Paul Pogba : "On dirait parfois qu'on joue pour l'équipe Pogba, mais il n'y a pas d'équipe Pogba"

Il a fait durer le suspense, entretenu l'illusion. Et soudain, le pouls s'est accéléré. Dernier Français à sortir du vestiaire, Paul Pogba est apparu devant les micros, lui qui ne s'est plus arrêté après un match depuis… une éternité. Mais il a simplement salué son auditoire frustré. Avec un grand sourire. Il ne parlera pas ce lundi soir. Sauf à nos confrères de TF1 et Canal Plus Sport. Il ne pouvait pas en être autrement après une prestation aussi aboutie, son meilleur match en équipe de France.

Trois jours seulement après avoir raté sa prestation face à la Bulgarie, "la Pioche", comme aime le surnommer Patrice Evra, a pris ses responsabilités et survolé la rencontre. Ne lui parlez pas de revanche même si les doutes exprimés cette semaine à son égard ne l'ont pas laissé insensible : "C'est vrai que ce n'est pas toujours agréable d'entendre des critiques, des mauvaises choses entre guillemets, sur moi", a-t-il confié à nos confrères. "Je suis une personne qui essaie de créer, qui dribble. Peut-être un peu trop, mais on grandit toujours, on apprend. Je suis encore jeune même si c'est vrai que certains l'oublient parfois."

Ce lundi, il a créé des brèches, impulsé la dynamique et guidé les Bleus sur le chemin d'un succès capital. Son but d'une frappe de 30 mètres change toutes les perspectives. D'un coup, d'un seul, la France a fait un pas de géant vers la Russie dans la foulée majestueuse de son playmaker du soir. Quoiqu'il en dise, cette rencontre nous a rappelé qu'il n'était pas un joueur comme les autres : "On dirait parfois qu'on joue pour l'équipe Pogba, mais il n'y a pas d'équipe Pogba", s'est-il défendu. "Si l'équipe fait un bon match, je fais un bon match. Si c'est un mauvais match, je fais un mauvais match."

Sauf que vendredi dernier, les Bleus ont été convaincants quand Pogba est passé à côté de son match face aux Bulgares. Didier Deschamps, qui bénéficie d'un recours séduisant avec N'Golo Kanté, aurait pu être tenté de le rappeler sur le banc. Mais non, le sélectionneur l'a remis en selle : "Je lui ai juste dit trois mots avant d'entrer dans le vestiaire: 'je te fais confiance'." Une vraie inspiration. "Paul, c'est toujours le grand débat", a réagi Moussa Sissoko après la rencontre dans un sourire. "Mais on lui fait confiance."

Ses coéquipiers ne s'y sont pas trompés. Les dix titulaires sont venus célébrer ce but avec lui comme s'il fallait faire communion autour de celui qui cristallisait les critiques avant le coup d'envoi. Moussa Sissoko s'en défend : "C'était spontané, pas du tout répété." Il n'empêche l'image en dit long sur la pression qui pesait sur ses épaules. "Çane lui rend pas service cette attente autour de lui", a synthétisé Dimitri Payet. "Mais on voit la force qu'il a ce soir. C'est digne des grands."

Il a surtout su s'adapter à un rôle qui n'est pas le sien. En épurant son jeu, en se montrant vigilant à la récupération et efficace dans la relance, il a enfin dompté un poste où il a peu de repères : "Comme le coach le dit, je dois être plus sobre, moins la tête dans les actions, propre mais faire le jeu, récupérer et être là dans l'effort défensif", a-t-il noté. "Ce positionnement, c'est un peu comme Pirlo: défendre un peu plus, jouer un peu plus pour l'équipe." Cette "sobriété" (Lloris) le transfigure. Quand il ne veut pas faire la différence tout seul, c'est un autre joueur. Un grand joueur. Celui que la France attend depuis des mois. Celui qui l'a porté sur ses épaules ce lundi et rapproché un peu plus de la Russie.