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Lando Norris, le coup de jeune que McLaren et la Formule 1 attendaient

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 09/07/2020 à 12:01 GMT+2

GRAND PRIX DE STYRIE - Troisième plus jeune pilote sur un podium, dimanche à Spielberg, Lando Norris a tout pour incarner le relève chez McLaren. Et celui d'une Formule 1 à la recherche de personnalités ouvertes et en prise directe avec un public plus jeune.

Lando Norris (McLaren) au Grand Prix d'Autriche 2020

Crédit: Getty Images

Lando Norris est un gamin qui ne se prend pas au sérieux. Il est une touche de fraîcheur dans un paddock habitué à voir arriver des jeunes formatés par les plus grands constructeurs, marques de boissons ou autres. Des teenagers qui ont bien appris leur leçon. Entre réponses calibrées, réflexes corporate et positions timorées sur les sujets brûlants, ils savent ne prendre aucun risque devant micros et caméras pour offrir l'image de la nouvelle norme qu'ils entendent incarner. On a quand même oublié un détail : quand la fortune familiale s'en mêle, le tableau médiatique peut devenir assez sombre. Heureusement, le natif de Bristol a là su garder son naturel pour échapper aux reproches que beaucoup font à Lance Stroll, un autre fils de fortuné. Pas ultra rapide et pétri de certitudes.
Car Lando Norris est un héritier. Mais ne le classez pas dans la même catégorie que le Canadien juste pour ça. Ne lui dites pas qu'il est là grâce à son père, un homme d'affaire de 49 ans dont les succès dans la finance outre-Manche ont fait culminer le compte en banque à plus de 225 millions d'euros en 2018. "Je n'aime pas tellement en parler, mais comparé à Lance Stroll, mon père n'est vraiment pas riche !", lance-t-il. C'est vrai, Lawrence Stroll, dix fois plus riche, a payé des tours de manège à son fils chez Williams avant de lui acheter une écurie de Formule 1, Force India devenue Racing Point, alors qu'Adam Norris n'a jamais envisagé un recours. Tout juste lui a-t-il crée des facilités en l'entourant de ce qui est nécessaire dans les catégories inférieures : coach, physio, manager, etc…
Lando Norris (McLaren) au Grand Prix d'Autriche 2020
Pour confondre les sceptiques, l'argument ultime est toujours le palmarès. Là, l'ambiguïté est levée : il a été champion d'Europe de karting en 2013 avant de devenir le plus jeune champion du monde en 2014. Puis son passage à la monoplace a été le début d'un autre sans faute, en Toyota Series et dans les deux championnats les plus renommés de la Formule Renault. Lauréat du McLaren Autosport Award, qui consacre le grand espoir britannique du moment, il a enchaîné avec un sacre européen en Formule 3, en 2017, sous la bannière de l'écurie de Woking. Ce qui lui donne encore plus de force pour dire que tout ça "n'a pas été acheté par les millions de mon père."

Zak Brown pas aussi rigide que Ron Dennis

Alors, on pourrait croire à l'histoire parfaite d'un gosse qui a tout gagné à la force du poignet et du pied sur l'accélérateur, mais 2018 a marqué un premier échec - tout relatif - d'une ascension jusque-là modèle. En Formule 2, il a été devancé par son compatriote George Russell. Pour être franc, il n'y a pas eu match : après une victoire en ouverture à Sakhir, il a mené un championnat d'épicier. Aucune victoire quand son ami Russell, nouvelle pépite de Mercedes, en raflait sept ! Un comportement qui s'explique peut-être par sa quasi assurance d'une promotion comme coureur chez McLaren en Formule 1 en 2019. Il l'avait compris : il ne fallait pas flamber mais afficher régularité et maturité. A sa décharge peut-être, le fait de piloter pour Carlin, une équipe qui n'a jamais boxé dans la même catégorie que l'équipe française ART de Russell.
A Woking, on a la culture de l'excellence. Ron Dennis avait exigé de Lewis Hamilton de gagner chacun de ses championnats pour monter d'un cran. Heureusement, Zak Brown avait des critères plus souples et, surtout, deux apprentis champions dans sa manche. Il fallait trancher et, sans conteste, Lando Norris a fait mieux que son rival "maison" Nyck de Vries sur les mêmes pistes.
Pour le directeur général de McLaren, faire confiance à un jeune de 20 ans restait un risque. Qu'il a évalué, minimisé. Ainsi, en janvier 2018, à Daytona, il associe Lando Norris à Fernando Alonso et Phil Hanson, au sein de United Autosports, équipe qu'il gère en copropriété. La voiture est une Ligier de LMP2, qualifiée 13e par Alonso. Pas question de victoire général, donc, mais de commencer à se faire les dents en Endurance pour l'Espagnol, et gérer une course de 24 heures pour l'Anglais. Son trafic de 50 voitures avec des différentiels de performances importantes, ses aléas météo…
Ligier JS P217 United Autosports de Fernando Alonso, Phil Hanson et Lando Norris aux 24 Heures de Daytona le 27 janvier 2018

De l'altruisme

Au bout de l'épreuve floridienne gâchée par un gros problème de freins, une 38e place pour la Ligier JS P217 n°23 et un double champion du monde dithyrambique. "Pour les gens qui ne connaissaient pas Lando, c'est une surprise, déclare "Nando". "Les relais qu'il a faits étaient incroyables. Cette nuit, quand il s'est mis à pleuvoir, nous étions cinquièmes à une minute du leader. Puis nous avons passé les 'slick' sur une piste humide, et avec Lando au volant nous sommes revenus à 27 secondes. Sur une piste mouillée, pour sa première dans un prototype, sa première à Daytona, sa première avec les pneus Continental, il a repris 33 secondes. A 18 ans, c'est assez impressionnant."
Traverser cette expérience avec une pointure comme Alonso et un spécialiste comme Hanson était un test d'humilité. Le jeune Britannique aurait pu se prendre pour quelqu'un d'autre, comme ça arrive parfois. Il a su rester à sa place et cette attitude a plaidé pour lui moins d'un an plus tard, au moment de trouver le successeur de Stoffel Vandoorne en Grand Prix. "A chaque fois que j'ai pris la piste, je me suis régalé. L'idée de le faire, c'était totalement ça, explique-t-il. C'est plus un jeu d'équipe, ce à quoi je suis habitué : on a envie de bien faire pour tout le monde." Et, c'est sûr, il saisira chaque opportunité comme un chance de devenir un meilleur pilote. Pour lui, pour les autres. "J'appartiens vraiment à ces pilotes qui veulent faire Daytona, Le Mans et Indy 500, assure-t-il. Si j'en ai l'opportunité, je le ferai en GT, LMP2, et tout le reste. Mais je dois voir à quel point la Formule 1 est stricte, ce qu'elle permet de faire."
En 2019, le natif de Bristol fait donc partie avec George Russell des deux rookies britanniques dans une Formule 1 qui vit au rythme des exploits de Lewis Hamilton. C'est déjà de la pression, mais en plus il débute chez McLaren... Alors, c'est "sans fêtes ni alcool". "Je ne veux pas finir par me blâmer si ma carrière se termine sur un échec", explique-t-il.
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"Il a la culture pop, geek, cette dimension digitale"

Sportivement, il a mis toutes les chances de son côté et médiatiquement il entend tout maîtriser. A un niveau de détail que l'on ne soupçonne pas... Son numéro de course, par exemple, va faire partie d'une stratégie de communication globale. "J'aurais voulu courir avec le 46 mais je ne voulais pas juste être un copieur, donc j'ai choisi quelque chose pour moi-même, explique l'admirateur de Valentino Rossi, qui a lui-même été motard avant de devenir kartman. J'ai choisi quelque chose de nouveau, qui s'intègre parfaitement à mon logo." Il n'en est pas à écrire sa biographie comme Lewis Hamilton le faisait en GP2, mais il a déjà tout prévu sur les front de la communication et du merchandising, en dehors de ce que lui imposera McLaren… Ce numéro providentiel, c'est donc le… 4. Une évocation de VR46 à première vue, mais pas seulement. Il s'intègre parfaitement au hashtag #L4ndo…
Attention, il ne faudrait pas prendre ça à la légère. Ce #L4ndo est la porte d'entrée de l'univers de Lando Norris. Un domaine où se disputent humour et autodérision. "Ça n'est pas que je me moque de moi-même, explique-t-il. C'est plutôt que je ne me prends pas autant au sérieux que d'autres peut-être, et ça c'est plus ma personnalité. Je ne suis pas super sérieux, à ne jamais rire, etc. J'ai une équipe qui supervise mes réseaux sociaux et mon site web. Ce sont des décisions prises en groupe. Mais je fais moi-même la plupart des messages et les trucs marrants."
Très impliqué également dans le sim racing - avec Max Verstappen -, Lando Norris ressemble à s'y méprendre au pilote rêvé que Liberty Media, le promoteur du championnat du monde, veut voir incarner la nouvelle Formule 1, celle capable d'attirer un public plus jeune.
"Il a tous les codes de la nouvelle génération et il est parfaitement dans la tendance de ce que la Formule 1 recherche aujourd'hui pour rajeunir son public de spectateurs, téléspectateurs, souligne Pierre Guyonnet-Duperat, directeur de communication du Grand Prix de France. Il a été l'un des premiers à faire la promotion du Esport sur les réseaux sociaux, à partager ses sessions sur Youtube et Twitch. Il a la culture pop, geek et cette dimension digitale sur laquelle veulent s'appuyer les promoteurs du championnat depuis leur arrivée, en 2017. Et chez lui, ça passe beaucoup par l'humour, les mèmes. Il est très intéressant dans ses interactions avec les autres pilotes, ses fans. De ce côté-là, il apporte une vraie touche de fraîcheur. En plus, c'est un très bon pilote, comme on vient encore de le voir au Grand Prix d'Autriche."
Dans un cadre purement sportif, Lando Norris, envoie chaque week-end de course des vidéos tantôt drôles, mémorables ou émouvantes. "Tu pleures ?", lui demanda son ingénieur Performance, qui faisait ses adieux à la compétition, lors du dernier Grand Prix 2019, à Abou Dabi. Cette scène fut l'un des moments forts de la fin de saison.
Le vendredi, le pilote avait fait exploser de rire ce même Andrew Jarvis en montrant son casque à son effigie.
Jusqu'où va la spontanéité ? C'est la question car tout ça est quand même fait pour vendre la marque Lando Norris. "Ça prend 20 secondes d'aimer quelques posts ou de répondre à certaines personnes. C'est une bonne chose... surtout si je veux plus de fans !", avoue-t-il. Avec 514.000 abonnés sur Twitter, 1,6 millions sur Instagram, 150.000 sur Facebook au lendemain de son premier podium en Formule 1 en Autriche, on peut dire que la stratégie fonctionne.
A tout cela, Lando Norris a ajouté une note particulière dans le contexte de la pandémie de Covid-19, en montrant qu'il était profondément tourné vers les autres en ces temps dramatiques. "Il a été l'un des premiers pilotes à parler tout de suite du NHS (National Health Service, équivalent de la Sécurité sociale en Angleterre), et il lui a donné pas mal de visibilité en Grande-Bretagne", note Pierre Guyonnet-Duperat. Epaté par le défi relevé par un presque centenaire dans son jardin pour lever des fonds - 30 millions de livres Sterling ! - , #L4ndo lui a tout simplement envoyé son casque de course.
Lando Norris et Andreas Seidl (McLaren)  au Grand Prix d'Autriche 2020

"Le Esport l'a énormément aidé"

Plus sûrement, il est l'espoir que McLaren attendait pour retrouver l'âge d'or des Alain Prost, Ayrton Senna, Mika Häkkinen et Lewis Hamilton. Et l'on sait déjà que Woking a eu raison de le resigner jusqu'en 2022. Après une saison de découverte de la discipline, lors que laquelle il a reconnu avoir été trop tendre en certaines occasions, il a débuté l'exercice 2020 en dominant Carlos Sainz, pilote Ferrari en 2021, samedi et dimanche. Sur la distance d'une course, il a géré son affaire avec clairvoyance, sans jamais se tromper de combat. Il a cédé sans broncher à un Alexander Albon (Red Bull) mieux armé que lui en début d'épreuve, puis de la même manière à Sergio Pérez (Racing Point) à l'approche de la mi-course. Auteur d'une petite faute à sept tours de l'arrivée, il n'a pas non plus insisté devant Charles Leclerc et sa Ferrari. C'était pour réserver le meilleur dans le 71e et dernier tour : un assaut franc sur Pérez pour la quatrième place, et un rush couronné de succès avec toute la puissance du Renault octroyée par son stand pour faire éjeter Lewis Hamilton (Mercedes), pénalisé de cinq secondes, du Top 3.
"Il a une énorme expérience en Esport, et je pense que c'est une vraie valeur ajoutée pour les pilotes de course, souligne Eric Bouiller, le directeur général du Grand Prix de France, qui l'a accueilli dans le vivier des pilotes McLaren lorsqu'il était le directeur de la Compétition à Woking. Il sait que, comme on dit, pour gagner il faut d'abord finir la course. Il a cette approche prudente et ne s'est pas trompé de combat dimanche. Il a compris à plusieurs reprises qu'il ne devait pas empêcher quelqu'un de le double parce qu'il avait une voiture plus rapide, des pneus plus frais, ou autre. Par contre, plus tard dans la course, il peut y avoir des événements qui permettent de regagner des places. Ce fut la pénalité d'Hamilton, entre autres. Sur ce sujet-là, il est très mature et je pense que le Esport l'a énormément aidé." Troisième plus jeune pilote sur un podium, Lando Norris a sûrement pris date.
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