Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Arsenal : le bon, la brute et le… tournant

Bruno Constant

Mis à jour 08/03/2017 à 10:46 GMT+1

En sanctionnant, à Liverpool, le comportement d’Alexis Sanchez, Arsène Wenger a sans doute scellé l’avenir du Chilien chez les Gunners et le sien par la même occasion en précipitant la chute d’Arsenal.

wenger Sanchez

Crédit: Eurosport

A Arsenal, la communication est importante. Très importante même. Lorsqu’Olivier Giroud s’était blessé au pied face à Everton en août 2014, le club avait bloqué toute communication sur la blessure du Français, puis avait insisté auprès des médias pour évoquer l’indisponibilité du Gunner en termes de "semaines" et non de "mois". Une manière de dédramatiser la gravité de la blessure de son buteur. Après examens, la mauvaise nouvelle avait pourtant confirmé une absence de trois mois mais le club londonien avait continué à "communiquer" sur une durée de douze… "semaines". Il est vrai que les semaines passent plus vite que les mois…
Ce lundi, au lendemain des révélations sur les raisons de la mise à l’écart d’Alexis Sanchez au coup d’envoi du match à Liverpool (1-3) et à la veille du huitième retour de Ligue des Champions face au Bayern Munich, Arsène Wenger a affronté les médias accompagné, comme le veut le règlement de l’UEFA, d’un joueur en la personne de… Mertesacker. Oui, Per Mertesacker, qui n’a pourtant toujours pas disputé la moindre minute de compétition cette saison ! Étrange, non ? Pas vraiment. A Arsenal, l’identité du joueur qui se présente devant les médias avec son entraineur est stratégique et décidé par… Wenger lui-même. C’est une manière comme une autre pour une entreprise - et tout club de football est avant tout une entreprise aujourd’hui - de contrôler sa communication.
picture

Wenger : "Sanchez ? C’est complétement faux"

Or, pour affronter les questions sur le "Sanchezgate" ou son avenir, Wenger s’est appuyé sur un joueur d’expérience, champion du monde, qui plus est de la même nationalité que l’adversaire (le Bayern), pour éviter tout écart et dissiper tout malaise. Mertesacker n’était pas dans le vestiaire au moment de l’accrochage entre Alexis et certains de ses coéquipiers et, de toute façon, il n’était pas concerné par les reproches faits par le Chilien puisque le défenseur allemand n’a pas joué de la saison. Mais surtout le défenseur de 32 ans, l’un des rares à s’exprimer après les défaites à Arsenal, sait gérer ce genre de situation. Cependant, les révélations de l’affaire Sanchez et les raisons de sa mise à l’écart du onze contre Liverpool donnent une autre lecture du match et de la décision de Wenger de laisser le Chilien sur le banc au coup d’envoi à Anfield…

Le match à Liverpool a confirmé la "Sanchez-dépendance"

Quand un entraineur se prive de son meilleur joueur, il a plutôt intérêt à avoir de sérieux arguments ou, tout au moins, que le pari tactique soit gagnant à l’arrivée. Or, Wenger a eu faux sur toute la ligne samedi, et le changement de visage radical de son équipe sitôt l’entrée du Chilien en seconde période a conforté l’erreur de l’Alsacien et confirmé la "Sanchez-dépendance" des Gunners (17 buts et 9 passes soit 26 des 55 buts inscrits par son équipe en PL). Arsenal ne peut pas être meilleur sans Alexis, peu importe la raison. Et surtout pas celle avancée par Wenger avant la rencontre, la volonté d’un "jeu plus direct, plus long avec Giroud et Welbeck", ce que n’a d’ailleurs jamais fait son équipe à Anfield.
Résultat : Arsenal s’est incliné, s’éloignant un peu plus du titre tout en confirmant ses difficultés face aux équipes du Top 6 (quatre défaites et une seule victoire en sept rencontres). Car, entre le match aller (3-4) lors de l’ouverture du championnat à l’Emirates, où certains avançaient la thèse de l’accident à cause des nombreuses absences, et le match retour (1-3) à Anfield, où les Gunners furent tout autant pressés et dépassés défensivement, sept mois se sont coulés et rien n’a vraiment changé.
Au moment des faits, personne ne connaissait la vraie raison de la mise à l’écart, à savoir l’accrochage du joueur avec certains de ses coéquipiers lors des jours précédant la rencontre, démentie par Wenger mais confirmée par plusieurs sources. Arsène "le bon" n’avait pas à le dire, pour protéger son équipe à l’approche du match. Mais, en ne communiquant pas, le Français a peut-être scellé son avenir - on rappellera qu’il est en fin de contrat et n’a toujours pas répondu à la prolongation de deux ans de ses dirigeants - et celui de son joueur qui, lui non plus, ne s’est toujours pas mis d’accord avec le club londonien (il est lié jusqu’en 2018).
Commençons par le joueur. Depuis plusieurs semaines, il faudrait être aveugle pour ne pas sentir dans les gestes d’humeur d’Alexis une certaine frustration liée aux résultats décevants de son équipe et donc comprendre les raisons qui le poussent encore à hésiter à prolonger, outre ses demandes salariales pour un joueur de sa stature (250 000 livres sterling par semaine). Et on aurait plutôt tendance à lui donner raison. Or, tout ce qui était avancé comme des qualités du Chilien, sont devenus, depuis 24 heures, des défauts irrémédiables à son existence à Arsenal. On entend ici et là que l’attitude du joueur agace ses coéquipiers, qu’il serait égoïste, jamais content, un peu trop virulent lors des oppositions à l’entraînement… Une "brute", Alexis ?
picture

Arsène Wenger lors de Bayern - Arsenal en Ligue des Champions en Ligue 1 le 15 février 2017

Crédit: AFP

Dans un vestiaire d'agneaux, Alexis est devenu la brebis galeuse

Oui, il est frustré par les résultats d’Arsenal. A Munich, il a même jeté ses gants sur la pelouse. Il y a de quoi non ? Oui, il montre ses émotions sur le terrain, dans les bons comme dans les mauvais moments. Il veut jouer tous les matches et n’aime pas être remplacé. Mais qui, depuis le début de saison, est le joueur le plus régulier et le plus performant ? Walcott ? Non. Xhaka ? Non. Coquelin ? Non. Cela ne justifie en rien ni n’excuse ses écarts de conduite. Mais, pour avoir parlé avec plusieurs Gunners, le problème d’Arsenal n’est certainement pas Alexis Sanchez.
Que le Chilien ait quelques petits privilèges liés à son statut comme celui d’utiliser la salle de gym comme bon lui semble ? Et alors ? Les grands joueurs ont parfois des privilèges. Vous pensez que Ronaldo n’en a pas au Real, ni Messi à Barcelone ? Je ne dis pas qu’Alexis joue dans cette cour-là mais le Chilien est autant important et indispensable à Arsenal que le Portugais et l’Argentin dans leurs clubs respectifs. Dans un vestiaire d’agneaux à qui il a dit ses quatre vérités, Alexis est devenu la brebis galeuse. Néanmoins, cette affaire pourrait marquer un "tournant" dans l’avenir du joueur, désormais rejeté par une partie du groupe qui semble se satisfaire de son sort.
Ce "Sanchezgate" illustre une nouvelle fois les difficultés de Wenger à gérer les egos de son vestiaire, un vestiaire construit à son image : lisse et sans perturbateurs, qu’il a toujours fini par écarter (de Merson à Adebayor en passant par Nasri). C’est un reproche qui lui a longtemps été fait depuis les départs de Tony Adams et Patrick Vieira : une équipe sans caractère. Et le départ d’un joueur du calibre d’Alexis serait un nouvel échec pour le club comme pour lui, fier d’avoir mis un terme à la fuite des talents (Fabregas, Van Persie, Clichy, Nasri, Song…) depuis la levée des restrictions financières liées à la construction du stade. Or, l’avenir du Français pourrait être lié à celui du Chilien…
picture

Alexis Sanchez avec Arsenal - 2017

Crédit: AFP

Une marche de protestations des supporters avant le Bayern

En écartant son meilleur joueur sans raison ni résultat valables, Wenger s’est attiré un peu plus les foudres des supporters qui réclamaient déjà son départ. Plusieurs centaines d’entre eux avaient d’ores et déjà prévu d’organiser une marche de protestation contre le club et son manager en prélude de la rencontre face au Bayern. Celle-ci se tiendra entre Marble Halls, dernier vestige conservé de l’ancien stade du club, Highbury, et The Armoury, la boutique du nouveau, l’Emirates. Une manière pour les supporters de rappeler la promesse non tenue par les dirigeants et Arsène Wenger en particulier. Ces derniers avaient justifié le passage de l’un à l’autre par une meilleure compétitivité du club leur permettant, à terme, de lutter à armes égales avec des clubs comme le… Bayern. Or, la gifle reçue au match aller à Munich (1-5) a rappelé l’écart abyssal qui sépare encore les deux clubs onze ans après l’inauguration du nouveau stade.
Cette année encore, Arsenal ne sera pas champion. Cette année encore, Arsenal ne passera pas les huitièmes de finale de la Ligue des Champions à laquelle les dirigeants se félicitent pourtant de participer chaque année. Bref, cette année encore, la saison d’Arsenal s’est éteinte entre le 15 février et le 15 mars. Cela devrait alerter les dirigeants. Et pourtant, cela n’a rien de nouveau puisque c’était déjà le cas la saison passée à la même période de l’année. Déjà quasiment éliminé de la Ligue des Champions après s’être incliné à domicile face à Barcelone (0-2), le club avait enchaîné deux défaites - à Old Trafford face à Manchester United et surtout à domicile contre Swansea (1-2) - qui avaient condamné ses derniers espoirs de titre. Que s’était-il passé ensuite ? Les supporters avaient fait part de leur colère, certains avaient demandé le départ de leur manager avec des pancartes "Wenger Out", Wenger avait redressé la pente, assurant la place du club dans le Top 3 et finissant même devant l’ennemi, Tottenham. Et Arsenal était reparti une saison de plus avec son entraineur…
picture

Wenger assume pour Alexis Sanchez : "J'ai pensé qu'il fallait jouer plus long"

Seul un échec dans la quête du Top 4 semble pouvoir signer la fin de l'ére Wenger

Cette saison, Arsenal peut encore éviter une saison blanche grâce à un tirage très clément en Cup. Pour atteindre Wembley et le dernier carré de la compétition, le club londonien, qui s’apprête à affronter Lincoln City en quarts, une autre D5 après Sutton United, n’aura eu à éliminer qu’une seule formation de son rang (Southampton). Dans un championnat de plus en plus disputé qui a vu l’avènement d’un véritable "Big Six" et dans lequel un entraîneur comme Mourinho n’est même pas en mesure d’assurer une place dans le Top 4 à un club comme Manchester United (6e), un tel exploit ferait figure de victoire et serait sans doute présenté ainsi par rapport aux deux « gros » qui seront éjectés. Or, Arsenal, cinquième, n’est qu’à deux points du quatrième (Liverpool) avec un match en retard.
Wenger dit vouloir se donner "encore un peu de temps pour décider sur son avenir", mais on sait déjà qu’il est tombé d’accord avec ses dirigeants sur un nouveau contrat de deux ans. On sait aussi, et il l’a dit, qu’il souhaite continuer à entrainer Arsenal. Personne, dans son entourage, ne connaît les réelles intentions de l’Alsacien. Mais seul un échec du club dans la quête d’une place dans le Top 4 semble pouvoir déclencher la fin de l’ère Wenger à Arsenal.
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez dès ce mardi mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité