L’antisèche de France - Irlande : Satanée gueule de bois

Il y a un an, à Dublin, le XV de France avait été très joueur et cela lui avait coûté cher (32-19). Ce vendredi, Fabien Galthié avait opté pour une tactique radicalement différente, axée sur la dépossession et le combat. Très vite, celui-ci est cependant apparu déséquilibré. Sevrés de ballon par une équipe qui n’aime rien davantage que le faire circuler, les Bleus ont beaucoup subi. Trop, même. Les incessantes vagues irlandaises ont fait de sérieux dégâts dans la défense tricolore, qui a cédé à cinq reprises, dont deux fois avant l’expulsion de Paul Willemse (voir plus bas).

Au cœur de la tempête, les partenaires de Grégory Alldritt ont certes pu compter sur la solidité de leur mêlée - rare point de satisfaction - pour obtenir des pénalités. Les deux essais inscrits, l’un en première main, l’autre au près, ont en outre permis de constater que les Tricolores étaient eux aussi capables de faire mal quand ils en avaient la possibilité. Mais il leur a manqué beaucoup trop de choses, à l’image d’une touche défaillante, de lancements de jeu hasardeux ou d’une fébrilité préoccupante sur les ballons hauts pour espérer mieux.

Surclassés par l'Irlande, les Bleus le doivent entre autres à l'exclusion de Paul Willemse en première période. Mais ce match d'ouverture du Tournoi des 6 Nations a été plus globalement raté par les joueurs de Fabien Galthié. Maxime Lucu et Jonathan Danty ont été particulièrement en difficulté, alors que la première ligne a surnagé.

Côté irlandais, il convient de souligner la grosse prestation de Joe McCarthy, impérial en touche. La paire de centres Bundee Aki-Robbie Henshaw a été très percutante et souvent inspirée dans ses passes, tandis que Jack Crowley, le successeur de Johnny Sexton à l’ouverture, a rendu une copie suffisamment convaincante pour ne pas être ternie par la pénalité “facile” qu’il a loupée.

À la 53e minute, Paul Gabrillagues aplatit dans l’en-but et comme Peter O’Mahony écope d’un jaune dans la foulée, on se dit que la France, revenue à sept points de l’Irlande, peut croire fermement en un renversement de situation. Le problème, c’est que les hommes en vert, au métier, réussissent à casser la dynamique tricolore et à remettre la main sur le cuir.

Sur un ballon haut, Damian Penaud se troue, puis concède une pénalité. Au lieu de prendre les points, Crowley choisit d’aller en touche et, sur l’action qui suit, Dan Sheehan inscrit le quatrième essai des siens. Un essai synonyme de bonus offensif pour les visiteurs et de coup de grâce pour les locaux.

On se demande bien ce qui lui a pris. Dès la septième minute, Paul Willemse avait écopé d’un carton jaune “orangé” après avoir percuté la tête d’Andrew Porter. Le Montpelliérain a frôlé la correctionnelle, mais cela ne l’a pas empêché de récidiver à la demi-heure de jeu, avec un plaquage haut sur Caelan Doris. À quinze contre quinze, la mission de la France paraissait déjà compliquée. À quatorze contre quinze, elle est devenue quasiment impossible.

Comme le nombre de points d’écart entre la France et l’Irlande à l’issue de ce match. Il s’agit tout simplement de la plus large victoire jamais décrochée par le XV du Trèfle dans l’Hexagone.

D’une conférence de presse à l’autre, la question continue d’être posée, et les joueurs de l’équipe de France y répondent peu ou prou de la même manière : le Mondial, c’est de l’histoire ancienne. Il y a trois mois et demi, les Bleus étaient sortis par l’Afrique du Sud en quart de la Coupe du monde, pour un malheureux point (28-29). Depuis, ils assurent donc être passés à autre chose et avoir mis le cap vers d’autres objectifs. À commencer par le Tournoi 2024, ouvert ce vendredi contre l’Irlande.

Cette prestation inaugurale, justement, laisse penser que la page automnale n’a pas encore été totalement tournée. Gaël Fickou et ses coéquipiers ont été submergés comme jamais ils ne l’avaient été sous l’ère Fabien Galthié, et leur première demi-heure a peut-être même été la pire depuis 2019 et l’arrivée de l’ancien Columérin en tant que sélectionneur. Bien plus empruntés et hésitants qu’à l’accoutumée, les Français ont eu mal fou à sortir la tête de l’eau. Ils y sont parvenus, en seconde période surtout. Sans toutefois retrouver les ingrédients qui avaient fait de cette formation une redoutable machine à gagner.

Ce constat bien noir mérite toutefois d’être nuancé. Car les vainqueurs du 6 Nations 2022 évoluaient sans plusieurs de leurs éléments majeurs, à commencer bien sûr par Antoine Dupont. On notera aussi que malgré les longues minutes passées en infériorité numérique, ils n’ont pas complètement perdu pied et ont même fait souffler, en seconde période, un vent de révolte qui a réveillé le Vélodrome. En définitive, il ne faudra pas s’arrêter trop longtemps sur ce revers, et espérer que le XV de France retrouve bientôt le chemin de la victoire. Pour, enfin, lancer l’écriture de son nouveau chapitre.