Premier League - Trent Alexander-Arnold (Liverpool), la sentinelle du futur ?

Jürgen Klopp ne l'avouera sans doute jamais publiquement mais il peut dire merci à Pep Guardiola. Alors que les deux hommes se retrouvent ce samedi pour un choc au sommet d'une Premier League toujours plus concurrentielle, l'Allemand a pu compter sur l'inventivité tactique du Catalan pour relancer un homme clé de son effectif : Trent Alexander-Arnold.

Dans le prolongement de ses expérimentions nombreuses au Bayern (Lahm, Alaba ou Rafinha au milieu de terrain), Guardiola avait décidé de faire de Joao Cancelo le facteur de X de son animation offensive. Les lacunes défensives du latéral droit étaient connues mais c'est surtout sa faculté à dynamiter la relance et accélérer la cadence au milieu qui fut précieuse à City à partir de 2021. Banco, le Portugais était un numéro 10 qui ne disait pas son nom dans le système des Citizens.

Mis sur la piste par Gareth Southgate – qui a d'ailleurs été plus loin sur ce rassemblement international en l'alignant quasiment n°10 face à Malte (2-0) -, Klopp a décidé de remodeler en partie son milieu autour de lui. Jordan Henderson et Fabinho sont partis ? Pas grave, la sentinelle du futur Alexander-Arnold a pris place. En grande difficulté la saison passée, TAA était devenu le symbole de ces Reds irréguliers, trop légers défensivement et sans assise structurelle suffisante pour résister à des vagues de blessures continues sur les bords de la Mersey. Cette année, il brille dans une équipe de Liverpool moins clinquante mais en course pour les trophées.

Klopp, pourtant, fut longtemps récalcitrant. En 2021, après la première tentative de Southgate, il avait refusé de voir l'évidence. "Mais pourquoi voulez-vous mettre le meilleur latéral droit du monde au milieu de terrain ? J'ai vraiment du mal à comprendre comment certains arrivent à cette conclusion, commentait-il alors. Certains pensent qu'il peut être plus influent au milieu. Comment être plus influent qu'Alexander-Arnold actuellement ? On l'utilise de la meilleure des façons." Cette saison-là, TAA allait signer 19 passes décisives dans la saison, preuve de son influence statistique indéniable.

Pour autant, le coach allemand a fini par se faire à l'idée. Déjà parce que son joueur, nommé vice-capitaine cet été, revendique de plus en plus cette position. Conscient que sa place en sélection comme arrière-droit était menacée par, au choix, Kyle Walker, Reece James, Kieran Trippier et même Rico Lewis, il a fait le choix de postuler naturellement vers cette zone où sa complémentarité avec Declan Rice et Jude Bellingham peut être un bel atout en vue de l'Euro.

Ensuite parce que les avantages sont trop nombreux pour ne pas être exploités. Peter Crouch, , résumait tout à l'orée de la saison. "J'adore Alexander-Arnold au milieu de terrain, expliquait-il. C'est quelque chose que je souhaitais voir depuis longtemps, comme beaucoup de monde. Toutes ses forces sont décuplées et on voit beaucoup moins ses faiblesses. Avec un autre arrière-droit de métier, plus solide, ça lui permet de s'exprimer au mieux."

Son jeu long, notamment vers les dragsters Mo Salah ou Darwin Nunez fait des merveilles. Ses passes intérieures font des dégâts. Sa gestion du tempo est déjà celle d'un briscard et son aisance technique éloigne le spectre d'erreurs à la relance. Le compromis avec Klopp s'est ainsi fait naturellement, notamment dans une année où le milieu de terrain a été chamboulé. TAA ne devient regista que lorsque Liverpool possède le ballon. Quand il défend, il retrouve ce couloir droit où Klopp ne cesse de mettre en avant ses qualités défensives existantes mais pas aussi évidentes qu'il voudrait le faire croire.

Pour s'approprier un rôle pourtant taillé sur mesure, l'Anglais a révisé. "Je regarde des joueurs du passé, comme Sergio Busquets, Xabi Alonso, Andrea Pirlo ou Steven Gerrard, que des joueurs que j'ai adoré regarder", expliquait-il lors de la trêve. Mais son vrai modèle est plus récent. "Si on parle de joueur au rôle hybride, qui jouent inversés – je ne sais pas trop comment les qualifier – alors c'est évidemment John Stones. J'admire son jeu depuis longtemps donc je le regarde beaucoup. Parfois, quand je regarde des matches de Manchester City, je me concentre uniquement sur lui." La dépendance des Citizens à Rodri mais aussi à Stones prouve que TAA connaît bien son football.

Depuis le début de saison, en tout cas, l'Angleterre du football se réjouit de ce nouveau rôle. Mais Klopp tient les comptes. Voilà dix jours, malgré des copies franchement emballantes, il avait nuancé l'enthousiasme général : "On sait qu'il peut jouer là mais s'il ne joue que là, on perd l'un des meilleurs latéraux droit au monde, il ne faut jamais l'oublier". Depuis le début de saison, TAA n'a signé qu'une seule passe décisive, loin de ses standards habituels. Au fond, le test sera d'ampleur samedi pour la suite de la carrière d'Alexander-Arnold.

A rebours de l'opinion nationale, José Enrique, ancien arrière-gauche des Reds, a mis en valeur la lacune que pourrait exploiter Guardiola ce samedi. "Avec ce rôle hybride, je trouve que Liverpool est vraiment très exposé, plus que par le passé, a expliqué l'Espagnol auprès de Squawka. Face à Manchester City et Doku dans cette zone, je veux voir Trent revenir comme arrière-droit. Ce qui n'est pas une évidence tant il n'a plus l'air de vouloir jouer latéral." Alors, la sentinelle du futur est-elle trop en avance sur son temps ?