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Chelsea - La très inconfortable semaine de Roman Abramovitch

Philippe Auclair

Mis à jour 24/09/2020 à 08:23 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Disparu des radars depuis plusieurs années et sa domiciliation en Israël, Roman Abramovitch a effectué un retour fracassant au premier plan de l'actualité. Pas forcément à son avantage comme nous l'explique notre chroniqueur Philippe Auclair. Entre enquêtes de presse et livre qui met en lumière sa promiscuité avec Vladimir Poutine, le Russe a vécu une semaine chargée.

Roman Abramovitch, le propriétaire de Chelsea

Crédit: Getty Images

Avoir des goûts extravagants n'empêche pas de cultiver l'art de se rendre invisible. Roman Abramovitch, désormais établi en Israël, ne met plus les pieds à Stamford Bridge, et a totalement disparu des pages people où il arrivait qu'on le croisât, le plus souvent accroché au bras de sa troisième épouse, la businesswoman et collectionneuse d'art Dasha Zukhova, dont il se sépara il y a trois ans.
Cette discrétion absolue était dans la logique d'un multi-milliardaire dont la fulgurante ascension dans la Russie de Yeltsine demeure aussi opaque aujourd'hui qu'elle l'était avant que biographe après biographe ne tente de lever le voile sur les années pendant lesquelles le jeune Roman, le vendeur de poupées sur la Place Rouge, devint un milliardaire. Peut-être son goût pour les superyachts dérive-t-il aussi de son désir de se fondre dans l'arrière-plan : après tout, il est plus facile d'échapper aux regards sur un vaisseau de cinq cents pieds de long (l'Eclipse) que sur un voilier de plaisance.

Un lanceur d'alerte, des révélations embarassantes

Aussi peut-on imaginer qu'Abramovitch, dont la dernière interview remonte à 2013, aura vécu des semaines plus agréables que celle-ci : ce lundi, coup sur coup, le service arabe de la BBC et l'émission Panorama de la même corporation ont publié le fruit de leurs enquêtes sur le plus réservé des oligarques. La première portait sur son financement - à hauteur de 100m$ - d'une organisation nommée Elad, laquelle soutient l'implantation de colonies israéliennes à Jerusalem-Est ; la seconde révélait qu'Abramovitch, via Leiston Holdings, une société offshore immatriculée aux Iles Vierges Britanniques (et gérée par le super-agent Pini Zahavi, un ami du milliardaire), avait secrètement détenu la propriété partielle de plusieurs footballeurs, dont l'un...avait joué contre Chelsea en Ligue des Champions. Les deux enquêtes basaient leurs conclusions sur une cache de plus de 2500 documents émanant du Trésor Public américain, les FinCEN Files, qu'un lanceur d'alerte avait communiqués aux médias.
Parmi les joueurs en question figurait l'ailier serbe Lazar Markovic, alors à Benfica, dont les supporters de Liverpool se souviendront peut-être (encore qu'on ne peut pas dire qu'il brilla à Anfield) et un autre attaquant, le Péruvien André Carillo, qui croisa le fer avec les Blues lors de deux matches de poule de C1, fin 2014, lorsqu'il était sous contrat avec le Sporting Clube Portugal. Comme l'a aussitôt rappellé une porte-parole d'Abramovitch, la tierce-propriété des joueurs n'était pas encore illégale à l'époque, ajoutant que "le fait que [ces] transactions aient été confidentielles ne signifient pas qu'elles étaient illégales ou en contrevenance des réglementations alors en vigueur".
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André Carillo, tierce-propriété d'Abramovitch en 2014, au duel avec César Azpilicueta

Crédit: Getty Images

Le fait demeure est qu'illégales ou pas, ces transactions avaient été soigneusement cachées du public, et qu'on avait le droit de se demander si elles ne représentaient pas un grave conflit d'intérêt. Ces deux soirs-là, à Londres et Lisbonne, Abramovitch n'avait pas onze de ses joueurs sur le terrain, mais douze. Non, personne ne l'accuse d'avoir fait pression sur son joueur, et personne ne suggère que Carillo lui-même, qui disputa la quasi-intégralité des deux rencontres, ait levé le pied pour ne pas déplaire à son propriétaire; mais c'est exactement ce type de situation qui conduisit la Fifa à passer à l'action et à interdire la tierce-propriété des joueurs en 2015.
Personne ne savait que Carillo appartenait - à hauteur de 50% - à Abramovitch. Personne ne l'aurait jamais su si les FinCEN Files n'étaient parvenues dans les mains de journalistes. De quoi ressentir un certain malaise, et à se poser des questions sur ces autres choses dont nous ignorons que nous les ignorons, pour paraphraser Donald Rumsfeld.

Les fuites, cauchemar d'Abramovitch

De quoi, peut-être, faire réfléchir Abramovitch lui-même sur son implication dans le football, ce milieu dans lequel il semble impossible de colmater les fuites. Or s'il est bien une chose qu'il déteste, ce sont les fuites, et les 'révélations', comme celle qui figure dans un récent - et passionnant - ouvrage de l'ancienne correspondante du Financial Times Catherine Belton, Putin's People, dans lequel la journaliste écrit noir sur blanc que c'est sur les ordres de Poutine en personne qu'Abramovitch acheta Chelsea.
Son engagement pour Chelsea n'est cela dit pas encore en cause, si l'on en juge par les investissements sans précédent consentis par le club durant ce mercato : 257m€ brut, soit à peu près l'intégralité du bénéfice réalisé par Abramovitch dans la vente de ses parts de la société minière Highland Gold Mining Ltd au consortium Fortiana au mois de juillet. Un record absolu dans l'histoire de la Premier League. Même si la loge présidentielle risque fort de demeurer inoccupée au Bridge, COVID ou pas, cela n'est pas le genre de geste qu'on attend d'un propriétaire désabusé.
Attendons néanmoins. Personne n'avait vu venir le coup double que vient de recevoir Abramovitch. Il se disait bien qu'il faisait l'objet de plusieurs enquêtes (une troisième investigation est en cours), mais on ignorait tout de leur détail. Abramovitch est la discrétion faite homme. Mais il est aussi impulsif et plus que capable de trancher dans le vif, sans la moindre hésitation, comme tant d'anciens managers des Blues pourraient en témoigner. Pour Chelsea, mieux vaudrait qu'on en ait vite fini de ces histoires.
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Roman Abramovitch (Chelsea)

Crédit: AFP

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