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TOKYO 2020 - Biles - Osaka : "Les sportifs sont très mal compris, on les prend pour des super-héros alors que…"

Martin Mosnier

Mis à jour 28/07/2021 à 14:23 GMT+2

TOKYO 2020 – Alors que ces Jeux Olympiques devaient être les leurs, Simone Biles et Naomi Osaka ont plié sous le poids des attentes et de la pression. Les deux superstars ont exposé leurs fêlures et éclairé d'un jour nouveau leur statut de championne, et ceux des Dieux de l'Olympe.

US gymnastics star Simone Biles got support from the White House after her withdrawal from the team competition.

Crédit: Getty Images

Dans la mythologie, le Mont Olympe représente l'endroit où les dieux et déesses contemplent les hommes. Le royaume des divinités en somme. Dans le prolongement de la légende, les Jeux Olympiques mettent en scène les plus forts, les plus insubmersibles, les meilleurs. Le royaume des surhommes en somme. Plus haut, plus vite, plus fort. Pas de place pour les failles, les fêlures. Les sportifs de haut niveau ont longtemps gardé leurs tourments pour eux parce que leur statut ne pouvait pas supporter la moindre faiblesse. Mais ces JO pas comme les autres et leur contexte anxiogène ont brisé le tabou. Dans le sillage de deux icônes qui transcendent leur sport et même le sport.
Simone Biles, superstar des Jeux et de la délégation américaine, a choisi de se mettre en retrait et déclaré forfait pour le concours général. "Je dois faire ce qui est bon pour moi et me concentrer sur ma santé mentale, avait expliqué la quintuple championne olympique mardi, entre sanglots et sourires. Il y a plus important dans la vie que la gym." Icône du tennis et du Japon, Naomi Osaka, qui a déjà avoué avoir traversé des épisodes dépressifs, est, elle, sortie dès le deuxième tour de son tournoi, incapable de gérer l'immense pression qui entourait sa présence à Tokyo. "Mon attitude n'a pas été bonne car je ne sais pas vraiment gérer ce genre de pression", a expliqué la quadruple vainqueur de Grand Chelem.
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Biles : "Je donne la priorité à ma santé mentale"

Biles porte beaucoup de choses
Elles ont déjà tout gagné, elles ont affronté des environnements hostiles, poussé leurs limites pour s'inscrire dans l'histoire de leur sport. Et pourtant, cette semaine, elles ont été rattrapées par leurs émotions. Comment est-ce possible ? "Biles, à 24 ans, porte beaucoup de choses et il faut rester très prudent car même avec nos athlètes, on ne connaît pas tout, nous explique Makis Chamadilis, psychologue du sport qui conseille une quinzaine d'athlètes à Tokyo. Mais c'est la star de ces JO avec tout ce que ça implique. Elle a traversé beaucoup d'épreuves et reste aujourd'hui la seule victime des abus sexuels de l'ancien médecin de la Fédération américaine, Larry Nassar, encore en activité. Et elle avait annoncé vouloir faire une nouvelle figure lors des JO. Il y a peut-être un trop plein. Peut-être qu'elle s'interroge sur le sens de sa présence à Tokyo."
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Cata pour Biles qui rate sa réception au saut de cheval : son passage en vidéo

Non, les JO ne sont pas qu'à faire de cyborgs capables d'enchaîner les performances démentielles. Même le plus médaillé d'entre eux, Michael Phelps, l'Américain aux 28 médailles olympiques, dont 23 en or, a révélé en 2018, deux ans après sa retraite des bassins, qu'il avait souffert durant sa carrière de dépression, noyé ses anxiétés dans l'alcool ou encore songé au suicide. "Tout le monde a des conflits intérieurs, continue Makis Chamadiis. La différence, c'est qu'avant, on l'apprenait dans une biographie publiée après la carrière. Aujourd'hui, on se demande pourquoi il faudrait le cacher, c'est une immense avancée."
Un acte de courage
"Ce qu'il y a de plus dur pour ces athlètes de très haut niveau, c'est d'accepter d'avoir une faiblesse, de l'identifier et de la mettre à jour parce que ce sont des individus qui repoussent sans cesse leurs limites, nous confie Denis Troch, préparateur mental. C'est un acte de courage parce qu'il démystifie leur image." Phelps, plus que tout autre star du sport, mesure la douleur de Simone Biles. Ces images de la gymnaste lui ont "brisé le coeur", a-t-il expliqué sur la chaîne de télévision NBC. "Les JO sont quelque chose qui peut vous submerger, il y a beaucoup d'émotions en jeu, je pourrais vous en parler pendant des heures", a poursuivi l'ancien nageur, reconverti en consultant.
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La question qui fâche : Osaka pouvait-elle vraiment espérer mieux ?

Le contexte anxiogène du Covid a offert un terrain encore plus propice à la dépression. Chez les sportifs comme chez le commun des mortels. Ils ont été privés pour la plupart de compétition, ont dû s'entraîner seuls de leur côté, leurs proches sont restés à la maison sur décision des autorités nippones pour éviter la propagation du coronavirus au Japon et ils doivent vivre dans un Village olympique en mode Covid, avec masques obligatoires et interactions limitées.
Il y a un malentendu
"De façon plus générale, c'est de plus en plus complexe d'être un grand champion et de tenir son rang, avance Makis Chamadiis. Hier encore, j'avais un athlète présent à Tokyo qui, avant son entrée dans la compétition, est allé faire un tour sur ses réseaux sociaux et m'a dit : 'La prochaine fois, je mettrai mon gilet par balles'. Les sportifs sont très mal compris, il y a un vrai malentendu. On les prend pour des super-héros alors que ce sont des êtres plus sensibles que les autres. Ils sont toujours sur le fil et compensent leurs fêlures en poussant à l'extrême leur activité. Ils ont besoin de gagner pour exister et compenser leurs failles. C'est une quête très personnelle." Une quête et un sens qu'interrogent aujourd'hui Simone Biles et Naomi Osaka.
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