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Sebastian Vettel : ascension fulgurante, lent et douloureux déclin d'un géant

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 29/07/2022 à 11:10 GMT+2

FORMULE 1 – Officiellement futur retraité des Grands Prix depuis jeudi, le quadruple champion du monde Sebastian Vettel laissera, en fin de saison, le paddock orphelin d'un pilote surdoué, porté aux nues par Red Bull qui en avait fait son fils préféré. Un traitement qu'il a retrouvé au début de sa collaboration avec Ferrari, avant son lent déclin.

Vettel : "Beaucoup de choses à retenir de ces années"

C'est à n'en pas douter un pan entier de l'histoire de la Formule 1 qui tombera en fin de saison avec la retraite de Sebastian Vettel. "Sebastian est un pilote magnifique - rapide, intelligent et stratégique - et bien sûr ses qualités vont nous manquer", a réagi Mike Krack, le directeur d'équipe d'Aston Martin.
En officialisant jeudi sa fin de carrière à seulement 35 ans, l'Allemand privera le sport d'un de ses plus beaux palmarès. Avec quatre titres mondiaux, l'actuel pilote Aston Martin arrive immédiatement après Lewis Hamilton, Michael Schumacher (7) et Juan Manuel Fangio (5) dans le livre d'or de la Formule 1. Vainqueur à 53 reprises en Grand Prix, il n'est devancé que par Lewis Hamilton (103) et Michael Schumacher (91). Et avec 57 pole positions à son actif, il figure au pied du podium sur lesquels trônent Lewis Hamilton (103), Michael Schumacher (68) et Ayrton Senna (65).
Aidé par une époque qui lui a proposé des circuits moins usants physiquement et des saisons deux fois plus longues, il a pu se faire une place statistique devant les géants que sont Alain Prost, Ayrton Senna, Niki Lauda, Jack Brabham ou Jim Clark. Mais au-delà de ces chiffres, on retiendra surtout que l'Allemand, à l'heure de son 300e et dernier Grand Prix, le 20 novembre prochain à Abou Dabi, aura été l'un des premiers champions symboliques d'un 21e siècle marqué par la volonté des écuries de fabriquer leurs propres talents pour en faire des pilotes-rois.

Soutien sans faille de Red Bull

Entré dans la galaxie Red Bull à 16 ans après avoir écrasé le championnat BMW – sorte de Formule 4 allemande -, "Baby Schumi" a gravi les échelons sans curieusement remporter d'autres titres dans les formules d'apprentissage. Pour une raison simple : il était l'élu d'Helmut Marko, ancien pilote de Formule 1 et vainqueur des 24 Heures du Mans. Devenu l'un des meilleurs dénicheur de talents du paddock, le "Docteur" lui a passé son échec tout relatif en Formule 3 – vice-champion – et a abrégé son parcours en Formule Renault 3.5 (un GP2 bis) pour le lancer dans le grand bain de la F1.
Et c'est cette quasi-certitude de piloter un jour pour Red Bull Racing, avec des moyens illimités pour se former en échange de résultats à apporter régulièrement, qui a peut-être forgé le caractère du successeur désigné de Michael Schumacher. Pendant toute sa carrière, le natif d'Heppenheim, issu d'une famille modeste, s'est en effet comporté en parfait égoïste, une qualité indispensable pour devenir un champion.
Chez Red Bull, il a surfé sur les non-dits – un statut de pilote n°1 et le soutien sans faille d'Helmut Marko – pour écarter son coéquipier Mark Webber, au gré d'actions parfois sanguines. Ce fut spécialement vrai lorsqu'il a refusé d'obéir à la consigne d'équipe au Grand Prix de Malaisie en 2013 – le fameux "Multi 21" exigeant de faire gagner la n°2 devant sa n°1 -, au prétexte que son coéquipier australien ne l'avait pas aidé au départ du Grand Prix du Brésil 2012, une course qui l'avait quand même couronné au bout d'un suspense insoutenable. Sûr de son poids dans le garage bleu marine et en coulisses, il était aussi allé jusqu'au crash en piste dès 2010, en Turquie.

Records en pagaille pour jeune premier

Son équipe ne lui a jamais rien reproché publiquement car il était le nouveau prodige, celui qui avait ouvert le palmarès de Toro Rosso (pole position et victoire à Monza en 2008), et tout autant chez Red Bull en 2009, en guise de hors d'œuvre à quatre sacres consécutifs pour lui et Milton Keynes, au milieu de tout un tas de records de précocité.
Plus jeune poleman (21 ans et 72 jours), vainqueur (21 ans et 73 jours) et champion du monde (23 ans et 135 jours), écoeurant vainqueur des neuf derniers Grands Prix en 2013 au point d'être accueilli par des sifflets sur les podiums, Sebastian Vettel a surtout été pendant quinze ans un exemple de professionnalisme. Les yeux rivés sur la télémétrie, souvent le dernier pilote à quitter le paddock les vendredis et samedi soirs de Grands Prix, il a marqué les esprits notamment chez Red Bull par son approche de la course. "Il a fait un usage ultime de toutes les possibilités techniques, résumait Helmut Marko, le mois dernier dans le Red Bulletin. C'est aussi pourquoi il a finalement eu le dessus sur un talentueux Mark Webber."
Vainqueur pendant toutes ces années avec un moteur Renault moins puissant que la concurrence, en partant invariablement des trois premières places de la grille, Sebastian Vettel a cependant vu son étoile pâlir en 2014 au volant d'une Red Bull moins chargée en appui, au point de se faire nettement dominer par l'espoir Daniel Ricciardo. Il a alors senti que le moment était venu d'aller voir ailleurs en 2015, et précisément chez Ferrari, où son objectif était de répliquer la saga de son idole, Michael Schumacher. Un rêve caressé en 2017 et 2018, mais refusé par Lewis Hamilton.

Amertume Ferrari et fin de parcours en panne de saveur

Chez les Rouges, l'histoire a commencé comme chez Red Bull, avec un coéquipier au statut de n°2 peu encombrant nommé Kimi Räikkönen, jusqu'à ce qu'il se heurte à l'étoile montante Charles Leclerc. Recruté à grand frais par la Scuderia, Sebastian Vettel pensait bénéficier du soutien inconditionnel de son patron, Mattia Binotto. Il s'est lourdement trompé en provoquant un double abandon au Grand Prix du Brésil, en 2019, qui scella sans doute son destin à Maranello. Son contrat arrivait à échéance en 2020, et il a fort mal pris son non-renouvellement.
Sans pouvoir dissimuler sa frustration en coulisses à l'image de ce qui lui arrivait parfois au volant (le "Va te faire foutre Charlie !" à Mexico en 2016 ou l'accrochage avec Lewis Hamilton à Bakou en 2017), Sebastian Vettel y est allé de sa petite vengeance en annonçant son transfert chez Aston Martin le week-end du 1000e Grand Prix de Ferrari, au Mugello. Ses Ferrari personnelles revendues quelques mois plus tard, il a perdu son ultime pari de faire émerger une troisième écurie, faute de temps.
Les nouvelles usine et soufflerie opérationnelles au mieux mi-2023 à Silverstone, il devait se projeter sur 2024 pour espérer concrétiser ses ultimes ambitions. Sa vie de famille - il est père de trois enfants - et ses engagements environnementaux étaient des causes plus importantes à ses yeux. Ses plus nobles, assurément.
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