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Reprise "fin mai-début juin", matches dans le centre-sud : pourquoi le Calcio va trop vite

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 24/04/2020 à 14:34 GMT+2

SERIE A - Désireux de fixer au plus vite une reprise du championnat, Gabriele Gravina, le président de la Ligue italienne de football, a estimé qu'elle pourrait advenir entre "fin mai" et "début juin". Pour l'envisager, les équipes du nord du pays pourraient être contraintes de se transférer temporairement dans le centre-sud, moins touché par le Covid-19. De quoi susciter quelques interrogations.

Barella - Juventus-Inter - Serie A 2019/2020 - Getty Images

Crédit: Getty Images

Un célèbre proverbe italien dit que "chi va piano, va sano e va lontano". Littéralement, "qui va doucement, va sainement et va loin". En ces temps où le coronavirus a chamboulé nos vies, le voilà soudainement remis au goût du jour. Pour la plupart des pays placés sous le signe du confinement, le plus dur est désormais d'attendre... pour avancer. Doucement, mais sûrement. Et donc "sainement". Pas forcément pour aller "loin", juste pour retrouver nos habitudes. Cet adage, le monde du football, tiraillé entre volonté de reprise et conscience du danger, peut aussi s'en inspirer.
En Italie, par exemple, le Calcio ne pense qu'à repartir depuis le 9 mars, jour de son arrêt. Pas tous ses acteurs, certes. Massimo Cellino, président de Brescia, a d'ores et déjà prévenu qu'il n'alignerait pas son équipe en cas de reprise. "Ce serait pour le respect des habitants de Brescia et de leurs proches qui ne sont plus là", expliquait-il le 2 avril dernier.
Avec plus de 2.000 victimes, la ville lombarde est l'une des plus touchées de sa région. Urbano Cairo, le patron du Torino, serait du même avis que son homologue. Mais ils sont en minorité. Pour la plupart, les autres présidents sont en faveur d'une reprise. La Ligue italienne et le syndicat des joueurs aussi. Depuis des semaines, toutes les parties prenantes travaillent dans ce sens. Et depuis quelques jours, tout s'est accéléré.

Pourquoi le planning de reprise ne peut pas être tenu

Dans un communiqué publié le 15 avril, la Fédération italienne (FIGC) a tout d'abord officalisé son protocole de reprise des entraînements, programmée (normalement) pour le 4 mai. Pas encore la lumière au fond du tunnel, mais au moins un premier rayon. De quoi faire grandir l'optimisme du président de la Ligue Gabriele Gravina. "La reprise de la saison pourrait avoir lieu fin mai ou début juin", confiait-il deux jours plus tard. Mais il s'agit en réalité plus d'un calcul purement hypothétique. Puisqu'il faudrait "trois semaines" d'entraînement avant la première journée post-coronavirus, Gravina part donc du principe qu'ils reprendront le 4 mai.
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Gabriele Gravina - 2019 Under 21 Euro - Imago

Crédit: Imago

Avec ce scénario idéal il ne faudrait aucun accro. Car avant, il va falloir tester toutes les personnes concernées par cette reprise. Des joueurs aux staffs techniques, des médecins aux arbitres. Un depistage général qui aura un coût de 100.000 euros selon plusieurs médias italiens. Selon Pierpaolo Sileri, le vice-ministre italien de la Santé, cela représente plus de 1.400 tests. Autant dire beaucoup de monde. Et tout autant de temps. L'espoir ensuite est que les résultats soient tous négatifs. Dans le cas contraire, tout pourrait être compromis et de nouveau reporté. Pour l'instant la navigation est donc plus ou moins toujours à vue.
"Le protocole concernant les entraînements a été établi de manière censé, mais j'attendrais encore l'évolution de la pandémie", a prévenu Sileri lundi. Si les clubs de Serie A ont confirmé dès le lendemain à l'unanimité leur volonté de reprendre, le Ministre italien des sports Vincenzo Spadafora a lui assuré que rien n'était encore "acté", ni la reprise du championnat, ni celle des entraînements. "Ce sera une reprise graduelle" a-t-il précisé mercredi matin lors d'une prise de parole au Sénat, juste avant sa réunion avec la Fédération italienne de football (FIGC). Cette dernière n'a d'ailleurs accouché d'aucun accord. Le protocole de reprise des entraînements va désormais être présenté au ministère de la Santé et au Comité scientifique.

Pourquoi la délocalisation dans le centre-sud pose problème

Puisque l'incertitude est toujours là, l'Italie du foot peut donc continuer à débattre. Au grand malheur de la championne olympique de natation Federica Pellegrini, qui se plaignait récemment de n'entendre que "parler de foot, de foot et de foot" dans son pays. Malheureusement pour elle, et au vu des enjeux économiques liés à une reprise (ou non) du Calcio, ça risque de continuer.
Depuis peu, une nouvelle hypothèse est sur la table pour les 124 matches restants à disputer en Serie A. "Il faut diviser les zones en fonction des risques. C'est pour cela que nous proposons de jouer uniquement dans le centre-sud", annonçait Walter Ricciardi, membre du conseil exécutif de l'OMS et conseiller du gouvernement italien, le 17 avril dernier. "L'Italie n'est pas égale face à la contamination. Dans le centre-sud, il n'y a pas eu l'explosion constatée au nord", se justifiait-il. A l'heure actuelle, voir des matches en Lombardie, région la plus touchée de le péninsule (12.780 morts au dernier bilan officiel du 22 avril), paraît en effet inimaginable. "C'est une possibilité qui sera grandement prise en considération, nous confie Luca Antonini, ancien joueur de l'AC Milan (2008-2013) et du Genoa (2013-2015). Jouer à Milan, Bergame ou même Turin (Piémont) paraît difficilement réalisable. Ce serait peut-être le moindre mal."
Une folie
Si cette mesure était adoptée, les équipes des régions les plus touchées par le Covid-19 "déménageraient" temporairement dans le Sud. A savoir les équipes lombardes : L'AC Milan, l'Inter Milan, Brescia et l'Atalanta. Ou encore celles de l'Émilie-Romagne (Bologne, Sassuolo, Parme), deuxième de ce triste classement, et du Piémont (Juventus et Torino), troisième. Dans l'absolu, il y aurait également le Genoa et la Sampdoria (Ligurie), la Fiorentina (Toscane) et l'Udinese (Frioul-Vénétie Julienne). Au total, 13 équipes sur 20.
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San Siro

Crédit: Getty Images

"Je suis contraire à cette idée, on a l'impression qu'on veut tout essayer pour finir la saison. Si on la termine avec des idées réfléchies, c'est une chose. Mais là, c'est presque de l'acharnement", a rapidement réagi le président de Lecce, certes pas concerné par cette hypothèse. La Juve, elle, l'est totalement. Et elle n'y est pas favorable selon les médias italiens. Tout comme les clubs lombards.
"Pour recommencer à jouer, les instances sont prêtes à toutet ça ne me surprendrait pas, nous souffle-t-on dans l'un d'entre eux. Ce serait une folie. Je ne sais pas si les personnes du Sud, moins touchées par le virus, seraient vraiment enchantées d'accueillir celles du Nord. Cette idée est absurde. Et d'un point de vue de l'organisation, ce serait un bordel. Un énorme bordel... "
C'est en effet l'un des problèmes. Où loger, le cas échéant, tout le personnel des équipes en question ? Et en toute sécurité ? "En théorie, ce serait des personnes négatives au coronavirus. Mais avant, il faudra faire des tests pour tout le monde. Et si l'un d'entre eux est positif, que fait-on ? C'est l'inconnue du moment, explique un dirigeant d'un club italien situé au sud. L'idée a une logique, puisque nous sommes moins touchés. Et cela éviterait de se déplacer dans les régions qui le sont beaucoup plus. Mais ça reste très compliqué à organiser"

Pourquoi la notion essentielle d'équité n'est pas respectée

D'un point de vue purement sportif, certains clubs évoquent également, en interne, un manque d'équité. Dans un premier temps il faudrait déjà trouver des stades. En soit, pas un problème. Mais Vincenzo De Luca, président de la région Campanie, a d'ores et déjà prévenu qu'il "fermerait" sa région en cas de réouverture de celles situées au nord du pays. De quoi exclure la possibilité de jouer, par exemple, de délocaliser des matches au San Paolo de Naples. Heureusement, il y a beaucoup d'autres possibilités, comme celle de jouer à Rome. "Il y a plusieurs terrains disponibiles. Mais tout dépend du "standing" que l'on recherche", nous explique l'un des deux grands clubs de la capitale.
Au vu de la situation exceptionnelle du moment, et avec la nécessité presque vitale de reprendre le championnat, la Ligue italienne ne viserait pas le grand luxe. Mais il faudra un minimum. Assistance-vidéo, caméras de télévision, goal-line technology : les stades réquisitionnés devront répondre à plusieurs critères. Bien évidemment, ils seront tous à huis clos. De quoi annuler, sur le papier, le facteur domicile/extérieur. Un argument en faveur de cette possible mesure. Mais Luca Antonini assure que jouer dans un autre stade que le sien "change tout". Même à huis clos.
"Dans le tien, tu as tes répères, nous confie-t-il. Tu connais le terrain. C'est comme chaque recoin de ta maison. Au niveau psychologique, ce serait difficile. Ce serait comme jouer tout le temps à l'extérieur. En tant qu'ex- footballeur, je peux assurer que jouer à domicile, même à huis clos, ce n'est pas du tout la même chose". En terme de préparation, il y aurait également une différence. Pour prendre l'exemple milanais, la préparation des matches à domicile est plus ou moins la même depuis une vie. La plus grande tradition reste la mise au vert à Milanello, le centre d'entraînement historique des Rossoneri, qui dispose de 45 chambres. Elle serait à oublier en cas de transfert dans le centre-sud. De quoi provoquer forcément quelques remous au sein du club lombard. Mais il faudra certainement aller au-delà pour espérer mettre un point final à cette saison. Pour l'instant, ça reste un mirage.
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