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Sheffield United, la lame tranchante

Joffrey Pointlane

Mis à jour 28/09/2019 à 15:55 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Le promu Sheffield United réussit son début de championnat malgré sa défaite contre Liverpool (0-1) ce samedi. Ce retour dans l’élite ne fut pas aisé après des années de purgatoire en League One (D3). Les supporters des Blades attendent une saison positive après la résurrection de leur club, soumis néanmoins au conflit pesant qui oppose ses deux propriétaires.

Sheffield United celebrate

Crédit: Getty Images

Personne ne l’avait vu venir. Ni les observateurs avisés de la Premier League ni les journalistes. Et surtout pas eux. Mais à voir la mine satisfaite de Chris Wilder dans sa zone technique à l’entame du temps additionnel couplé aux chants et la joie des fans des Blades dans les travées de Goodison Park, on peut mesurer la qualité de la prestation du promu en Merseyside.
Sheffield United a bien battu Everton (2-0) sur le terrain des Toffees lors de cette 6e journée. Et au-delà de parvenir à glaner sa première victoire à l’extérieur par ce succès retentissant, le club du Yorkshire a équilibré son bilan comptable (en termes de victoires, nuls et défaites), histoire de présenter le même que celui de mastodontes comme Tottenham, Manchester United ou Chelsea, ce qui illustre les difficultés des membres du top 6 depuis début août. Comme la performance de ces Blades, en avance sur leur tableau de marche.
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John Lundstram avec Sheffield United

Crédit: Getty Images

De Liverpool à Liverpool

N’oublions pas d’ailleurs leur abnégation affichée face aux gros, et le nul ramené de Stamford Bridge (2-2, après avoir été mené 0-2) fin août tenait bien davantage valeur d’avertissement pour les suivants. Samedi, c’est un autre club de Liverpool que Sheffield va rencontrer, à domicile. Et cette opposition n’aura rien à voir avec celle de la semaine passée.
Si les Reds, champions d’Europe en titre, compteront sur ce déplacement pour préparer au mieux la réception du RB Salzbourg mercredi en C1, cette première affiche de la 7e journée va surtout rappeler au club de Sheffield United et à ses supporters ce pourquoi ils se sont battus pendant plus d’une décennie et le retour du club dans l’élite : faire des Blades un club qui compte en Premier League. "L’affiche de samedi est juste rêvée pour les fans. Jamais ils n’auraient pensé revivre ses odeurs de matches avant, au moins pas avant longtemps. Il faut voir d’où le club est revenu. C’est surtout au niveau sportif que le club a galéré", admet Leon Wobschall, journal au Yorkshire Post et suiveur des Blades depuis quinze ans.

League One, David Sommeil…et Carlos Tevez

Il faut dire que la douloureuse relégation à l’issue de la saison 2006-2007 (18e, et une défaite lors de la dernière journée face à Wigan, sauvé à la différence but, -22 contre -23) ne fut que les prémices d’une dégringolade presque sans fin pour les amoureux des Blades, tombés finalement en troisième division (League One) en mai 2011. L’époque dorée des Phil Jagielka et des ex-Bordelais et Troyens David Sommeil et Christian Nadé a fait place à des années d’errance sans aucune stratégie sportive après le départ des cadres et autres joueurs majeurs.
"Tout part de cette relégation en mai 2007 et l’affaire qui en a suivi. McCabe s’est lancé dans une cause perdue avec West Ham et Carlos Tevez, qu’il n’a pas su réagir face à la situation d’un club rétrogradé. Les supporters restent marqués par cet épisode" ajoute Wobschall. Juste après la relégation des Blades, McCabe avait attaqué en justice les Hammers et leur attaquant Carlos Tevez, buteur à Old Trafford face à MU (1-0), coupable d’avoir aligné l’Argentin alors que celui-ci semblait inéligible selon lui. Une commission indépendante avait alors imposé une amende record de £5,5M au club de Londres plutôt qu’une déduction de point, sauvant sa peau dans l’élite.
La glorieuse période de Neil Warnock (1999-2007) était alors terminée et ce n’est pas moins de onze managers différents qui ont ensuite essayé de redonner vie à cette équipe fondée en 1889, la première du sport collectif anglais à utiliser la dénomination "United". Mais ni l’ancienne légende de MU Bryan Robson (2007-2008) ni Gary Speed (2010) ou encore David Weir (2013), Nigel Clough (2013-2015) et Nigel Adkins (2015-2016), parmi les noms les plus marquants, n’ont réussi à insuffler un nouveau départ dans le Yorkshire.
Si les saisons passées en League One (2011-2017) ont permis de mettre en avant l’explosion de joueurs comme Harry Maguire (Manchester United) ou Dominic Calvert-Lewin (Everton), elles se suivent dans une profonde morosité sans l’espérance d’un rayon de soleil. "Ces années-là font partie des plus sombres de l’histoire de Sheffield. Non pas à cause de la descente en League One et d’y évoluer. Mais d’un manque réel de faire bouger les choses pour redresser la barre. McCabe s’était résigné à laisser sa place puis s’est ensuite refusé à partir. La cellule de recrutement est restée inactive et n’a flairé aucun bon coup", analyse une nouvelle fois le journaliste. Sauf à l’été 2016. Et l’arrivée d’un ancien de la maison, Chris Wilder (1986-1992) qui fera figure de point de rupture.
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Chris Wilder avec Sheffield United

Crédit: Getty Images

Le manager et l’enfant du pays

Il fallait bien un local, connaissant parfaitement les valeurs et l’environnement du club pour insuffler une nouvelle dynamique à des Blades qui ne répondaient plus. Bramall Lane - nom de l’antre de Sheffield United - était bien sûr à chaque fois derrière ses joueurs préférés, mais "plus par habitude de venir au stade et de se retrouver" que pour voir "une victoire et un espoir de figurer parmi les prétendants à la montée" selon Leon Wobschall.
Wilder, où la volonté de coller aux valeurs du football britannique des intentions de jeu et de combativité, qu’on retrouve chez un autre promu, Norwich (champion de D2 la saison dernière), alors que les nouveaux venus dans l’élite ont tendance à jouer trop souvent la prudence. Le coach de 52 ans se veut proche de ses joueurs – qu’il choisit d’ailleurs en collaboration avec le Board – et tâche à ne laisser personne sur le carreau.
"Son credo c’est : l’unité du groupe. Il sait qu’il ne pourra rien faire en Premier League s’il ne concerne pas tous ses joueurs, même ceux qui jouent moins que la saison dernière. Il fait très attention aussi à sa relation avec les plus anciens, comme Billy Sharp, car il sait mieux que quiconque que son expérience sera primordiale pour le maintien", analyse Wobschall. Sharp, l’enfant du pays. Il s’agit déjà du troisième passage chez les Blades de l’attaquant de 33 ans, après y avoir fait ses débuts en pro (2004).
Après plusieurs expériences dans les quatre divisions professionnelles anglaises, sa dernière (débutée en 2015) permit à sa carrière enfin de décoller (à 30 ans) et au club de redémarrer un nouveau cycle. Avec 23 buts inscrits en Championship la saison dernière, participant activement à la montée de son équipe, le capitaine aura son importance au sein d’un groupe rajeuni, au même titre que Phil Jagielka, revenu sur ses terres après une histoire terminée avec les Toffees (2007-2019).

Duel judiciaire au sommet

Ce beau conte de fées à la sauce britannique connaît aussi ses turbulences. Non pas sur le terrain mais en coulisses. La presse anglaise avait fait état la semaine dernière d’une rude bataille judiciaire entre Kevin McCabe et l’autre co-propriétaire du club, le prince saoudien Abdullah Bin Mosaad Bin Abdulaziz Al Saud. En jeu : le contrôle total de Sheffield United. Que l’homme d’affaires britannique possédait avant de céder 50% de ses parts au petit-fils du fondateur du Royaume d’Arabie Saoudite pour une livre sterling symbolique six ans plus tôt. Le nouvel homme fort de Sheffield United devait alors prendre en charge le financement du club sur une durée de trois ans afin de lui permettre au plus vite de le ramener en Premier League.
Une collaboration qui va tourner au vinaigre, McCabe s’estimant lésé par la supposée étendue de la fortune d’Adbullah bin Mosaad. L’enjeu de ce combat devant la justice grossira petit à petit, avec le retour de Sheffield United en Premier League. Mais le combat engagé par Kevin McCabe n’a pas eu l’issue espérée, la Cour suprême d’Angleterre et du Pays de Galles se déclarant en faveur de son adversaire, qui devra recevoir les 50% des parts restants contre la somme de 5,6M€. Dans la ville et au sein du club, une seule chose compte : que cette bataille judiciaire au sommet du club n’altère en rien les performances sportives de Blades ressuscités. Que les deux montées en trois ans sous Chris Wilder n’ont pas servi à rien. La belle histoire en sera vraiment trop gâchée.
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