L'Espagne ne veut plus se passer de "vrai" 9 mais elle n'en trouve pas…

Pour les deux matches qualificatifs à l'Euro 2016 contre la Slovaquie et la Macédoine, Vicente Del Bosque a convoqué seulement deux avant-centres métier : Paco Alcacer et Diego Costa. A neuf mois de la compétition, le sélectionneur de la Roja, qui fait face à la blessure d'Alvaro Morata, n'a semble-t-il pas encore trouvé sa référence en pointe. La moustache la plus connue du football espagnol ferait-elle face à une pénurie ?

Diego Costa (26 ans) a beau avoir inscrit 20 buts en 26 matches pour sa première saison en Premier League, il n'est pas vraiment en odeur de sainteté avec le staff de la Roja. Le Brésilien de naissance n'a jamais brillé avec la sélection et son implication a même été publiquement remise en cause par Del Bosque, mardi :

Une mise au point nécessaire, car l'heure est grave. La Roja a été battue à l'aller par la Slovaquie (2-1) qui, du haut de ses 6 victoires, pointe en tête du groupe C avec 18 points. Deuxième avec 15 points, l'Espagne peut repasser devant son adversaire en cas de succès. Une défaite permettrait à la Slovaquie de s'envoler et à l'Ukraine, 3e avec 12 points, de revenir dans la course à la qualification directe. En préférant aligner d'entrée Costa plutôt qu'Alcacer, Del Bosque fait le choix de la puissance, comme l'indique Enrique Ortego dans Marca : "Leurs caractéristiques sont différentes, à tous les niveaux, de la technique, à la tactique en passant par le physique. Costa met la puissance au sommet de toutes ses autres qualités. Alcacer est plus intuitif, plus subtil, plus astucieux. Il est meilleur dans le jeu court."

VDB n'a pas épargné le buteur de Chelsea. Son message est clair : si Costa veut participer à l'Euro, il devra s'en donner les moyens. Non seulement par ses performances, mais aussi par son état d'esprit, ce qui semble faire défaut à l'attaquant espagnol le plus prolifique du moment : "Je dois marquer pour prendre de la confiance, je veux tout le temps jouer, profiter des minutes que j'ai pour faire de mon mieux, a-t-il confié en conférence de presse. Je sais que je peux donner davantage. Je continue de me sentir redevable envers la Seleccion. Jamais je n'ai eu la sensation que je m'étais trompé en choisissant l'Espagne." Une déclaration destinée à prouver sa bonne foi sur et hors du terrain, et loin d'être inutile : selon les derniers échos publiés par AS, la Fédération espagnole souhaiterait conserver VDB jusqu'au Mondial 2018, même si le principal intéressé envisagerait un départ après l'Euro.

Malgré cette remontée de bretelles, c'est bien Costa qui démarrera contre la Slovaquie (20h45). Une dernière opportunité avant de lui régler son compte ? En tous cas, cette titularisation a l'aspect du cadeau empoisonné pour "la Bestia". Car dans son ombre, apparaît le jeune Paco Alcacer, 22 ans depuis quelques jours. Coqueluche des supporters du Valencia CF, le natif de Torrent a toujours été performant, à la fois en club, et en sélection depuis sa première convocation il y a tout juste un an contre l'équipe de France (défaite 1-0), où il était entré à la 65e minute en lieu et place de... Costa.

Depuis lors, Alcacer a toujours été convoqué, hormis en mars en raison de problèmes physiques. En 6 matches, dont 3 titularisations, le Valencien a inscrit 4 buts et délivré une passe décisive. Une efficacité qu'il entretient depuis qu'il porte le maillot national et qui lui a permis de s'emparer du précieux n°9 avec la Roja.

Marca, pourtant loin d'être considéré pro-Valencia CF, l'a même qualifié d'"artilleur de race" dans son édition de vendredi et lui a consacré une interview-bilan de sa première année avec la "seleccion absoluta". Avec ses statistiques, il est à la hauteur des débuts de David Villa (meilleur buteur de l'histoire de la Roja), Telmo Zarra (meilleur buteur espagnol en Liga) et Isidro Langara (meilleur ratio de la Roja avec 17 buts en 12 sélections entre 1932 et 1936) : "Voir mon nom à côté des leurs, c'est une fierté. Je dois croire en moi et travailler avec encore plus de confiance pour continuer dans cette voie. Si tu ne comprends pas que tu dois t'améliorer pour avancer, tu recules."

Des jeunes "cracks" annoncés depuis plusieurs années, Paco Alcacer est celui qui s'est le plus souvent mis en évidence. Il a pris une longueur d'avance sur Alvaro Morata et au moins deux sur Jesé Rodriguez (22 ans), sans parler de Gerard Deulofeu (21 ans) et Munir El-Haddadi (20 ans). L'avantage de jouer dans une équipe qui a su donner sa chance à un Espagnol formé au club, ce qui n'est pas vraiment le cas du tryptique Barça-Real-Atlético...

Suivi de près par Juan Sanchez, auteur d'un doublé en demi-finale de C1 contre Leeds en 2001, Alcacer a les qualités pour s'imposer en rouge : "J'aime ce qu'il devient parce qu'il a travaillé avec beaucoup d'humilité, expliquait-il dans SuperDeporte le 19 août dernier. La vérité, c'est que ça me rend heureux de voir un gars de la maison qui triomphe à Valence. Cela fait deux ou trois saisons qu'il est dans l'élite. Il a de la personnalité, du caractère. Tu sais qu'il sera toujours là, prêt à surgir."

La blessure de Morata, qui devrait être de retour à la mi-septembre, est un coup dur pour Del Bosque, qui n'a pas beaucoup de solutions de rechange à cette époque de l'année. A ce jour, le Bianconero est l'alternative la plus crédible à ce poste. Dans les catégories inférieures, il devance Alcacer avec 32 réalisations contre 29. Parmi la jeune génération, ils sont ceux qui ont le plus accumulé d'expérience.

C'est bien connu, c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs gazpachos. Depuis un an, les "exilés" rentrent les uns après les autres au bercail. Alvaro Negredo a initié le mouvement lors du mercato estival en 2014 en étant prêté avec option d'achat obligatoire à Valence. Fernando Torres est revenu dans sa maison de l'Atlético de Madrid en janvier. Quant à Roberto Soldado et Fernando Llorente, ils ont attendu cette saison pour se refaire une santé après des expériences très mitigées à Tottenham et à la Juventus. Serial buteurs en Liga, leur talent n'a jamais réellement pu éclore à l'étranger. Parmi ces quatre, l'un d'entre eux pourrait-il figurer au casting de Del Bosque en juin prochain ? La cote est élevée, mais elle est jouable.

Fernando Torres a un glorieux passé en sélection et son profil de joker en club pourrait jouer en sa faveur. Pour autant, l'efficacité d'Antoine Griezmann et les arrivées de Jackson Martinez et Luciano Vietto à l'intersaison ne sont pas de bon augure pour l'éternel Niño, désormais âgé de 31 ans (eh oui, le temps passe vite !). Il part de très loin, malgré des prestations intéressantes la saison dernière.

Arrivé blessé sur les bords du Turia à l'été 2014, Negredo (30 ans) a réalisé une première saison très en deçà de ce qui était espéré du côté de Valence. Allégé de 4 kg, le "Tiburon" (le requin) a mis les bouchées doubles afin de prouver qu'il valait bien les quelque 27 M€ investis par les Blanquinegros, sans oublier les 6M€ de salaire annuels qu'il perçoit. Buteur lors de ses deux titularisations contre Monaco et La Corogne, Negredo réalise un début de saison au niveau des attentes placées en lui. Au sein d'une équipe qui ne joue qu'avec un seul attaquant de pointe, il doit avant tout passer devant Alcacer dans la hiérarchie établie par Nuno. La multiplication des matches et le besoin de turnover lui offrira du temps de jeu.

Arrivé à Villarreal juste avant le début du championnat contre un chèque de 10M€, Soldado a déjà inscrit 2 buts sous ses nouvelles couleurs. A 30 ans, l'ancien Ché a la lourde tâche de faire oublier Vietto. Moqué pour ses deux tirs loupés lors de sa présentation officielle au Madrigal, Soldado a vite fait taire les critiques qui ont oublié qu'avant l'épisode cataclysmique à Tottenham, il avait inscrit 82 buts avec Valence. Son avantage par rapport à la concurrence, c'est qu'il est le choix numéro 1 de Marcelino.

Cette chance, Fernando Llorente ne l'a pas. En fin de contrat à la Juventus, l'ancien joueur de l'Athletic Bilbao a rejoint le FC Séville. Encore un bon coup de Monchi. Malgré le départ de Carlos Bacca à l'AC Milan, Llorente (30 ans) aura fort à faire puisque Kevin Gameiro aspire lui aussi à une place de titulaire, après une saison honorable en tant que super sub (8 unités en Liga). Llorente a-t-il les moyens d'inscrire 20 buts et d'être décisif en Coupe d'Europe comme le Colombien ? Difficile de se prononcer puisqu'il a été peu utilisé lors de sa deuxième saison à la Juve et qu'il a vécu ces 3 dernières années en dents en scie, notamment en raison de douleurs au genou quand il évoluait encore à l'Athletic, en 2012-2013. Son profil est apprécié par Del Bosque, notamment pour sa taille (1,95m).

Et si David Villa et Aritz Aduriz sortaient du chapeau ? L'hypothèse n'est pas si folle, quoique improbable. Le nouvel attaquant du New York City FC a même été cité pour participer à la rencontre contre la Slovaquie qui se disputera à Oviedo, dans les Asturies, sa région natale. Avec 97 sélections au compteur, un palmarès immense et une cote de popularité toujours intacte, "El Guaje" peut se dire qu'après tout, si son coéquipier Andrea Pirlo a été retenu par Antonio Conte avec l'Italie, pourquoi ne pas y croire ?

Quant à Aduriz, ses quatre buts lors de la Supercoupe d'Espagne contre le Barça auraient dû lui permettre de faire partie de la liste de Del Bosque, en vertu de sa forme du moment. Mais à 34 ans bien tassés, le Basque reste un attaquant méconnu, voire sous-coté, alors que depuis son retour à Bilbao en 2012, il bat tous ses records. En 2014-2015, il a inscrit 26 buts en 48 matches (dont 18 en 31 parties de Liga). Son gabarit et son impressionnant jeu de tête sont des atouts incontestables pour la Roja d'aujourd'hui. Elle ne peut plus se passer d'un grand format pour tromper la vigilance des défenses adverses. Le toque, qui a dicté sa loi entre 2008 et 2012, ne les impressionne plus.