Dépassements, DRS, réglements : La Formule 1 s'est-elle égarée ?

C'est un sujet que vous ne verrez jamais au baccalauréat de philosophie mais que l'on pourrait traiter comme tel : qu'est-ce qu'une bonne course de Formule 1 ? Le Grand Prix de Miami, disputé le week-end dernier, a plutôt donné une idée assez claire de ce que sport, dans sa globalité, ne doit pas devenir. Mais il a aussi brouillé les pistes...

Juste avant le début du cirque floridien, tout ce petit monde s'était inquiété de l'ennui soudain généré par les précédentes épreuves, y compris celle organisée à Bakou, pourtant devenue incontournable en quelques années seulement. Interrogés sur les raisons de ce déclin et, surtout, sur les potentielles solutions pour remettre la F1 d'aplomb, les pilotes ont rapidement orienté le débat sur les dépassements, devenus à leurs yeux beaucoup plus difficiles à réaliser. Personne d'autre qu'eux ne pourra confirmer ou infirmer leurs propos. Alors croyons-les sur parole.

Dimanche dernier, le Grand Prix de Miami a délivré 60 dépassements. Presque trois fois plus que l'Azerbaïdjan (23) et beaucoup plus que toutes les autres courses disputées depuis le début de la saison (37 à Bahreïn, 36 en Arabie Saoudite...). Et pourtant... On est prêt à parier que vous n'avez pas sauté au plafond devant votre téléviseur.

En réalité, cette cinquième manche de la saison a au moins eu le mérite de démontrer que le nombre de dépassements n'était absolument pas un révélateur de la qualité d'une course. Il est un indicateur, tout au plus. Pour en avoir le cœur net, prenons les cas extrêmes. Quel Grand Prix vous a le plus marqué ces dernières saisons ? Abu Dhabi 2021 ? Il y avait eu 36 dépassements. Quel Grand Prix a délivré le plus de dépassements dans toute l'histoire ? Le Grand Prix de Chine 2016. Il y en avait eu 160 et... pas grand monde s'en souvient.

Il faut croire qu'à force de vouloir conquérir un nouveau monde, la F1 s'est quelque peu égarée en route, oubliant que qualité et quantité ne se confondent jamais et qu'elle est avant tout... un sport. De la même manière qu'un très grand taux de possession d'une équipe n'a jamais rendu un match de football plus mémorable, ou que la durée des échanges n'a rien à voir avec l'attrait d'un match de tennis, la discipline reine des sports automobiles n'a pas à se soucier des dépassements qu'elle produit.

Il n'y a et il n'y aura toujours que les actes héroïques (la victoire d'Hamilton sur trois roues en 2020) les exploits (Gasly à Monza), les grandes batailles pour la gagne (Leclerc et Verstappen à Bahreïn 2022) ou encore les rebondissements (Abu Dhabi 2021) pour rendre marquant un événement sportif. Bref, tout ce qui relève de l'ordre de l'imprévu.

Voilà pourquoi le DRS est une solution inutile, voire contre-productive, puisqu'il a même réussi à banaliser la manœuvre de Verstappen sur Leclerc et Magnussen. Voilà pourquoi il est inutile de tenter d'injecter de l'inattendu artificiellement, à coups de drapeaux rouges et de voitures de sécurité.

Vouloir prévoir à tout prix l'imprévisible est une aberration et un non-sens. Espérer des changements de réglementation pour mettre fin à la domination de Red Bull, comme l'ont soufflé Toto Wolff ou Lewis Hamilton, revient à souhaiter que le meilleur ne gagne plus. Et que la F1 ne soit donc plus un sport.