premières défaites, tout a pris de plus grosses proportions. Espirito Santo s’est brouillé avec le vestiaire, dont Benzema. Ittihad a des joueurs avec des forts caractères et l'ambiance est désastreuse depuis quelques mois".

L'atmosphère est donc rapidement devenue néfaste et les supporters, eux, expriment leur frustration. "On reproche à la direction d'avoir choisi de recruter des joueurs 'finis' comme Benzema, Kante et Fabinho, complète Haytham Mohamed. C'est comme ça que les supporters les qualifient car ils estiment que les tenants du titre méritaient de meilleurs joueurs étrangers comme ceux recrutrés par Al- Nassr (Laporte, Fofana, Brozovic, Mané, Ronaldo...) ou Al-Hilal (Bounou, Koulibaly, Milinkovic-Savic, Neymar, Malcom...)".

Dans un tel contexte, la comparaison entre Benzema et Ronaldo, qui a inscrit mercredi son 53e but de l'année civile, est encore moins supportable pour son club et ses supporters. Les épisodes comme le penalty manqué par le Français contre Al Ahly au Mondial des clubs sont encore plus durs à digérer. "Il n'est pas considéré comme le principal problème d'Al Ittihad, mais on attendait beaucoup de lui", résume très simplement Haytham Mohamed. Il sera très dur d'inverser la vapeur collectivement. Mais il est encore temps de sauver les meubles individuellement.