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Les Grands Récits - Teddy avant Riner : Aux sources de la légende

Laurent Vergne

Mis à jour 18/12/2022 à 21:42 GMT+1

LES GRANDS RÉCITS – Un crack. Un immense champion. Un monument du sport français. Teddy Riner est devenu tout cela aujourd'hui. Mais il n'est pas si éloigné de l'enfant boulimique de sport qui a découvert le judo à 5 ans et l'a abordé comme un jeu. Pour le plaisir. A l'occasion de l'émission "Mon Paris Olympique" qu'Eurosport lui consacre, retour sur les années de formation du "petit" Teddy.

Les Grands Récits - Teddy Riner

Crédit: Eurosport

Chaque fois que les Bleus posent leurs guêtres au Stade de France, le rituel est le même. L'appartement familial situé rue de Courcelles, au nord-ouest de la capitale, offre une vue imprenable sur le périphérique parisien. Depuis leur camp de base, les Bleus passent systématiquement par là pour rejoindre Saint-Denis. Alors, il guette. Il attend. Il trépigne. Puis il voit le car passer. Sa façon à lui de "vivre cette Coupe du monde de l'intérieur." "Quand, à la télé, on voyait les Bleus partir de Clairefontaine, je les regardais ensuite passer avec les motards, l'escorte", raconte-t-il.
Été 1998. Teddy Riner a neuf ans et comme l'immense majorité de la population française, particulièrement dans sa catégorie d'âge, il croque dans ce Mondial à pleines dents. Mais chez lui, l'écho résonnera un peu plus fortement que chez d'autres. Un quart de siècle plus tard, il définit ces quelques semaines comme fondatrices, à double titre : c'est la naissance de son désir de la compétition et de sa perpétuelle quête d'une émotion propre au sport.
"Je me suis imprégné de ces joueurs pour devenir ce que je suis, nous confie le triple champion olympique. 98, ça m'a porté, on a envie de réaliser des grandes choses grâce à ces sportifs qui nous ont fait vibrer. La première fois que j'ai rencontré Thierry Henry, Lilian Thuram, Emmanuel Petit, j'étais comme un enfant. Ils ont fait briller, ils ont fait naître en moi des choses qui sont difficiles à expliquer. Ça donne envie de pousser les murs, les barrières et se dire 'moi aussi, je peux faire quelque chose'. Je les remercie tous les jours."
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Teddy Riner et Thierry Henry

Crédit: Getty Images

La révélation du sport

Si les Bleus de Jacquet ont servi de détonateur, il y a pourtant fort à parier que, d'une manière ou d'une autre, le jeune Teddy aurait embrassé durablement la matière sportive. "Je suis fait pour le sport : ça correspond à mon physique, à mon dynamisme, à mon sens de la compétition", écrivait-il en 2012 dans son autobiographie, Se dépasser, toujours. Athlète né, dans le corps et dans l'esprit, il saura faire fructifier ce don de la nature que constitue son capital physique. Dans ce domaine, il a toujours été hors norme, avant même d'apparaître.
Chez les Riner, on est grand. Moïse, son papa, affiche 1,89 m sous la toise. Son grand frère, Moïse junior, culminera à l'âge adulte à 196 centimètres. Mais Teddy, c'est encore autre chose. Dès le ventre de sa mère, il prend des proportions bien différentes de celle de son aîné. Marie-Pierre, presque plate comme une limande pour Moïse, a cette fois le ventre qui gonfle, au point d'être convaincue d'une grossesse multiple. Sa propre mère avait eu des jumeaux, puis des triplés. Mais non, Teddy (prénom choisir par... son frère en référence à son ours en peluche) est bien seul. Une fois sorti, sa croissance sera vite exponentielle. Il est grand. Et costaud.
Sa taille finit par devenir consubstantielle à son identité. Il se définit d'abord par cet aspect visuel frappant, comme il l'évoquait dans son livre : "Quand papa me présentait à quelqu'un, il disait toujours 'Vous avez vu comme mon fils est grand ?'" Ces dimensions de séquoia seront d'abord une croix à porter. A deux ans et demi, au parc, ses parents doivent le retirer de l'aire des jeux. "Tu vois bien, c'est marqué réservé aux moins de quatre ans". "Mais j'ai deux ans et demi !" Peut-être, mais déjà la carrure d'un gosse de cinq ou six. "Ma taille faisait peur aux autres parents, qui tenaient les leurs enfants à distance", explique-t-il. Comment peut-on comprendre cela à deux ou trois ans ?
Alors, avant de sceller son destin de champion, le sport, qu'il découvre à cinq ans, va bouleverser sa vie d'enfant. Il y trouve non seulement un défouloir, lui la "pile Duracell", comme il se définit, mais surtout un domaine d'expression où, pour la première fois, son envergure et sa taille ne sont pas un handicap mais une force. Ici, personne ne lui dit qu'il est trop grand. Il y gagnera une décisive confiance en lui. Une évidence : "J'accroche tout de suite, je prends un plaisir fou. C'est une révélation. Le sport, c'est du plaisir à l'état pur, quelque chose d'addictif."
Je suis son ancien prof de judo et son tonton métropole
Le gamin a trouvé sa vocation. Il doit encore l'affiner. Teddy est un touche-à-tout. Sports collectifs ou individuels, football, basket, natation, judo... Longtemps, il ne voudra pas choisir. Tout lui plaît. Le judo, notamment. Il y fait une des rencontres les plus importantes de sa vie en la personne d'Alain Perriot. "J'étais jeune prof dans le 14e arrondissement de Paris, il est arrivé avec papa, maman et le frérot, je les ai accueillis, décrit l'enseignant. Sans me douter qu'il était plus jeune que les autres (il faisait déjà la taille de son grand frère), parce qu'il était costaud, je l'ai mis dans le groupe des grands. Il avait besoin de bouger ! Ça s'est très bien passé."
A-t-il perçu instantanément son effarant potentiel ? Il pourrait le clamer pour se mettre en avant mais ce n'est pas le genre de la maison. "Ce qui peut se passer, c'est qu'on voit l'enfant qui bouge, l'enfant qui se meut correctement, qui acquiert pas mal les techniques, qui sait mettre un pied devant l'autre. Mais de là à imaginer que ça va devenir un champion du monde, un champion olympique, pour moi, petit prof de quartier, non ce n'est pas possible. Ce serait mentir", dit Perriot avec l'humilité de sa noblesse toute simple.
Teddy serait-il devenu Riner s'il n'avait pas croisé Alain Perriot ? Peut-être. Le coach lui-même en est convaincu. Humble, toujours. "Attendez, je ne suis qu’un prof de judo qui a eu pour élève le champion olympique. Ça m’est tombé dessus, mais ça aurait pu arriver à n’importe quel autre professeur", assurait-il en 2012 dans les colonnes du quotidien Le Monde. A l'écouter, comme les Bleus de 98, il n'aurait été qu'un déclencheur en forme de hasard. Ce fut lui, ça aurait pu être un autre. Vous n'êtes pas obligés de le croire.
Car ces deux-là se sont bien trouvés, comme une évidence, et l'épanouissement du gaillard a été grandement facilité par les qualités d'Alain Perriot et sa palpable humanité. Quand Eurosport les a réunis pour préparer l'épisode de l'émission Mon Paris Olympique qui lui est consacré et sera diffusé le 21 décembre, leur complicité sautait aux yeux. Dans les leurs, la même malice pétillante. Entre eux, un lien indéfectible, qui s'est prolongé jusqu'à aujourd'hui, bien au-delà des dix années de collaboration dans les dojos jusqu'aux 16 ans de Teddy puisque Perriot a formé Riner et l'a hissé aux portes du très haut niveau. Après, c'était à lui de jouer.
C'est une histoire de judo entre professeur et élève, mais aussi (surtout ?) un rapport humain. "Je suis son ancien prof de judo et son tonton métropole, sourit le coach. Moi, j'ai un côté paternaliste. Ce club, c'est mon bébé, le club où j'ai commencé, où j'ai amené Teddy. Pour moi, le judo c'est une famille et mes élèves ce sont mes enfants. Teddy, c'est un de mes enfants. Je fais un peu partie de la famille." "Je dois beaucoup à ce monsieur. Il est comme un père", confirme le champion.
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Les Grands Récits - Teddy Riner

Crédit: Eurosport

La ceinture verte-orange de Douillet

Tout en restant à sa place, il est un prolongement de la figure paternelle, pour l'aspect éducatif et de celle du grand frère, pour la déconne. Teddy parle à son sujet d'un "grand entraîneur", bien plus qu'un simple professeur. Il le renforce dans son amour du judo, même s'il n'est encore que partiel. "Le début du cours nous barbait, avoue Riner en associant son frère Moïse, qui a débuté en même temps que lui. Alain nous y apprenait les techniques, sauf que nous deux, on est là pour combattre et pour se dépenser, pas pour rester assis sur un tapis." Ce sera un des apports majeurs d'Alain Perriot : d'un gamin qui fait du judo, il va faire un judoka.
Alain "ne crie jamais", rapporte Riner. Il tance, au besoin, et fixe un cadre à ce môme attachant comme pas deux mais un brin indiscipliné. Il est plus main de velours que gant de fer, même s'il use des deux, toujours subtil, pour titiller son gentil géant. Quitte à utiliser le plus illustre des complices. Comme ce jour où, à 12 ans, Teddy doit recevoir au PSG Judo, qu'il a rejoint avec son prof, sa ceinture verte des mains de David Douillet, sacré champion olympique pour la deuxième fois quelques mois plus tôt.
Mais Perriot a un plan. Jugeant son poulain trop dissipé et pas suffisamment investi, il veut lui faire passer un message. "Je crois qu'il comprendra encore mieux si ça vient de toi", glisse-t-il à l'oreille de Douillet. Alors le meilleur poids lourd de la planète remet au jeune Riner une ceinture... verte-orange.
Le professeur se justifie auprès de son disciple, vexé comme un pou : "Il ne tient qu'à toi de passer ceinture verte dans deux, trois ou six mois. Techniquement, tu le mérites. Mais niveau discipline, tu sors un peu trop du cadre, donc à un moment donné, c'est mon rôle de marquer le coup." Avec lui, même les sanctions se veulent bienveillantes. Lorsqu'il se remémore cette scène aujourd'hui, sa portée symbolique ne lui échappe pas avec une légende établie et une autre qui le deviendra, allant même jusqu'à le surpasser : "Il y a des rencontres qui font bizarre quand on revoit les photos..."
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David Douillet et Teddy Riner en 2008.

Crédit: Getty Images

Sportivement parlant, il le perce et le comprend : "Il me fixe des limites (c'est ce qu'il me faut) mais il m'aide aussi à m'approprier mon corps, à être à l'aise, à bouger, à rester fluide. Il a entre autres l'idée géniale de tirer parti de mes origines guadeloupéennes. 'Tu sais, le judo est une sorte de danse pour les costauds... alors bouge, petit ! Danse !' (...) Il me donne de très bons conseils mais surtout il me cerne et sait comment me faire aimer le judo. C'est un sport qui demande technique et discipline mais qui, me répète-t-il, permet de prendre beaucoup de plaisir. Et moi, je carbure au plaisir."
A la fin de la séance, il est venu me voir il m'a dit 'c'est le judo'
Mais à l'entrée dans l'adolescence, il n'a toujours pas choisi dans quelle discipline il doit s'ancrer. A 13 ans, il hésite encore parce que ses dons sont multiples. Structure de haut niveau pour le judo ? Détections pour tenter d'intégrer un centre de formation dans un club de foot ? Sélections en basket ? Un mercredi après-midi, Riner passe un test à la section basket de Levallois. Il tape dans l'œil. A l'issue de la séance, des membres du club lui confient être intéressés par son profil. Dans la foulée, il part à son entraînement de judo, raconte à ses potes l'hypothèse basket. Il est euphorique. Alain Perriot l'entend. Alors il va lui parler :
"Il est revenu souriant avec son grand-frère, ils y étaient allés tous les deux. 'On a fait du basket, l'entraîneur nous a dit que c'était génial, qu'on pourrait faire quelque chose'. Je lui ai dit 'Teddy, il faut que je te parle. Je ne te demande pas une réponse tout de suite : Quel que soit le sport que tu vas faire, quoi qu'il arrive, tu pourras performer'. Il avait 13 ans. Il était en devenir. 'Si tu choisis judo, je sais que tu peux faire quelque chose.'"
Là encore, un "tilt" dans sa tête. Teddy marche au déclic. Dans son autobiographie, il s'attarde sur cette journée et cet échange avec son entraîneur. "Je regrette, je voudrais pouvoir encore tout faire, mais je sais qu'il a raison. Et comme à chaque fois, j'ai besoin de me débarrasser du problème le plus vite possible. Donc je passe tout le cours à réfléchir, à peser le pour et le contre." "A la fin de la séance, il est venu me voir il m'a dit 'c'est le judo'", se souvient Alain Perriot.
Son choix s'est opéré sur deux critères. L'un tient à la nature de cette discipline, l'autre à son esprit. Riner veut être maître de A à Z de ses actes, ses victoires et ses échecs. Même s'il aime le partage et la vie de groupe, il est fait pour un sport individuel. Puis il aime l'essence même de son art martial. "Le code moral du judo, ce n'est pas du baratin, insiste-t-il. Ce sont des valeurs qu'on répète aux pupilles et qui deviennent un vrai accompagnement. Ma décision a été d'autant plus facile à prendre que je sais mes parents d'accord avec moi. Ils n'ont jamais fait de judo mais ils aiment son code moral qui est le même que le leur." C'est donc décidé. Ce sera le judo. Dans cinq ans, il sera champion du monde.
"A partir de là, reprend Perriot, il y a eu un effet boule de neige dans sa tête, de 'sériosité' (sic) qui a fait qu'il s'est mis dans la peau du performeur en judo. Après, il a su s'entourer. Ce n'est pas seulement une grosse machine physique, ce n'est pas un benêt. C'est une vraie tête sur un vrai corps d'athlète. C'est cette intelligence-là qui est importante. Il est fidèle. Il est aussi fort qu'il est intelligent."
Là encore, le professeur se tient beaucoup trop en retrait. Il a su s'entourer ? Oui. Ou plutôt, son entraîneur a su l'entourer. "Le Teddy, je l'ai emmené jusqu'aux Championnats de France cadets. Il fait champion de France cadet première année et les années suivantes, je l'ai confié à mon ami Serge Dyot, qui s'en est très bien occupé. Marie-Pierre et Moïse, les parents de Teddy, m'ont fait confiance sur cette collaboration qui débutait avec Serge. Je pense que c'était une très bonne chose pour lui." Son unique fierté se niche ici : "J'ai essayé de ne pas me tromper en le confiant à quelqu'un de compétent. C'est ce qui fait que Teddy me fait confiance encore aujourd'hui."
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Teddy Riner en compagnie de sa mère.

Crédit: Getty Images

Le jour où Teddy a terrassé Alain

De cette longue relation, Riner conserve en particulier un souvenir qui en dit long sur le respect qu'il voue à Alain Perriot. A l'entraînement, il combat régulièrement avec son coach, dès son plus jeune âge, avec le rêve, d'abord utopique puis réalisable, de le mettre au tapis. "Dès qu'il y avait les randoris (les combats), relate Teddy, j'allais toujours vers les meilleurs. Le meilleur c'était lui. J'en prenais, à gauche, à droite."
Puis un jour, il parvient à ses fins. Une forme de "consécration", au goût pourtant amer : "Vers l'âge de 12-13 ans, j'ai réussi à lui en mettre une. J'étais scotché. Je n'étais pas content, je ne savais plus quoi faire. Il me dit 'l'élève dépasse le maître'. Je lui ai répondu que je ne voulais plus le combattre et je n'ai plus jamais combattu avec lui. Il m'a dit 'Petit, c'est très bien. Maintenant, tu vas continuer et continuer à progresser'. Je me souviens de ce sentiment... Toute ma vie, je voulais le faire tomber mais j'étais gêné, honteux. Quand toute ta vie, tu cours après quelque chose, quand tu l'as, tu restes...". Il ne finit pas sa phrase. Alain Perriot est le seul judoka auquel Teddy Riner n'aura pas savouré de coller un ippon.
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Riner : "Le jour où j'ai fait chuter mon professeur, j'étais gêné, honteux"

Serge Dyot prendra donc le relais avant que Franck Chambilly ne devienne son entraîneur. Teddy Riner a 17 ans et a suivi son petit surhomme de chemin dans les catégories jeunes. Il est passé par le Pôle Espoirs de Rouen avant d'intégrer à 15 ans l'INSEP, la fabrique à champions du sport hexagonal. Une décision douloureuse pour ses parents, Marie-Pierre notamment. Selon son fils, elle était "rongée d'inquiétude, a perdu 10 kilos et souffrait d'insomnies durant tous ces mois". "Mettre son enfant à l'INSEP, c'est pas comme le déposer à l'école maternelle...", plaide-t-elle.
Papa Moïse est tiraillé lui aussi : "Est-ce qu'il ne serait pas préférable que tu restes une année de plus à Rouen ? Parce que si on dit oui à l'INSEP et que ça se passe mal... Mais si on dit non et que jamais... Il y a toujours un 'et que' qui me donne des frissons." Teddy est mineur, le dernier mot revient à ses parents. En dépit de leurs craintes, ils laisseront leur fils cadet rejoindre le bois de Vincennes. Ils n'auront pas à le regretter mais la séquence en dit long à la fois sur leur implication et leur volonté de privilégier le bien-être de leur enfant qui, à leurs yeux, passait au-dessus de tout. Il n'était pas question d'en faire un champion à tout prix. Ce devrait être une évidence, mais ça ne l'est pas toujours.

Riner-Chambily, un "vrai couple"

Quand Franck Chambily commence à s'occuper de lui peu en 2006 avant son 18e anniversaire, Riner est prêt à déferler sur la planète judo. Sacré champion d'Europe et du monde juniors cette même année, sa précocité frappe le milieu. Pour résumer sa construction, Riner dit qu'Alain Perriot lui a appris le judo, Rouen lui a insufflé la rage de vaincre et l'INSEP le courage. Mais le rôle de Chambily, à ses côtés depuis désormais 15 ans, presque une vie, n'en a pas moins été prépondérant.
Un vrai couple, "avec des hauts et des bas comme dans tout couple", selon le champion, qui reste à la fois reconnaissant et admiratif de son coach : "L'important, c'est qu'on se comprenne, qu'on avance, qu'on ait envie d'aller sur le même chemin, de réussir. Jusqu'au bout on est ensemble. Aujourd'hui, pour moi, c'est l'un des meilleurs entraîneurs du monde. Une histoire d'amour et de confiance."
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Rio 2016 : Teddy Riner à l'assaut de l'or dans l'Arena Carioca, suivi par son coach Franck Chambily.

Crédit: Imago

Franck Chambily, lui, souligne que par-delà les attributs physiques, la domination de son protégé tient d'abord à une volonté de dépassement assez peu commune. Et l'entraîneur de s'appuyer sur une anecdote remontant au tout début de leur collaboration pour étayer sa théorie :
"On était en stage au Japon quand il était jeune. Il y avait beaucoup de combats. Douze combats de sept minutes. On était ce qu'on appelle en tate et à la fin de l'exercice, l'entraineur japonais vient me voir : 'le tate est fini, maintenant on refait le même, on va refaire douze combats.' Pour nous, c'était beaucoup. Je ne voulais pas décevoir l'entraîneur japonais, je voulais être digne. Je vais voir les athlètes et je leur dis 'on ne va pas en faire douze, on va en faire six', parce que je savais que ce serait impossible.
Teddy m'avait entendu discuter avec le Japonais. Il me demande 'C'est quoi le programme ?' 'C'est douze'. 'Moi, je fais les douze'. C'est le seul qui avait enchaîné, qui était en capacité de faire les douze. Voilà comment il se projetait pour être champion. C'est une anecdote dont il m'a toujours parlé. Dans la façon de se transcender pour atteindre un objectif et se donner tous les moyens pour y parvenir."
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Riner : "Le best c'est le Japon, je peux avoir 30 ou 40 lourds pour m'entraîner"

Ensemble, ils gagneront tout. Deux titres et quatre médailles olympiques. Dix couronnes mondiales. Cinq européennes. Teddy Riner s'est construit le palmarès le plus phénoménal de l'histoire du judo. Il est devenu un des plus grands champions que la France ait connus, tous sports confondus. "50-50", assurait le géant en 2017 dans L'Equipe quand on l'interrogeait sur la part de Franck Chambily dans ses succès, avouant aussi que si son coach avait décidé de s'arrêter après les Jeux de Rio en 2016, il lui aurait emboîté le pas.
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Riner, l'homme de Rio 2016 : 2e titre olympique sur sa 98e victoire de suite !

J'en ai plein la bouche de Teddy
Tous ceux qui parlent de lui ont un même mot pour le définir : "Fidélité." C'est elle qui l'a poussé à se tourner vers son vieux complice Alain Perriot quand il a décidé de lancer l'Académie Teddy Riner. "Ça me fait plaisir d'être à ses côtés, qu'on soit encore amis, soudés, avoue 'Ted', comme l'appelle Perriot. Dès que je peux le placer quelque part, c'est un grand plaisir. Il m'a tout appris, je ne sais pas comment lui dire merci."
Lui confier les clés de son école, par exemple. Le geste a touché son destinataire. "Il m'a dit 'je ne pouvais pas le confier à quelqu'un d'autre que toi'. Ça, c'est un honneur pour moi, confirme son ancien formateur. Il m'a demandé en tant que 'petit prof', comme j'ai été son entraîneur, de m'en occuper. Il voulait simplement faire comme il aurait voulu qu'on fasse pour lui plus jeune."
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Teddy Riner vient de se prendre un ippon. Via son Académie, le contact avec les enfants et la transmission sont importantes pour lui.

Crédit: AFP

Quand Alain Perriot a rencontré Teddy Riner pour la première fois, ils avaient respectivement 25 et 6 ans. Ils ont tous les deux un quart de siècle bien tassé en plus sous le coude, mais du môme de la rue de Courcelles au super-champion au CV aussi imposant que lui, le professeur ne voit finalement guère de différences.
"J'en ai plein la bouche de Teddy, dit-il affectueusement. Je n'ai pas de reproche à lui faire. Il est sympa, c'est un électron libre. Pour moi, il n'a pas vraiment changé. C'est devenu un businessman, un chef d'entreprise, un homme accompli, mais c'est toujours le gamin dans sa tête. Quand on parle de notions de plaisir et d'amusement, c'est le premier à déconner avec les gamins à l'Académie. Il le fait très bien. Il partage, il a un vrai contact avec les enfants, une vraie disponibilité. J'aurais aimé avoir une icône à aduler comme ça quand j'étais enfant. Je suis très fier d'être dans son entourage."
"Il est chiant, il est casse-couilles, mais ça reste de la bonne humeur, c'est enfantin. Son côté un peu gamin revient en permanence, même à son âge mais c'est bon signe," rigole Franck Chambily. Peut-être parce que, comme l'a si souvent répété Riner, pour lui, "le judo est d'abord un jeu."
Un jeu d'enfant de par la facilité déconcertante de ses victoires au faîte de sa domination ? Peut-être. Mais l'expression est ici à prendre au pied de la lettre. Teddy Riner a commencé le judo enfant et ne s'est jamais départi de son regard de gamin. Un des secrets de sa longévité. Pour un peu, il pourrait aujourd'hui se guetter lui-même à la fenêtre de l'appartement familial. A lui seul, il est devenu les Bleus de 98.
. Avec les contributions de Géraldine Weber, Gérald Mathieu et Hadrien Hiault
. Mon Paris Olympique avec Teddy Riner, à voir mercredi 21 décembre à 18h sur Eurosport 2.
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Riner débarque dans Mon Paris Olympique

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