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MotoGP - Yamaha a triché : Pourquoi Quartararo, Viñales et Morbidelli n'ont pas été écartés du titre

Julien Pereira

Mis à jour 07/11/2020 à 09:32 GMT+1

GRAND PRIX D'EUROPE - Polémique au sein du paddock MotoGP. Sanctionné pour avoir enfreint le règlement, Yamaha est dans l'œil du cyclone. Bien que sanctionné, le constructeur a obtenu que ses pilotes échappent aux retraits de points. Et alors que Fabio Quartararo, Maverick Viñales et Franco Morbidelli sont toujours en lice pour le titre, le malaise s'installe.

Fabio Quartararo devant Franco Morbidelli (Yamaha Petronas SRT) lors des essais libres du Grand Prix de Styrie, le 21 août 2020

Crédit: Getty Images

Le champion du monde MotoGP 2020 n'a même pas encore été sacré que sa légitimité a déjà pris bon nombre de coups. Joan Mir (Suzuki), en tête du classement à trois épreuves du baisser de rideau, a déjà été blâmé pour être là où il est sans avoir remporté le moindre de Grand Prix et le sera à tout jamais si, par malheur, il ne parvenait pas à corriger cette anomalie à Cheste ou à Portimão. Fabio Quartararo, Maverick Viñales et Franco Morbidelli, tous tenus à 25 points ou moins de l'Espagnol, pourraient être qualifiés de tricheurs. Bien malgré eux.
Jeudi soir, Yamaha s'est vu retirer 50 points au championnat du monde des constructeurs. Son écurie d'usine en a perdu 20 et l'équipe satellite, le SRT, a été délestée de 37 unités. Toutes ces sanctions ont été prises après qu'une enquête des commissaires de la Fédération Internationale de Motocyclisme a révélé que le constructeur nippon avait enfreint le règlement lors du premier Grand Prix de la saison, à Jérez. Quartararo s'était imposé. Viñales s'était classé deuxième et Morbidelli, 5e. Les pilotes liés à la firme aux diapasons, eux, ont conservé leurs totaux de points.
Pour bien comprendre le nœud du problème, revenons sur quelques fondamentaux. Avant le lancement de la saison, chaque constructeur doit envoyer un échantillon de ses moteurs et des pièces qui les constituent afin que ceux-ci soient homologués par l'organisation. Ils sont ensuite scellés, conformément au règlement, dans le but de limiter le développement et les écarts entre les équipes.

Soupapes défectueuses

Sauf que Yamaha a détecté, très tôt, de graves problèmes au sein de ses blocs propulseurs. En cause : des soupapes défectueuses ayant considérablement affecté à la fois leurs performances et leur fiabilité, donc leur durée de vie. Or, chaque pilote peut utiliser un nombre maximum de cinq moteurs pour l'ensemble de cette saison, soit 14 Grands Prix. Rossi et Morbidelli avaient vu l'un de leurs moteurs partir en fumée après seulement deux courses. Viñales, lui, avait eu le même problème... dès la première séance d'essais de l'année.
Le box de l'Espagnol a donc usé le quota bien plus vite que prévu. Résultat : Yamaha a dû lui fournir un sixième bloc pour disputer le Grand Prix d'Europe, ce week-end. Il s'élancera alors depuis la voie des stands, comme le prévoit le règlement. Un moindre mal. Car avant d'en arriver là, le constructeur japonais avait décidé, à Jerez, de remplacer les soupapes défectueuses, quitte à enfreindre le règlement.
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Fabien Quartararo, vainqueur à Jerez

Crédit: Getty Images

Pour ne pas sortir du cadre, la firme nippone avait pourtant une autre option : solliciter la MSMA, l'association des constructeurs, afin d'obtenir auprès d'elle l'autorisation d'opérer des modifications. Le tout en mettant sur la table le motif de la sécurité, le seul valable pour avoir le droit de contourner le règlement.
Oui mais voilà, ce recours aurait donné à tous les constructeurs un droit de regard sur les secrets du moteur Yamaha. Ce qui, aux yeux du mastodonte japonais, constituait peut-être un risque bien plus inquiétant qu'une grosse poignée de points retirés aux championnats "Constructeurs" et "Équipes".

La couronne "Pilotes" vaut infiniment plus que les titres "Constructeurs" et "Equipes"

Voilà pourquoi il a accepté toutes les sanctions qui lui ont été infligées jeudi, prétextant une "mauvaise compréhension du règlement" et affirmant que les soupapes avaient été remplacées par d'autres, identiques, mais provenant… d'un autre fournisseur. Mais personne n'est dupe.
Ces championnats n'ont qu'un intérêt mineur à côté du titre "Pilotes". Yamaha, qui a largement profité des gigantesques accomplissements de Valentino Rossi pour étendre sa popularité à travers le monde et en dégager des bénéfices, est bien placé pour le savoir. Davide Brivio, qui avait été l'un des hommes à l'origine de l'arrivée de l'Italien dans le giron de la firme aux diapasons au début des années 2000, aussi.
Le dirigeant est aujourd'hui le patron de l'équipe d'usine Suzuki, dont le pilote Joan Mir est actuellement en tête du championnat du monde. Son point de vue est donc bien différent. "En MotoGP, les championnats 'Constructeurs' et 'Équipes' n'ont pas la même importance qu'en Formule 1 par exemple, a-t-il soufflé à la Gazzetta dello Sport. L'important est de jouer le titre 'Pilotes'. Et de le jouer sportivement."
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Fabio Quartararo (Yamaha Petronas SRT) et les deux pilotes Suzuki Joan Mir et Alex Rins sur le podium du Grand Prix de Catalogne, le 27 septembre 2020

Crédit: Getty Images

Lui, comme tous ses homologues des autres équipes, a "accepté" les sanctions infligées à Yamaha, alors que plusieurs recours étaient envisageables dans le but de pénaliser directement les pilotes. Bien qu'ils n'aient évidemment aucun lien direct avec les décisions prises par leur employeur, Quartararo ou Viñales ont directement bénéficié d'une grosse entorse au règlement. Au détriment des autres.
"Ce n'est pas la faute des pilotes, a souligné Paolo Ciabatti, le directeur sportif de Ducati, dans des propos rapportés par Motorsport.com. Mais ils ont quand même roulé avec des motos qui n'étaient pas conformes." À Jerez, le leader de la firme italienne Andrea Dovizioso s'était classé troisième derrière les "Yamaha Boys".

Les autres constructeurs prêts à dégainer ?

Suzuki, Ducati et consorts ont donc décidé de rester sages mais ce discours de façade peut cacher d'autres intérêts. Pour eux, aller jusqu'au terme de la saison est un enjeu économique important et alors que la menace du Covid-19 se fait de plus en plus étouffante, ajouter de l'agitation dans ce contexte aurait tout de la mauvaise idée. Mieux - ou pire, c'est selon - Yamaha leur a entrouvert une porte qu'ils pourraient bien être tentés d'enfoncer dans un avenir proche.
"Il s'agit maintenant d'un précédent qui peut être dangereux et discutable, a précisé Ciabatti sur Sky Sport. C'est un précédent qui entre dans le champ de l'interprétation et cela peut créer des problèmes à l'avenir." Comprenez : d'autres constructeurs ne se gêneront pas pour enfreindre le règlement de manière similaire. La boîte de Pandore est ouverte.
Les sous-entendus arriveront peut-être plus tard. "Il y a un risque que nous perdions le titre mais nous voulions le disputer de manière propre", a soufflé Brivio à Simon Patterson, journaliste de The Race. Si Yamaha gagne, il y aura une ombre sur le titre." Quartararo, Viñales et Morbidelli sont donc prévenus : s'ils parviennent à coiffer la couronne, ils devront s'attendre à faire face à une campagne de dévalorisation. Une de plus, alors que l'absence de Marc Marquez (Honda HRC) avait déjà remis en cause la légitimé du championnat.
Depuis son canapé, alors qu'il se remet encore d'une fracture de l'humérus, le champion du monde en titre ne s'est d'ailleurs pas gêné pour mettre de l'huile sur le feu : "Maintenant, il s'avère que les pilotes ne bénéficient pas des avantages mécaniques. Ça, c'est quelque chose !"
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