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Chelsea : Dans le jeu ou son discours, José Mourinho refuse le rôle du dominateur

Nicolas Vilas

Mis à jour 14/03/2015 à 21:26 GMT+1

Derrière les prestations de Chelsea face au Paris SG se dessine le profil de son manager. Aussi titré, friqué, exposé soit-il, José Mourinho excelle dans l’exploitation de l’inattendu. Au point de sembler vouloir refouler le rôle du dominateur.

José Mourinho en conférence de presse avec Chelsea - 2015

Crédit: Panoramic

"Humilié ? Je n’ai rien volé à personne et je ne suis pas en prison." C’est à ce type de questions que José Mourinho est amené à répondre depuis mercredi soir. Au-delà d’une élimination prématurée en  Ligue des champions, le Portugais doit gérer voire justifier la faillite du favori qu’il était. Contre Paris, il n’a pas assumé. Ni le jeu ni ce statut qui malgré plus de 20 trophées glanés il peine encore à revendiquer. Le Mou est un tueur qui préfère se glisser dans la peau de la victime. Voilà pourquoi il déborde d’autant d’empathie que d’amour-propre.  
Le "One" a réussi ses plus beaux coups en tant qu’outsider. Porto était trop régionaliste, l’Inter Milan pas assez nationaliste et Chelsea trop artificiel pour qu’on en fasse des élus. Mourinho s’investit du statut du mal-aimé et articule sa communication, son approche du jeu, sa psychologie  autour de ce ressenti. Face aux Parisiens de Laurent Blanc, il ne pouvait adopter une telle posture. Un costard trop petit pour lui dont les coutures ont fini par exploser et que ses détracteurs prennent maintenant un plaisir à tailler.
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Jose Mourinho

Crédit: AFP

Un jeu de dominé

A Stamford Bridge, face au Paris SG, le Mou a subi le scénario qu’il redoutait. Il a vu Blanc investit d’une mission dans laquelle il rayonne. Chez lui, à 11 contre 10, il était le grand favori. Et entre l’exclusion de Zlatan et le penalty sifflé en sa faveur, il n’a même pas l’excuse de l’arbitrage. Mourinho – et il le raconte dans l’une de ses bios - est le genre d’entraîneur qui prépare des séances pour que ses joueurs soient prêts à jouer en infériorité numérique. Le manager de 52 ans n’est pas réputé pour son jeu offensif. Sur les 729 matches que compte sa carrière, il affiche pourtant une moyenne de 2,04 buts par match. Mais le chiffre tombe à 1,74 en Ligue des champions.
Défensivement, la tendance reste la même (0,80 but encaissé par match au total et 0,88 en C1). Lassé par l’emballement autour du "Tiki-taka" du Barça, José avait œuvré pour façonner un Real capable de le stopper. Un machine de contre, bientôt devenue la caricature de ce que Mourinho sait produire : la contre-production, le déni de la dictature du beau jeu. Lorsqu’il débarque à Madrid, les Merengue sont dans l’ombre du Barça. Et quand ils en sortent, leur entraîneur finit par se griller. Car au Real, le club ne tournait plus autour de lui. C’est lui qui devait tourner pour l’institution.
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Jose Mourinho avec Cesc Fabregas - Chelsea - 2015

Crédit: AFP

Mourinho est capable de tout pour arriver à ses fins

A ce jour, le meilleur manager du monde n’a dirigé qu’un seul Ballon d’or. Cristiano Ronaldo. Leur relation s’est dégradée au fil des années. Au-delà de certaines postures de son ex, Cris n’a pas supporté sa façon de (dé)jouer.  Depuis qu’il officie dans le Big Five, le plus fort taux de succès du Mou (72%), la plus grosse moyenne de buts par match (2,67) correspond à son passage au Real Madrid. Mais sur les confrontations directes avec le Barça, les données s’écroulent (29% de taux de victoire, 1,14 but par match).
Pour son premier clasico, le Mou s’était vu infliger une manita. Un dépucelage qui a viré au traumatisme et en renforcer son idée de jouer petit face aux gros. La vraie caricature serait toutefois de le résumer à un entraîneur capable de faire jouer Eto’o latéral gauche. Ce jour d’avril 2010, face aux Catalans, c’est son équipe qui était réduite à dix. Et qui allait obtenir la qualif… Inattendue. Oui, Mourinho est capable de tout pour arriver à ses fins. Y compris de laisser les observateurs sur leur faim.
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José Mourinho - Chelsea

Crédit: AFP

Le discours victimaire

Chez José Mourinho, chaque prise de parole est une prise de position. Des mots tranchés, souvent acides. José est persuadé que les arbitres sont contre lui. "Si je dis ce que je pense, je vais être suspendu", amie-t-il répéter. Ces derniers mois, il a collectionné les embrouilles. Et les amendes. Il en est ainsi depuis toujours, ou presque. Depuis son départ du FC Porto, il aurait payé plus de 400 000 euros rien qu’en prunes. Mais s’il ramène sa fraise, c’est aussi par calcul. Mercredi, Blanc et Zlatan se sont peut-être remémorés les récents propos de Graeme Souness : "Personne ne sait aussi bien mettre la pression sur l’arbitrage que lui". José s’en prend aussi aux instances.
Son Chelsea serait une victime du Fair play financier. "Les honnêtes" (comme lui) "sont pénalisés" tandis que les autres "préfèrent payer des amendes" (comme lui). "Les règles sont différentes pour City ", lance-t-il. Avant le retour contre le PSG, il s’était presque moqué du don de 250 000 euros alloué par Nasser à ses joueurs en cas de qualification. "Je ne reçois aucune prime depuis longtemps. Seulement quand je remporte des titres. La dernière fois que ça m’est arrivé c’était au FC Porto", a-t-il balancé aux journalistes. Ses rapports avec la presse aussi sont parfois tendus. Le Mou est un adepte du blackout. Et là encore, c’est au Bernabéu que les rapports ont été les plus tendus. De quoi le conforter dans sa conviction d’être le mal-aimé. Y compris au sein des siens.
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Zlatan Ibrahimovic et José Mourinho lors de PSG-Chelsea.

Crédit: AFP

L’éternel besoin de reconnaissance

"Je ne comprends pas comment on peut avoir des rapports entre entraîneurs, ni pourquoi. Je pense que c’est impossible." Il y a quelques mois, José Mourinho avouait dans sa chronique Yahoo qu’il n’avait "aucune relation forte" avec aucun de ses confrères. Et on veut bien le croire. Cruyff, Manuel José, Guardiola, Jesus, Roy Keane, Pellegrini, Del Bosque, Scolari, Benitez, Vilanova… Mourinho enquille depuis ses débuts au Benfica les duels en conf de presse. Même avec Villas Boas qui faisait partie de son staff, les rapports se sont refroidis. José Mourinho reste le Special "tout". Depuis qu’il est retourné en Angleterre, il a retrouvé son meilleur ennemi : Arsène Wenger. L’ancien coach de Leiria entend exercer un métier à part et comme personne. Non sans ironie, il a encore tiré sur le Gunner : "En ce moment, Wenger a un travail de rêve parce qu’il a le temps d’acheter et de vendre et d’attendre encore que le succès vienne… et attendre, attendre. "
Surement parce qu’il est humain, le natif de Setubal semble porté par cet éternel besoin de reconnaissance. Pas tant par ses pairs qui ont été de grands joueurs  que par les grands joueurs qui le sont encore. Ce que Mourinho n’a jamais été. Sa modeste carrière de défenseur, il l’a doit en grande partie au réseau de Félix, son père. Et si José est blindé – dans tous les sens du terme – il éprouve le besoin d’être aimé. Et il l’est. Selon un récent sondage réalisé par Four Four Two, JM serait l’entraîneur préféré de presque la moitié des footballeurs de Premier League. Devant ses deux "amis" Guardiola et Wenger. Ce qui le pousse à dire pour ceux qui s’inquiètent de son avenir : "Le jour où je quitterai Chelsea, j’aurai 19 clubs de Premier League et 24 clubs de Championship." Une victoire pour celui que Domenech surnomme dans son dernier bouquin  "le traducteur. "
Laurent Blanc n’a pas manqué de le rappeler : "Mourinho a une histoire fantastique avec le Barça. Bobby Robson parlait peu l’espagnol et Mourinho facilitait les échanges." Ce sobriquet agace Mourinho : "Ce n’est pas parce que je parle cinq langues que je suis traducteur. Ne m’appelez comme ça, ce serait un manque de respect pour ceux qui exercent cette profession." Il en faut plus pour bourrer le Mou. Sa force de caractère il l’a tient peut-être de Louis van Gaal. L’un des rares qu’il encense : "Il a eu une influence très importante dans ma carrière." Et pour Ibra qui a bossé avec les deux, il n’y a pas match. Le géant suédois qui avait taxé le Néerlandais de "dictateur" s’était dit "capable de mourir pour Mourinho." "Il ne criait pas mais nous motivait avant les matches. C’était comme un théâtre", poursuivait-il au Daily Mail en 2013. Malgré cet acté manqué, José n’aura donc pas tout raté...
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