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Premier League - En Angleterre, "anyone but Liverpool", vraiment ?

Cyril Morin

Mis à jour 10/01/2019 à 18:04 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Juste avant la défaite de Liverpool face à Manchester City (2-1), un terme est devenu viral sur les réseaux sociaux : "Anyone but Liverpool", autrement dit "Tout sauf Liverpool". En bonne place pour remporter un titre qui les fuit depuis 28 ans, les Reds sont-ils devenus des parias outre-Manche ? Que se cache-t-il derrière ce mot-clé érigé en vérité pour certains supporters ?

Un supporter de Manchester City se moque de Liverpool en 2014 après le sacre des Citizens sur le fil

Crédit: Getty Images

Un club iconique. Mondialement connu et reconnu. Souvent spectaculaire sur le terrain. Et lancé dans une mission épique : reconquérir un titre qui le fuit depuis 28 ans. Une quête qui a failli prendre forme ces dernières années mais reste encore d’actualité, la faute à des faits de jeu encore dans les mémoires collectives (n’est-ce pas Steven Gerrard ?). Sur le papier, c’est le scénario idéal. Du genre de celui qui emballe les foules. Comment ne pas vouloir voir Liverpool, actuellement en tête de Premier League, être sacré champion d’Angleterre en mai prochain ?
Pourtant, le 3 janvier dernier, le ralliement ne semblait pas évident avant le duel entre Manchester City et Liverpool. Avant, pendant et après le match, de nombreux messages sur les réseaux sociaux reprenaient un slogan en chœur : "Anyone but Liverpool". Autrement dit, tout sauf Liverpool. Sans être un raz-de-marée numérique, l’expression a néanmoins de réels partisans outre-Manche. "C’est vraiment une tendance qui monte, nous explique Alex Chick, journaliste à Eurosport en Angleterre. Si certains fans neutres ont beaucoup de sympathie pour Liverpool, la majorité préfèrerait qu’ils ne gagnent pas la Premier League".
Alors, les Reds détestés ? Sans aller aussi loin, disons qu’ils ne font pas l’unanimité. Logique tant les autres prétendants sérieux en début de saison sont nombreux. Mais, à écouter certains fans d’autres clubs écartés de la course au titre, une victoire de Liverpool serait la pire chose possible.
Geoffroy, supporter inconditionnel de Manchester United, ennemi historique du club de la Mersey, ne dit pas autre chose : "Je préfère que City soit champion que Liverpool, il n’y a même pas de questions à se poser. En caricaturant, si on me demande ce que je préfère entre un titre en Premier League pour eux et la descente de United, je ne suis pas sûr de mon choix. J’exagère sûrement mais c’est pour donner une idée de mon rejet des Reds".
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Un supporter tend une affiche enjoignant Manchester City à se battre jusqu'au bout

Crédit: Getty Images

Anfield et le club parfait

Le son de cloche est équivalent chez Lawrence, supporter londonien historique de Chelsea : "Je veux que City soit champion. Il y a un mythe et une trame narrative autour de Liverpool qui sont faux". Celui d’un club historique qui a gardé son âme intacte dans le foot business et qui continue de produire une ambiance populaire dans un écrin aussi mythique que craint, Anfield. "L’Anglais fan de football moyen n’a aucune envie de voir Liverpool gagner quelque chose car nous sommes fatigués d’entendre toujours parler de la formidable atmosphère d’Anfield alors que c’est un mythe, surtout depuis que tous les stades sont obligés de présenter des places assises à leurs fans, explique Lawrence.
Alex Chick confirme ce sentiment. Selon le journaliste anglais, il y a aussi une certaine autosatisfaction qui se dégage des fans des Reds, difficilement appréciable quand on supporte une autre équipe. "Quand ‘You’ll Never Walk Alone’ est chanté avant les gros matches, on a l’impression que c’est le premier club de foot à avoir inventé un chant, glisse-t-il. Donc certains ont l’impression que si Liverpool gagne le titre, l’atmosphère d’autosatisfaction des Reds et leurs supporters sera insupportable. C’est probablement injuste pour certains fans de Liverpool plus modérés mais c’est ainsi".
Liverpool n’a pas vendu son âme au football actuel ? Disons que les millions dépensés depuis l’arrivée de Jürgen Klopp sur le marché des transferts l’intègre plutôt dans le cercle fermé des clubs anglais les plus dépensiers. Parfois à juste raison. Le journaliste Alex Chick, toujours : "Liverpool et ses fans sont considérés comme hautains par les autres supporters car ils ne cessent de clamer que leur club est réellement unique. Pas seulement en tant que club de football mais aussi dans les valeurs morales voire spirituelles qu’il représente".
Une position pourtant défendue le 1er janvier dernier par Henry Winter, rédacteur en chef football du Times, dans un billet très commentée sur les réseaux sociaux au titre volontairement provocateur : "Every supporter should celebrate if Liverpool triumph" (Tous les supporters devraient se réjouir si Liverpool triomphait, NDLR).
Selon lui, si Liverpool a évidemment cédé aux avances du football marketing, il a gardé une certaine distance vis-à-vis de celui-ci. L’âme de Liverpool ne s’est pas totalement diluée dans le football spectacle, à l’inverse d’autres gros. Surtout, à l’écouter, le Liverpool de Klopp mérite ce titre pour ses investissements raisonnés et son équipe composée d’hommes aux valeurs humaines louables (Trent Alexander-Arnold a, par exemple, accueilli un déjeuner de Noël pour les défavorisés). Le genre d’arguments, venus d’une des figures médiatiques du foot anglais, qui font bondir certains.
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Des supporters passent devant le logo de Liverpool

Crédit: Getty Images

Omniprésence médiatique des anciens

Des valeurs diffusées à la chaîne dans tous le Royaume et sur toutes les ondes à écouter les plaignants. Car Liverpool est l’un des clubs à présenter le plus d’anciens joueurs ayant réussi leur reconversion dans les médias. Rien que pour la chaîne Sky Sports, on compte Jamie Carragher, Robbie Fowler, Graeme Souness, Jamie Redknapp. Du beau monde.
C’est surtout cette omniprésence médiatique, teintée de bienveillance, qui énerve le plus Lawrence, notre supporter de Chelsea : "En Angleterre, il y a plus de 30 anciens joueurs de Liverpool qui travaillent pour la BBC, Sky Sports, BT Sports ou la presse écrite et, évidemment, c’est impossible pour eux d’être objectifs, d’effacer leur connivence vis-à-vis de Liverpool, avance-t-il. C’est simple : il y a une trame narrative fausse derrière Liverpool dans les médias".
Même Alex Chick, lui-même partie intégrante de la couverture médiatique, confesse que celle-ci n’est pas toujours "objective" : "Elle est parfois trop respectueuse, c’est vrai". Et s’enflamme souvent concernant les prestations des Reds à écouter encore Lawrence : "Niveau jeu, Liverpool joue de façon très attractive, c’est sûr. Mais rien n’attire l’œil du spectateur lambda. Manchester City reste l’équipe la plus belle à voir jouer, il n’y a pas photo".
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Jamie Carragher face aux supporters de Liverpool

Crédit: Getty Images

Always the victims, never your fault
L’autre problème pour Liverpool est plus récent. Ou en tout cas est revenu à la mode. Une culture de l’excuse qui énerve profondément. Récemment, d’ailleurs, ce fut un festival. Face à Manchester City ? Une rumeur venue d’un podcast de fan affirmait que Pep Guardiola avait volontairement demandé à laisser pousser la pelouse pour freiner le jeu des Reds. Face à Wolverhampton ? La faute du vent qui "n’a pas aidé car les joueurs luttaient pour contrôler le ballon" dixit Klopp.
À United, où le chambrage envers les Reds est une activité à part entière, un chant a d’ailleurs été créé pour qualifier cette attitude : "Always the victims, never your fault". Toujours les victimes, jamais votre faute. Si les origines du chant ont pu être sujettes à polémique, il s’agit d’abord aujourd’hui de se moquer de cette tendance : "C’est né du drame du Heysel. Tu as toujours l’impression que quand quelqu’un plonge dans la surface contre Liverpool, ils vont te dire que c’est complot contre eux. Alors que quand Salah plonge…" explique Geoffroy.
Voilà pour le panorama complet de ce "Anyone but Liverpool". Pourtant, chez les bookmakers comme au classement, ce sont bien les Reds qui restent favoris pour décrocher la timbale en fin de saison. Et si d’aventure cela arrivait ? Lawrence parle de "cauchemar médiatique". Les supporters mancuniens, eux, devraient abandonner une blague qui leur est chère : "Depuis le dernier titre de Liverpool, Peter Schmeichel a gagné plusieurs fois la Premier League, a eu un fils, son fils a grandi et a gagné lui aussi le titre".

L’année où jamais ?

Et les supporters des Reds dans tout ça ? "Dans le fond, je les comprends, je me mets à leur place, nous explique Romain, supporter de Liverpool depuis plus de 10 ans. Pour eux, ça fait des années que Liverpool était une équipe moyenne. Mais, depuis l’arrivée de Klopp et le mercato réussi, la magie a opéré et les résultats suivent. Ça fait peur à certains".
L’omniprésence médiatique des pundits passés par Liverpool ? "Ils sont forcément fiers de revoir Liverpool sur le devant de la scène mais les critiques, ils les feront quand il faudra les faire". La culture de l’excuse ? "C’est pareil partout, un entraîneur ne dira jamais que son équipe a été mauvaise". L’ambiance à Anfield ? "Dans les gros matches, on répond toujours présent. Peu importe l’évolution du club, il y aura toujours cette âme. Et ce qu’on ne peut pas nous reprocher, c’est notre constance".
Effet de bulle médiatique propre aux réseaux sociaux ou non, Romain n’avait pas entendu parler de ce mouvement "Anyone but Liverpool". Au fond, peu lui importe. Ce qu’il souhaite, c’est voir Jordan Henderson soulever le Premier League Trophy en fin de saison : "Si on ne gagne pas cette saison, je ne sais pas quand ça se fera tant tout est réuni cette année". Histoire de mettre fin à la malédiction des Reds qui dure depuis 28 ans. N’en déplaise aux détracteurs.
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Firmino et ses coéquipiers de Liverpool (décembre 2018)

Crédit: Getty Images

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