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F1 - Carlos Sainz chez Ferrari pour le défi de sa vie : prouver que son talent vaut plus que son nom

Julien Pereira

Mis à jour 06/03/2022 à 17:55 GMT+1

SAISON 2021 - Carlos Sainz Jr est un pilote un peu à part. L'Espagnol a toujours cherché à s'émanciper pour démontrer qu'il était en F1 pour son talent, et non pas pour son nom. Paradoxalement, on ne lui en a jamais donné l'occasion mais cela n'a pas empêché Ferrari de le recruter.

Carlos Sainz, nouveau pilote Ferrari

Crédit: Getty Images

Pour eux, le confinement a eu du bon. Avant que le monde ne tourne au ralenti, jamais Carlos Sainz père et fils ne s'étaient retrouvés comme ils l'ont fait, ces deux derniers mois, dans la banlieue de Madrid. Jusqu'ici, l'un comme l'autre avaient plutôt pris l'habitude d'aller vite. Et loin.
C'est là un autre point commun entre leurs métiers, pilote de Rallye pour "El Matador", pilote de Formule 1 pour le deuxième de ses trois enfants, qui s'apprête à découvrir une hauteur que l'exemple paternel n'a jamais connue. Dès 2021, Carlos Sainz Jr rejoindra Ferrari, fantasme absolu de ceux qui s'intéressent, de près ou de loin, à tout ce qui a un volant, un moteur et des roues.
Avec la Scuderia, l'Espagnol devra faire ce qu'il a toujours tenté de faire : démontrer sa vraie valeur, et rappelé qu'elle n'a jamais été fondée sur le nom figurant sur ses papiers d'identité. Il s'agit d'une problématique vieille comme le sport professionnel, à laquelle certains se sont heurtés. D'autres, de Damon Hill à Nico Rosberg en passant par Jacques Villeneuve, ont relevé le défi avec brio.
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Carlos Sainz (McLaren) fête son podium au Grand Prix du Brésil 2019

Crédit: Getty Images

A ceux qui doutent que Carlos père puisse être aussi encombrant que Graham, Keke ou Gilles : détrompez-vous. À l'échelle du Rallye, Sainz est un monstre sacré. A l'échelle du sport espagnol, il est un monument dont la popularité est difficile à quantifier lorsqu'on ne vit pas de l'autre côté des Pyrénées. On vous dira simplement que là-bas, on a estimé logique et objectif de voter en masse pour que le Madrilène soit élu "plus grand pilote de Rallye de l'Histoire" par le WRC, devant deux Sébastien - qui avaient pourtant quelques arguments en leur faveur.

Sainz Jr n'est ni Stroll, ni Verstappen

On pourrait dire que Carlos Sainz Jr lutte pour sortir de l'ombre de son père depuis le début de sa carrière qu'on ne serait même pas assez précis : en réalité, il a commencé bien avant. A 11 ans, alors qu'il découvrait encore le karting, le jeune Madrilène n'avait pas le même statut que ses rivaux. "J'entendais des parents dire à leurs enfants : 'Sortez le fils de Sainz de la piste'", confiait à Marca Juanjo Lacalle, fidèle manager du champion de Rallye.
Voici le revers de la médaille, celui que les fans de F1 ne voient jamais. Oui, être le fils de Sainz a offert quelques avantages : le double champion du monde des Rallyes possédait deux complexes de karting avant même que son fils ne sache tenir un volant. Au contraire de centaines d'autres pilotes talentueux, Sainz Jr n'a donc jamais été confronté à la barrière de l'argent. Mais il l'a toujours payé cher en piste.
Lui n'est pas Lance Stroll - fils du milliardaire Lawrence Stroll, propriétaire de l'écurie qui engage le jeune Canadien. Mais il n'est pas non plus Max Verstappen, fils de l'ancien pilote Jos, formaté dès son plus jeune âge pour réaliser les rêves de son père. Carlos Sainz n'a jamais orienté sa progéniture sur les circuits. Il n'en avait pas le temps. Pour une simple et bonne raison : il a parcouru le monde en long, en large et en travers jusqu'en 2004, année où il a mis fin à sa carrière au plus haut niveau. Il n'a imposé qu'une seule chose à son enfant : le travail. Cela, depuis toujours. Mais plus particulièrement depuis le 8 mai 2005.
Ce jour-là, Carlos Sainz, accompagné de son jeune fils, avait rendu visite à Fernando Alonso, en marge du Grand Prix d'Espagne. En course, le pilote des Asturies s'était offert la deuxième place, décuplant une passion qu'il avait lui-même fait naître deux ans plus tôt, lors de la conquête de ses premiers podiums en F1, auprès des supporters locaux. Sainz Jr était devenu l'un d'eux. Il avait alors confié à son père son souhait de devenir pilote de Formule 1. "Je lui ai dit : 'Tu vas devoir renoncer à beaucoup de choses', s'était souvenu "El Matador" lors d'un direct sur Instagram. Je lui ai alors posé deux conditions. La première : ne pas perdre une seule année d'étude. La deuxième : réussir l'examen d'entrée à l'université."

Pour lui, les résultats sont toujours passés avant tout

Dès 2005 et ses débuts en karting, Sainz doit donc jongler avec trois difficultés : être le "fils de" qu'il faut absolument battre, conserver toute son implication à l'école et devenir le meilleur en piste en dominant ceux dont les parents ont accordé plus de liberté, notamment pour découvrir les circuits plusieurs jours avant la course. Il y parvient. Il commence par empocher des titres locaux, devient vice-champion d'Espagne en 2008, et remporte le Monaco Junior Kart l'année suivante. Red Bull, qui suit cette compétition de près, décide alors de prendre sa carrière en charge. Le nouveau protégé de la firme autrichienne s'appelle Sainz ? C'est un bonus. Mais certainement pas une condition.
Cela est même inscrit noir sur blanc dans le contrat du jeune Espagnol : Red Bull financera ses courses tant que ses résultats seront à la hauteur. La firme ne fera finalement qu'une exception, en 2012, Sainz Jr ne se classant que sixième de Formule 3 britannique cette année-là. Mais son titre en Formule Renault 3.5, l'une des antichambres de la F1 où il a notamment battu Pierre Gasly, lui ouvrira les portes de la catégorie reine... puis de Renault, en 2017, année où le Losange avait négocié avec Red Bull le prêt du pilote, avant de se l'offrir définitivement.
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Carlos Sainz Jr (Toro Rosso) discute avec son père en marge du Grand Prix de Grande-Bretagne, le 5 juillet 2015

Crédit: Getty Images

Il s'agissait alors d'une opportunité unique pour Sainz : marcher sur les pas de son idole, Fernando Alonso. Et démontrer sa valeur à armes égales, après plusieurs mois passés chez Toro Rosso où les ingénieurs avaient beaucoup plus tendance à écouter les retours de Max Verstappen, le fleuron de la filière. Problème, le projet de Renault était si flou qu'il n'a pas permis d'établir un jugement définitif sur le niveau du pilote.
Chez McLaren, Sainz Jr a retrouvé un environnement similaire à celui qu'il avait connu chez Toro Rosso : son coéquipier Lando Norris, 20 ans, est un pur produit de l'écurie britannique et de son académie. Il n'est donc pas logé à la même enseigne. Qu'importe si l'Espagnol a bouclé le championnat 2019 au sixième rang, derrière les pilotes des écuries de pointe mais devant tous les autres, en cumulant quasiment deux fois plus de points que le jeune Britannique. C'est un peu l'ironie de son histoire : Sainz avait un nom pour bénéficier de passe-droits, il a toujours réclamé d'être jugé à sa juste valeur... et ne l'a jamais été en F1.

Émancipé... et maintenant ?

Aujourd'hui, Sainz Jr ne paie donc plus son statut de "fils de". Il a suffisamment prouvé sur la piste pour s'en émanciper. Même en dehors. Même en Espagne. Il l'a encore fait le mois dernier, lors d'une émission populaire diffusée sur Antena 3, après que son père a glissé, durant l'interview, que le jeune pilote était souvent en retard aux repas de famille durant le confinement : "Je suis en retard parce que je m'entraîne plus que lui, avait rétorqué Sainz Jr.
- S'entraîner pour faire des dizaines de fois le tour d'un même circuit... Ce doit être pénible, avait répondu son père.
- Mais nous, nous atteignons les 300km/h à Monaco et encaissons 6G... Toi, tu ne dépasses pas les 180km/h avec ta voiture de rallye-raid.
- Avec ma voiture de rallye-raid, tu finirais directement dans la Piscine à Monaco !"
Désormais capable de tenir tête à son illustre père, Sainz Jr ne s'est pas encore défait de son image de pilote laborieux - au sens noble du terme - qu'il est sûrement devenu par l'éducation qu'il a reçue. Il a beau suivre Fernando Alonso à la trace, en parcourant, dans le même ordre, toutes les écuries côtoyées par son idole (Renault, McLaren, Ferrari), il n'a jamais eu l'étiquette d'un pilote dont le talent est largement supérieur à la norme.
On le lit jusque dans les mots de Mattia Binotto, patron de l'écurie Ferrari. "Il a l'esprit d'équipe, il travaille dur, a dit le dirigeant après l'officialisation du transfert de l'Espagnol vers la Scuderia. Donc, l'avoir aux côtés de Charles sera utile." Voilà pourquoi Sainz Jr est un cas un peu à part : il arrivera dans l'écurie la plus puissante du monde sans être un prodige ni un champion du monde. Et sans même que l'on connaisse sa vraie valeur sportive.
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