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Transferts - Premier League : Pas une autre planète, mais une autre galaxie

Philippe Auclair

Mis à jour 13/08/2021 à 10:27 GMT+2

PREMIER LEAGUE – Dans un contexte sanitaire et économique particulièrement difficile, de nombreux clubs ont, un peu partout dans le monde, fait le pari de rester raisonnables sur le marché des transferts. Sauf en Angleterre, où des transactions mirobolantes ont été réalisées, en attendant sans doute d'autres folies d'ici au 31 août. Notre chroniqueur Philippe Auclair décrypte ce phénomène.

Jack Grealish (Manchester City) / Premier League

Crédit: Getty Images

Les transferts de Harry Kane à Manchester City et de Lautaro Martinez à Tottenham ne sont pas encore finalisés, s’ils ne le seront jamais. On attend toujours que West Ham, Everton, Newcastle et Brentford fassent sentir leur présence sur le marché des transferts. Les clubs anglais ont encore plus de trois semaines avant que la 'fenêtre des transferts' ne se ferme jusqu'au 1er janvier 2022.
Et pourtant, alors que le reste du football européen, saigné par les effets de la pandémie, songe d'abord à sauver ce qui peut l'être, la Premier League, elle, pourrait bien établir un nouveau record des transferts cet été, alors les pertes cumulées de ses vingt clubs sur la saison 2019-20 avaient dépassé le milliard d'euros (*). Seize d'entre eux avaient achevé cette campagne avec un solde négatif, et tout laisse penser qu'ils auront sans doute vingt sur vingt à cette épreuve lorsque le moment viendra de faire les comptes de l'année qui suivit, pendant laquelle les stades sont demeurés vides.

Déjà 537 millions d’euros dépensés

Cela n'a pas pourtant pas empêché ces vingt pensionnaires-actionnaires du championnat le plus populaire du monde d'avoir dépensé 537 millions d’euros net au 12 août. Nous disons bien : 'net', car le volume de transactions dépasse déjà le milliard en brut. Que la Premier League, qui est bien le championnat le plus 'riche' du monde si l'on ne prend en compte que le chiffre d'affaires, dépense plus que les autres, nous en avons pris l'habitude.
Mais qu'elle soit capable d'écraser ses concurrents de la sorte dans le contexte actuel, cela a quelque chose d'incompréhensible, quand le marasme actuel aurait dû avoir un effet de remise à plat des ressources dans le football tout entier ou, à tout le moins, de temporisation, car personne ne fut épargné. Or cela n'est pas le cas.

Pas l’apanage des plus grosses cylindrées

Ce ne sont pas que les locomotives habituelles qui amassent le bois dans leurs chaudières. Leicester et Crystal Palace, par exemple, ont chacun 'investi' plus de 50 millions d'euros net dans leur recrutement estival, et ni l'un ni l'autre club n'ont pour propriétaires le membre d'une famille royale ou un oligarque russe dont les motivations premières ne sont pas d'équilibrer les comptes, mais d'acquérir une légitimité ou d'assouvir un désir de suprématie qui est d'abord personnel.
Il est des exceptions, comme Southampton, Brighton ou même Aston Villa, malgré les 118 millions d’euros perçus pour la vente de Jack Grealish à Manchester City. Mais il y en a toujours eu. Prise dans son ensemble, la Premier League se comporte aujourd'hui comme si la pandémie n'avait été qu'un mauvais rêve, ce qui parait absurde : de tous les pays d'Europe, le Royaume-Uni est celui qui demeure le plus touché par le virus, en termes de nouvelles infections, d'hospitalitations et de décès - même si le pays vit aujourd'hui comme si la crise appartenait au passé, ceci expliquant en partie cela.
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MANCHESTER, ENGLAND - AUGUST 05: Manchester City unveil new signing Jack Grealish at Manchester City Football Academy on August 05, 2021 in Manchester, England.

Crédit: Getty Images

Folie collective ou réflexion à long terme ?

L'économie britannique ne se porte pas non plus mieux que les autres. Des nations du G7, la Grande-Bretagne est celle qui a le plus souffert de la pandémie en termes de contraction de son économie. Comment expliquer, alors, que ses clubs continuent de dépenser comme si rien n'avait vraiment changé, au-delà du fait que la suspension de facto du fair-play financier par l’UEFA a rompu les rênes qui retenaient (plutôt mal que bien) les clubs anglais les plus dispendieux ?
Evacuons de suite la thèse d'une sorte de folie collective qui aurait saisi le football anglais. Les choix qui ont été faits n'ont rien à voir avec la presque hystérie qui avait saisi la Premier League lors de son Big Bang du début des années 2000, quand des clubs comme Leeds United avaient perdu tout sens commun et brûlaient l'argent qu'ils n'avaient pas comme s'il s'agissait de produire la flamme la plus haute dans un feu de joie. Ce à quoi nous assistons est le résultat d'une réflexion basée sur les perspectives à plus long terme de ce football.
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James Milner of Liverpool tackles Thomas Partey of Arsenal during the Premier League match between Arsenal and Liverpool

Crédit: Getty Images

Un championnat plébiscité par les investisseurs étrangers

Ce n'est pas un hasard si de plus en plus de fonds d'investissement - en majorité américains - se tournent vers la Premier League. Cette semaine encore, le businessman américain John Textor a acquis 18% du capital de Crystal Palace - un club qui luttera une fois de plus pour éviter la relégation, pourtant - pour une centaine de millions d'euros. Pourquoi ? Parce que selon les investisseurs US, le football en général et la PL en particulier demeurent sous-évalués.
La PL offre également une certaine sécurité, en ce qu'elle prend soin de partager "équitablement" la plus grosse tranche de ses revenus, à savoir les droits de retransmission de ses matches sur les réseaux TV et les plateformes numériques. L'échec sportif n'est pas puni aussi sévèrement en Angleterre qu'il l'est dans les autres grands championnats européens, même si le système des "paiements parachute" pour les équipes reléguées en Championship n'est plus aussi généreux qu'auparavant.
Comme les risques sont moindres, on peut en prendre davantage. Pour peu qu'on en ait les moyens, l'Angleterre demeure le premier choix des investisseurs étrangers.

Les diffuseurs au rendez-vous, le public aussi

La PL a également assuré son assise financière pour les saisons à venir en renouvelant les termes de ses contrats avec ses grands diffuseurs au Royaume-Uni, Sky, BT et Amazon. La stagnation de ces revenus sur le marché britannique est d'autre part compensée par la hausse des droits perçus à l'étranger, dont la croissance ne se dément pas, Chine exceptée. Le retour du public dans les stades - avec des jauges à 100%, semble-t-il, encore que tout ne soit pas encore tout à fait clair dans certains cas - aura vite fait de rééquilibrer les comptes, plus vite en tout cas que dans d'autres pays européens plus soucieux des exigences sanitaires.
Le succès des clubs anglais dans les compétitions européennes, enfin, irrigue ses plus grands clubs de ressources qui échappent à leurs rivaux continentaux. Si le football anglais "finance" les autres championnats européens en allant y chercher beaucoup de ses joueurs, on ne doit pas oublier que les plus gros fournisseurs de ces clubs demeurent anglais. En achetant Grealish, Man City a permis à Aston Villa d'aller chercher Leon Bailey au Bayer Leverkusen - mais aussi Emiliano Buendia à Norwich et Danny Ings à Southampton.
Pour le reste de l'Europe, ce doit être un avertissement. En temps de crise, ceux qui ont les moyens d'acheter s'en tireront toujours mieux que ceux qui n'ont d'autre solution que de vendre. Et les clubs anglais font partie des premiers.
(*) 1,14 milliard pour être précis. Si les comptes de la saison 2020-21 ne seront publiés que l'hiver ou le printemps prochains dans la plupart des cas, les premières indications suggèrent que ces pertes seront encore plus conséquentes pour cet exercice.
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