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Grand Prix du Canada - Yuki Tsunoda (AlphaTauri), le crash embarrassant et la F1 sur un terrain glissant

Julien Pereira

Mis à jour 22/06/2022 à 08:53 GMT+2

GRAND PRIX DU CANADA - C'est un épisode vite oublié qui a donné une autre tournure à la course remportée par Max Verstappen (Red Bull), dimanche à Montréal. Le crash de Yuki Tsunoda à la sortie des stands offre pourtant une bonne mise en exergue de ce que la F1 a accepté de devenir, avec la promotion massive de pilotes talentueux mais encore "verts".

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Voyage dans la "cool room". Dimanche, juste après avoir bataillé durant les 15 derniers tours du Grand Prix du Canada, Max Verstappen et Carlos Sainz ont discuté dans cette salle de détente où, avant que la F1 ne décide de tout filmer, les pilotes pouvaient échanger leurs impressions en toute discrétion. Désormais, tout est public.
Le vainqueur et son dauphin sont installés sur un fauteuil, devant un écran diffusant en boucle les temps forts de la course, y compris l'étonnant crash de Yuki Tsunoda ayant entraîné la sortie de la voiture de sécurité. "Il y a une bosse à cet endroit, analyse alors Sainz. Elle m'a fait peur tout le week-end." "Oui, j'ai freiné avant, en me disant qu'il n'y avait pas beaucoup d'adhérence ici", acquiesce Verstappen.
De quoi absoudre le pilote japonais qui, il faut bien le dire, s'est retrouvé dans une situation très embarrassante ? Pas forcément, à entendre la réaction de Lewis Hamilton lors de son passage dans la "cool room" : "Quoi ? C'est arrivé dans la voie des stands !?". Tsunoda lui-même ne s'est d'ailleurs pas cherché d'excuse. "J'ai juste poussé trop fort à la sortie et malheureusement, j'ai tapé le mur, a-t-il expliqué. Le rythme était bon aujourd'hui [...] donc je suis déçu. J'ai demandé pardon à toute l'équipe."
Pourtant peu commun, l'incident n'a pas suscité plus de réactions chez les acteurs. Et restera anecdotique à l'échelle de la saison. Après tout, les pilotes sont humains et l'erreur est... humaine. Il n'empêche, que Tsunoda ait été l'auteur de cette étonnante maladresse n'est pas tout à fait un hasard non plus.
Je jouais à la PlayStation, puis je commandais à manger...
Le pilote AlphaTauri n'a qu'un an et demi d'expérience et a débarqué parmi l'élite après une ascension expresse - il est passé de la F4 à la F1 en trois ans -, poussé par Honda, pour qui disposer d'un pilote japonais dans la discipline était un enjeu important.
Dans le marasme du sport automobile nippon, Tsunoda était une exception : auteur de 4 poles et 3 victoires en F2, 3e du championnat dès sa première saison, le pilote né en 2000 s'était démarqué, aussi, par son aisance aux dépassements. Suffisant pour convaincre la maison-mère Red Bull de le promouvoir au sein de l'équipe B. En faisant quelques concessions sur les exigeants critères qui régissaient sa stratégie.
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"Ferrari se paye avec des mots, leur plan c'est l'improvisation en permanence"

Car, hormis un talent certain pour la "pure race", le pilote de poche n'avait pas grand-chose de plus pour se retrouver dans le sport roi. Il admettait bien volontiers ne pas avoir été passionné par la course durant son enfance, peinait à contrôler un caractère très excessif et sa condition physique collait bien moins aux exigences d'un athlète qu'à celles d'un ado : "Je jouais à la PlayStation, puis je commandais à manger, détaillait-il l'année dernière. Puis je rejouais à la PlayStation. Puis je commandais de nouveau à manger."
Le tout a contraint Franz Tost, patron de l'écurie AlphaTauri, à prendre des mesures drastiques pour encadrer son pilote. Le Japonais, qui vivait en Grande-Bretagne, a ainsi dû déménager en Italie, à quelques kilomètres de l'usine de Faenza. Il suit encore les préconisations d'un préparateur particulier pour contrôler sa nutrition et sa forme physique. Et travaille également sur son impulsivité, afin de réduire le nombre de noms d'oiseaux balancés à la radio, en course comme aux essais libres.

Créer de l'incertitude

Les progrès sont en cours. Désormais, son ingénieur entend moins les colères du Japonais... puisqu'il n'appuie plus systématiquement sur le bouton de communication. Un an et demi après son arrivée en F1, Tsunoda n'est toujours pas un produit fini. Et ce n'est une surprise pour personne.
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"Vous ne pouvez pas exiger qu'un rookie connaisse tout dès ses débuts, rappelait Tost en juillet dernier. Voilà pourquoi je dis toujours qu'un jeune pilote a besoin de trois ans pour comprendre cette F1, car la F1 est devenue plus compliquée qu'elle ne l'était auparavant."
Voilà la F1 à la sauce Verstappen où, après avoir constaté les exploits d'un talent précoce, chaque constructeur a tenté de dégoter le nouveau prodige. Parfois en forçant le passage. C'est ainsi que le plateau, déjà investi par les fils de milliardaires, a accepté de ne plus avoir les 20 hommes les plus rapides du monde. Mais des pilotes susceptibles d'en faire partie, un jour. Ou pas.
Un problème ? Pas vraiment. Les jeunes pilotes, au potentiel d'identification plus fort pour le public, apprennent en faisant des erreurs qui, elles-mêmes, créent de l'incertitude pour un sport qui en a longtemps manqué. Dimanche, sans l'incident de Tsunoda, Carlos Sainz n'aurait pas été en mesure de chatouiller Max Verstappen quinze tours durant. Et il y aurait eu un sujet de discussion en moins dans la "cool room".
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Yuki Tsunoda (AlphaTauri) s'extirpe de sa monoplace après son crash au Grand Prix du Canada

Crédit: Imago

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