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Il était une fois les Jeux

Eurosport
ParEurosport

Publié 16/08/2008 à 05:00 GMT+2

Chaque jour, nous vous proposons de revivre une grande page de l'histoire des Jeux Olympiques. Vendredi, retour sur les sept médailles d'or de Mark Spitz en natation, en 1972 à Munich. Un triomphe qui puise sa source dans l'échec cuisant subi par le Calif

D'ici la fin de la semaine, Mark Spitz aura très vraisemblablement perdu son record. Il ne sera plus le sportif le plus titré dans une même édition des Jeux Olympiques. Michael Phelps, nageur et américain, comme lui, s'apprête à améliorer d'une unité la marque de sept médailles d'or établie par Spitz à Munich en 1972. Ce dernier, qui n'a jamais été autant interrogé à ce sujet par les journalistes qu'avant les JO de Pékin, assure s'accommoder sans problème de ce passage de témoin. Il n'y a aucune raison de ne pas le croire. Après tout, 36 ans, il y a prescription. Puis, Spitz a eu tout le loisir de capitaliser sur son record, ses médailles et sa tronche de star.
Car Phelps, s'il est peut-être le plus grand nageur de tous les temps, pourra bien décrocher tous les titres de la terre, il lui manquera toujours ces indéfinissables petit plus, qu'on appelle le charisme et le charme. Ils ont fait presque autant pour la gloire de l'Américain que ses sept breloques munichoises. Oui, Spitz, c'était ça. Une vraie gueule. Un regard noir et pénétrant. Cette moustache, aussi, évidemment, destinée à lui donner une contenance et derrière laquelle il dissimulait un système nerveux à fleur de peau et une timidité presque maladive. Homme de paradoxes, le Californien cultivait ses airs supérieurs et assénait ses déclarations tapageuses pour mieux masquer ses propres peurs.
Le retour du pestiféré
Lorsque débutent les Jeux de Munich, Mark Spitz est attendu au tournant comme jamais. Il agace beaucoup de monde, y compris dans le camp US. Quatre ans auparavant, à Mexico, il était, déjà, le plus fort. Il avait d'ailleurs parié à la télévision américaine qu'il remporterait, au moins, six médailles d'or, pour faire mieux que Schollander à Tokyo. Résultat: à l'exception de deux sacres en relais, Spitz avait dû se contenter de places d'honneur. Ou plutôt de déshonneur, pour lui. Du Mexique, Spitz avait ramené l'image troublée d'un personnage arrogant et mégalomane qui, facteur aggravant, n'était pas capable de mettre ses actes en accord avec ses paroles péremptoires. A cette époque, Spitz est devenu le pestiféré de la natation américaine. Moqué par la presse, jugé indésirable par son club de Santa Clara, il doit quitter la Californie pour aller s'entrainer dans l'Indiana, chez les Hoosiers. C'est là qu'il va mûrir sa revanche. La genèse du triomphe munichois se situe là. On ne peut appréhender l'incroyable machine à gagner de 1972 sans évoquer Mexico.
En apparence, il ne semble pourtant pas avoir retenu les leçons de ses échecs passés. S'il avait travaillé en silence pendant quatre ans, à son arrivée en RFA, il se montre plus présomptueux que jamais : "ici, je vais gagner sept médailles d'or, et rien ni personne ne pourra m'en empêcher". C'est dit. Il ne reste plus qu'à l'écrire et à l'accomplir. Quoi qu'en pensent ses détracteurs, Spitz a en réalité énormément changé. Son mental de cristal s'est mué en acier trempé. Cette fois, il est prêt à faire ce qu'il a dit. Surtout, il a bossé comme un forcené pour développer sa force motrice et sa puissance de bras. La razzia du moustachu débute le 28 août, dans la piscine olympique de Munich. L'édifice est disgracieux et sans âme, mais le bassin, lui, est ultra-rapide. En finale du 200m papillon, Spitz écrase la concurrence. Il bat le record du monde et laisse son compatriote Gary Hall à plus de deux secondes. Hall est pourtant un très grand champion, mais Spitz nage dans une autre dimension. Dès cette première course, chacun a compris que rien n'arrêterait la machine de Modesto. Le même jour, il ajoute le relais 4x100m à sa besace puis, le lendemain, le 200m nage libre. Trois jours, trois titres, trois records du monde.
"Je devais payer pour apprendre"
La suite sera du même acabit. Spitz remporte le 100m papillon, le 4x200m, le 100m nage libre et, enfin, le 4 septembre à 20h51, le 4x100m 4 nages. A l'issue du dernier relais, le public est debout et les coéquipiers de Spitz le portent en triomphe. A lui seul, il glane sur ces Jeux plus de médailles d'or que 97 pays réunis. Son triomphe est total, d'autant qu'il a assorti ses sept titres d'autant de records du monde. Il n'aura finalement connu que deux alertes, d'ordre extra-sportive: un début de grippe juste avant le début des Jeux et surtout, la veille des séries du 100m, Spitz s'offre une petite virée tout ce qu'il y a de plus sage et fait un tour d'auto-tamponneuse. Suite à un choc assez rude, il en sort avec un hématome aux reins. Emoi au sein de la délégation américaine. Son forfait est un instant envisagé. Finalement, il n'y aura pas de conséquence. L'Américain se montrera simplement prudent en séries et en demi-finales, le temps que la douleur s'estompe. Cette anecdote prouve une chose : à Munich, seul Spitz pouvait inquiéter Spitz. Mais il avait vaincu ses démons.
A 22 ans, Mark Spitz annonce sa retraite. Au cours de la conférence de presse qui suit son ultime victoire, il revient sur son parcours, avec une certaine dose d'humilité. "Ma carrière s'arrête ici. C'est parce que j'ai échoué à Mexico que rien ne pouvait m'arriver ici. Il y a quatre ans, je n'étais qu'un gamin, j'avais 18 ans. Je devais payer pour apprendre." Le public et les médias américains, qui lui étaient tombés dessus quatre ans plus tôt, le célèbrent en grande pompe. Les publicitaires font le pied de grue pour lui proposer des contrats dorés. Une grande marque lui offre deux millions de dollars pour raser sa moustache en direct à la télévision. Spitz a le sens des affaires. A Munich, il avait d'ailleurs provoqué un petit scandale lors d'une cérémonie protocolaire, en brandissant une chaussure de son sponsor sur le podium. Le CIO ne donnera pas suite à cette publicité sauvage. Mais les marques, elles, ont compris que le septuple champion olympique de Munich était un bon client. Il saura jouer de son image pour gérer sa notoriété et sa fortune. Spitz avait tous les talents.
MARK SPITZ EN 5 DATES
. 1950 : Naissance à Sacramento. Spitz passe ensuite son enfance à Honolulu. Dès son plus jeune âge, il montre des aptitudes exceptionnelles en natation. A 12 ans, il intègre le club de Santa Clara. Le début d'une folle ascension.
. 1967 : Mark Spitz n'a que 17 ans et il s'octroie déjà pas moins de trois records du monde et cinq titres lors des Jeux Panaméricains de Winnipeg, au Canada. Un phénomène est né. Il est attendu comme la grande des Jeux de Mexico.
. 1968 : Au Mexique, Spitz reste loin de ses objectifs. Il remporte deux relais avec les Etats-Unis (4x100 et 4x200m) mais se contente de deux accessits en individuel : l'argent sur 100m papillon et le bronze sur 100m nage libre.
. 1972 : Mark Spitz devient le premier athlète à remporter sept médailles d'or dans une même Olympiade. Il égale par ailleurs Nurmi et Latynina avec neuf médailles d'or sur l'ensemble de sa carrière. Spitz obtient son dernier titre le 4 septembre au soir. Il se couche des rêves plein la tête mais dans la nuit, un commando terroriste palestinien prend en otage des athlètes israéliens. Spitz, de confession juive, est dès pris en charge par le FBI et rapatrié d'urgence aux Etats-Unis.
. 1992 : A 42 ans, après une carrière avortée d'acteur, il tente un incroyable pari en reprenant la compétition avec pour objectif les Jeux de Barcelone. Un échec, même s'il réalisera des temps équivalents à ceux de sa jeunesse.
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