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Des jets de projectiles visant Neymar en Ligue 1 à la Premier League : Lost in translation

Philippe Auclair

Mis à jour 27/09/2019 à 21:41 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Les jets de projectiles qui ont visé Neymar lors de Lyon – PSG n'ont pas été particulièrement remarqués en France. Ils auraient pourtant choqué dans un championnat comme la Premier League.

Neymar lors de la rencontre entre Lyon et le PSG, le 22 septembre 2019

Crédit: Getty Images

Je ne m'attendais pas à ça. Dimanche soir, un oeil sur Séville-Real Madrid, l'autre sur OL-PSG, mon regard fut attiré par un plan du caméraman positionné près du poteau de corner où Neymar s'apprêtait à tirer un autre coup de pied de coin pour les Parisiens. Merci la Belgique - on évite les répétitions comme on peut !
Illico, les projectiles pleuvent sur le vilain petit canard du PSG. Boulettes de papier, mais aussi briquets, mais aussi bouteilles. Le périmètre est patrouillé par des stadiers, qui, placides, les bras croisés derrière le dos, regardent le bombardement comme des vaches normandes regardent passer l'express Paris-Le Havre depuis leur champ du côté d'Yvetot ; autrement dit, ne le regardent pas. Un de plus, un de moins, on a l'habitude, laissez-nous brouter en paix.
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Neymar avec le PSG en 2019

Crédit: Getty Images

Ces images, sur lesquelles il est des plus faciles d'identifier quels sont les imbéciles qui ciblent Neymar, le monde entier les a vues, mais la France les a à peine relevées. Une radio irlandaise m'a convié à en parler. Des confrères britanniques interloqués m'ont demandé s'il s'agissait d'une autre manifestation des neymarophobes parisiens.

Ne rien comprendre au football, vraiment ?

Je ne me sentais pas si fier. J'ai beau être londonien depuis trois décennies, et pas plus fan du PSG que cela, je me sentais gêné de débiner le championnat de mon pays natal, et ces fans qui, au-delà de leurs débordements, sont la substantifique moëlle de notre football national, bien plus que les sponsors dont les messages s'affichent sur les bandeaux LED de nos stades. Il n'empêche que j'avais le cœur retourné par tant de bêtise.
Ayant eu le malheur de tweeter sur le sujet, demandant comment il se faisait qu'il existât des passe-droits pour certains supporters, et pourquoi ceux-là n'étaient pas automatiquement bannis des stades, une autre pluie de projectiles s'abattit sur moi, verbaux cette fois.
On m'accusait de ne rien comprendre au football (cela va de soi), de vouloir aseptiser le grand exutoire collectif de nos sociétés malades (en termes moins choisis), le circus maximus de la France du XXIe siècle, le pouce dirigé vers le bas. Cela faisait partie du 'folklore', me dit-on. J'étais un fossile, un guignol, un bourge gangréné par la vérole commerciale de la Premier League, où l'on pourrait aussi bien jouer au foot dans des bibliothèques, où le match du samedi est désormais une terra incognita pour les 'vrais' fans.
Ce ne fut pas une soirée de tout repos. Bloque. Masque. Bloque. Bloque. Insultes. Menaces. Bloque. Masque. Bloque.

Des boulettes de papier, pas des boules de pétanque

D'où ma question. S'agit-il d'un gouffre culturel entre l'Angleterre et le reste, qui vaut aussi bien pour le football que pour la politique ou les interrogations sociétales ? Ou serait-ce plutôt que la Premier League, objet de tant de fantasmes et de haines, serve d'excuse a contrario pour des débordements qui, contrairement à ce qu'affirment ceux qui les justifient, n'ont aucun fondement dans les "traditions" du football ?
Ces "traditions", quand on y regarde d'un peu plus près, ont des origines des plus récentes. Je me souviens d'aller à des matchs de football anglais ou pas un supporter ne portait le maillot de son club ; on se contentait d'une écharpe, d'un bonnet de laine, d'une chemise de la bonne couleur, tous 'home-made'. Les 'tifos' qu'on nous présente comme une sorte de pilier du supportérisme populaire, quoi que cela veuille dire, ne sont apparus que dans les années 1960 et 1970 en Italie, avant d'être repris bien plus tardivement ailleurs. Comme vous tous, je les adore. San Siro le soir du derby de Milan était d'une beauté à couper le souffle. Les confetti de Dortmund encore plus.
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Le tifo de l'AC Milan lors du derby face à l'Inter

Crédit: Getty Images

Ce que ces manifestations de l'amour d'un club, exprimé de façon aussi magnifique, ont à voir avec le jet d'objets divers sur un joueur qu'on aime détester, je l'ignore. Comme le disait Jean Cocteau, "jusqu'où peut-on aller trop loin ?"
"Hé, c'était des boulettes de papier, pas des boules de pétanque", me dit-on, en ajoutant quelques injures. Le problème est que (mis à part le fait qu'il ne pleuvait pas que du papier sur Neymar) si l'on n'adopte pas le principe de la zéro-tolérance en ce domaine, les frontières entre le folklorique, le dangereux et l'inacceptable sont si floues qu'il n'en existe plus. On en arrive à tolérer l'intolérable. Un dirigeant italien, Giovanni Malago, de plus membre du CIO, nous explique que la simulation est un problème plus grave que le racisme dans son football. Ah bon. Bonne chance à la Serie A.

Les exemples Chelsea et West Ham

West Ham est l'un de ces clubs "problématiques", avec une base de fans elle aussi "problématique". Cela ne les a pas empêchés de bannir à vie un fan qui avait proféré des insultes antisémites. Chelsea est dans le même cas. Lorsque Raheem Sterling fut la cible d'insultes racistes l'an dernier à Stamford Bridge, Chelsea bannit le coupable à vie. Tout n'est pas parfait dans le football anglais, loin de là. Mais je sais que, si, par malheur, lors de ma prochaine visite dans un de ses stades, j'entendais un imbécile imbéciliser de la sorte, je pourrais me tourner vers mon stadier et attirer son attention sur ces actes, sans craindre de passer pour un traître à mon club ou aux "traditions" du football.
Ah oui, mais le prix à payer, c'est que vos stades sont tellement policés qu'ils sont des cimetières, me dit-on. Curieusement, ce n'est pas le sentiment que j'avais au sortir de Chelsea-Liverpool ce dimanche. On ne s'entendait pas hurler. On avait eu droit au mur du son pendant 90 minutes, un régal ; mais pas un débordement à signaler. Pas une "boulette de papier" balancée au tireur de corners. Si c'est ça, l'aseptisation, je suis pour, et ai bien du mal à comprendre pourquoi quiconque serait d'un autre avis.
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