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À Manchester United, "pour 300 briques, t'as plus rien !"

Bruno Constant

Mis à jour 30/12/2017 à 15:01 GMT+1

PREMIER LEAGUE - José Mourinho a trouvé la parade pour justifier l'écart de quinze points entre Manchester United et son rival City : les Citizens dépenseraient trop, et MU pas assez. Évidemment, ça fait sourire...

José Mourinho Manchester United

Crédit: Getty Images

C’est une déclaration d’après-match qui a fait beaucoup parler. Une de plus. Manchester United vient de lâcher deux nouveaux points dans la course au titre (enfin, ce qu’il en reste) à Old Trafford face à Burnley (2-2), après ceux abandonnés dans le temps additionnel à Leicester (2-2).
Un journaliste rappelle à José Mourinho que son équipe vient d’en perdre huit en cinq journées, et lui demande si c’est quelque chose d’acceptable pour un club de l’envergure de Manchester United. “C’est une chose d’être un grand club et c’est une autre chose d’avoir une grande équipe. Ce sont deux choses différentes, insiste le Special One. Nous sommes dans la seconde année d'un processus qui vise à reconstruire une équipe de football qui n’est pas l’une des meilleures du monde.
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Mourinho : "Ce n'est pas assez, ce n'est pas assez"

C’est à ce moment-là que José balance sa première salve : “Manchester City achète des latéraux pour le prix d’attaquants…” Mourinho fait évidemment référence à Benjamin Mendy et Kyle Walker, environ 97 M£ à eux deux. Un autre journaliste lui fait alors remarquer qu’il a tout de même déboursé près de 300 M£ depuis son arrivée au club (en réalité 286 M£). Deuxième salve : “Ce n’est pas assez…” Pas assez, José ?
Mourinho renvoie ici deux idées. La première, c’est que le succès, et en particulier celui de Guardiola à City, reposerait presque uniquement sur l’argent. La seconde, c’est qu’il a hérité d’un champ de ruines en arrivant à Manchester United en 2016. Mourinho a raison sur un point : City a payé très cher ses deux latéraux.
Néanmoins, il oublie de dire qu’un seul des deux a réellement pris part à la saison des Citizens. Mendy a coûté 52 M£ mais n’a disputé que trois rencontres et seulement 29 minutes de la quatrième avant de se blesser gravement au genou tandis que Danilo, celui qui aurait pu le remplacer et qui a coûté 27 M£, n’a débuté que six rencontres de Premier League. Au final, Guardiola, qui a dépensé 361 M£ (moins les 52 M£ de Mendy), et Mourinho ont utilisé à peu près la même somme d’argent depuis leur arrivée commune. D’autant que City a, dans le même temps, vendu pour 89 M£ de joueurs. En dépenses nettes, depuis 2016, City a donc lâché 272 M£. MU ? 236 M£.
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Mourinho : "Manchester City achète des défenseurs au prix des attaquants"

300 M£, pas assez pour battre Huddersfield ou Burnley ?

Manchester United et City sont deux clubs très riches. Bien plus riches que Tottenham et Liverpool, et bien plus dépensiers que Chelsea et Arsenal. On peut tout à fait admettre que City semble intouchable cette saison du haut de son record de dix-huit victoires consécutives (série en cours !). Mais le débat est ailleurs.
300 M£ (340 M€ environ) devraient être suffisants pour résister à dix joueurs de Leicester au King Power Stadium, ou pour battre une équipe comme Burnley à Old Trafford, non ? Mais, à l’entendre, Mourinho a trouvé des ruines en découvrant Manchester United. Herrera était pourtant un excellent joueur avant que le Portugais n’arrive au club. Martial aussi, avant qu’il ne traverse un long désert sous Mourinho. Lingard et Rashford étaient déjà là et déjà décisifs. Valencia, Young, Mata, Jones composaient déjà l’effectif. De Gea était déjà l’un des cinq meilleurs gardiens au monde.
Lors de ma dernière chronique sur City, j’avais écrit que, en se retrouvant dans la même ville que Guardiola et avec les mêmes moyens que son rival, le Portugais serait jugé sur son football et la progression de son équipe. C’est exactement où on en est aujourd’hui, et la différence saute aux yeux. Le Catalan a relancé un milieu défensif qui était à la cave au poste de latéral gauche (Delph), certes comme Mourinho avec Ashley Young.
Il a transformé Sterling, fait progresser De Bruyne, Stones et Otamendi. En 2016, Mourinho a signé un chèque de 113 M£ pour un seul joueur (Pogba) et 85 M£ sur un autre (Lukaku) l’été dernier. Pour la même somme (près de 200 M£), Guardiola a acheté Ederson, Stones, Bernardo Silva, Sané et Jesus (189 M£).
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José Mourinho et Pep Guardiola

Crédit: Ford Rallye

"We’re just a rich West Brom !"

La vérité, c’est que Mourinho a une nouvelle fois saisi une perche pour allumer un contrefeu. Son équipe a garé le bus à Anfield. De quoi a parlé Mourinho après la rencontre ? L’adversaire. “Je m’attendais à voir Liverpool prendre davantage de risques.” MU a passé son temps à défendre chez lui face à City. De quoi a parlé Mourinho après la rencontre ? Des décisions arbitrales avant d’allumer l’étincelle à la porte du vestiaire visiteur.
MU a concédé le nul à domicile face à Burnley. De quoi a parlé Mourinho ? Du prix des latéraux de City. On aimerait plutôt qu’il nous explique pourquoi son équipe concède autant de buts. Ou pourquoi, malgré le retour de Pogba, sa formation ne dégage plus la même maitrise.
On a dit que le monde de United s’écroulait sans le Français mais il était pourtant présent en coupe de la Ligue à Bristol (1-2), tout comme à Leicester (2-2) ou contre Burnley (2-2). Un joueur ne fait pas une équipe et certainement pas dans un club comme Manchester United. Si c’est le cas, il faut alors se demander ce que son entraîneur fait tous les jours sur le terrain d’entraînement depuis dix-huit mois.
Même les supporters de United ont fini par se poser la question. “We’re just a rich West Brom !” (“Nous ne sommes qu’un riche West Brom !”), a lancé l’un d’eux sur la BBC 5 Live, le 6 novembre dernier. La formule est excellente, digne des chants souvent très drôles des supporters anglais, et a provoqué l’hilarité de l’ancien Gunner Ian Wright en studio.
Au-delà de l’humour, il y a du vrai. Le manque d’ambition dans le jeu est devenu un vrai sujet de discussions dans les travées d’Old Trafford, ou dans les pubs autour de Piccadilly Gardens. Le plus inquiétant dans tout ça, ce sont les sorties médiatiques de plus en plus critiques et ciblées du Special One. Sur l’arbitrage, sur son rival, mais aussi et surtout sur ses joueurs qu’il a jugés “puérils” et “immatures” pour avoir gâché de nombreuses occasions de but à Leicester.
Les cycles de Mourinho durent généralement trois ans. Acte I : reconstruction, Acte II : succès, Acte III : divorce. Lors de son dernier passage à Chelsea, ça s’était corsé dès la troisième saison. À Manchester, la tension grimpe déjà dès la moitié de la deuxième saison. Avec le risque de voir le cycle raccourci ? C’est l’impression que ça laisse. On en oublierait presque que son équipe est deuxième du championnat…
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et RFI en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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