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La question de la semaine - Un triple doublé : pourquoi la France domine l'Europe ?

Charles Fandre

Mis à jour 22/05/2023 à 20:09 GMT+2

Encore un doublé pour l'Hexagone. La victoire du Stade Rochelais face au Leinster (26(27) en finale de Champions Cup, ce dimanche à Dublin, marque une troisième année où les deux coupes d’Europe - depuis peu assorties d'équipes sud-africaines - sont remportées par des clubs français, Toulon ayant gagné la Challenge Cup. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette domination "continentale" totale.

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Que les amateurs de football qui regrettent de voir les mêmes équipes s’imposer années après années en coupe d’Europe ne viennent pas s’intéresser au rugby, en espérant plus de variété. Cela fait trois ans que les clubs français imposent leur hégémonie dans les deux compétitions continentales - dont ce statut est devenu discutable, avec l'arrivée d'équipes sud-africaines : en Champions Cup, La Rochelle est double champion en titre après une finale 2021 perdue contre le Stade Toulousain, alors que la Challenge Cup a vu Montpellier, Lyon puis Toulon soulever le trophée. Une statistique qui reflète la bonne santé du championnat français.
Les performances des clubs français en coupe d’Europe peuvent d’abord être expliquées par la qualité du Top 14, sans doute le championnat le plus relevé du Vieux Continent. Le Stade Rochelais a beau avoir gagné deux fois la Champions Cup, il n’a toujours pas soulevé le Brennus. La phase régulière permet de disputer 26 matchs de haut niveau semaine après semaine - quelques impasses étant cependant au programme -, avant une phase finale réunissant les meilleures formations. Rien de mieux pour s’habituer et se préparer à l’intensité des matchs à élimination directe des compétitions européennes.
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Top 14 relevé et Anglais exsangues

En face, les compétitions locales des autres pays font pâle figure. Foudroyants lors de leur demi-finale face au Stade Toulousain, les Irlandais du Leinster sont apparus bien moins conquérants lors de leur finale face aux Maritimes, dimanche à Dublin (26-27), malgré leur début de match. Comme s’ils n’étaient plus habitués à enchaîner des performances de très haut niveau. L’United Rugby Championship compte bien quelques têtes d’affiche, mais l’écart entre certaines formations se fait sentir.
Le Leinster, leader au classement, ne compte qu’une défaite et un nul pour seize victoires. A titre de comparaison, le Stade Toulousain occupe la tête du Top 14 depuis plusieurs semaines après une phase régulière admirable, et a perdu…huit fois. La dernière défaite en date a eu lieu sur la pelouse de Perpignan, 13e au classement. Une surprise, mais pas du tout comparable à celle que constituerait une défaite du Leinster face à l'avant-dernier de son championnat.
Si l’United Rugby Championship connaît une disparité de niveau, il offre au moins une certaine stabilité. Ce qui n’est plus le cas du championnat anglais. Alors que les clubs de Premiership ont longtemps été dans la course aux titres européens - les sacres en Champions Cup des Saracens en 2016, 2017 et 2019 en témoignent -, la situation a bien changé. En cause, une crise économique post-Brexit et post-Covid gravissime, avec des actionnaires moins disposés à rééquilibrer les comptes qu’en France, et un État moins enclin à fournir des aides. Placés en redressement judiciaire fin 2022, les Wasps (double champions d’Europe) ont été relégués.
Les Worcester Warriors ont été placés en liquidation et suspendus pour la fin de l’exercice 2022-2023. Les Harlequins et les London Irish, deux clubs à la santé financière délicate, semblent partis dans la même direction. Au total, les clubs de rugby anglais présentent une dette cumulée de plus de 500 millions de livres, selon le Daily Mail.
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L'attractivité du championnat

La situation du Top 14 lui permet d’attirer les meilleurs joueurs de la planète. On a souvent entendu parler de Montpellier comme une équipe d’internationaux Sud-Africains. Les Toulonnais peuvent compter sur une ligne arrière redoutable et estampillée hémisphère sud, qui leur a permis d’être sacrés en Challenge Cup après avoir survolé leur finale face à Glasgow.
Cette attractivité offre aux meilleurs clubs français la possibilité de se renforcer, année après année. Et de disposer à chaque match non pas de 15 mais de 22 joueurs performants, capables de faire des différences. Ce qui s’est vu lors de la finale entre les Rochelais et le Leinster. Arrivé cette saison chez les Maritimes, l’ouvreur Antoine Hastoy a réalisé une finale de grande qualité, lui qui a aussi fini meilleur réalisateur de la compétition. Et les entrants choisis par Ronan O'Gara ont joué un grand rôle dans la révolte de La Rochelle en seconde période.
L’autre chance des clubs français est de pouvoir s’appuyer sur un vivier très important de joueurs, qui leur permet de renouveler leur effectif grâce aux centres de formation - même si jongler entre "JIFF" et recrutement clinquant n'est pas toujours évident, le RCT l'a récemment illustré.
Le Stade Toulousain en est l’exemple le plus marquant. Romain Ntamack, Thomas Ramos, Matthis Lebel…62% des joueurs formés au club deviennent professionnels, dont un tiers sous le maillot rouge et noir. Mais la capacité à sortir des joueurs prometteurs n’est pas l’apanage des clubs de premier plan.
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Formation et dynamique du XV de France

En quelques années, un club de Pro D2 comme le FCG a formé des joueurs tels qu'Ange Capuozzo, futur grand de la Squadra Azzurra recruté par Toulouse, ou Kylian Geraci, jeune deuxième-ligne appelé plusieurs fois dans le groupe France et recruté par le LOU. Preuve que les structures du Top 14 ont conscience de la mine d’or dont elles disposent, et qu’elles savent l’exploiter. Ce savant mélange entre jeunes joueurs locaux, joueurs locaux mais confirmés et joueurs recrutés à l’international semble l’apanage des clubs français.
Là où les meilleures équipes étrangères, comme le Leinster en Irlande, ont parfois des airs de sélection bis. Ce qui peut faire leur force, avec un style de jeu très marqué et des joueurs qui se connaissent bien, mais qui les expose au risque de la fin de cycle : le Munster, avec ses cadres vieillissants, en fait les frais ces dernières saisons.
En définitive, les clubs du Top14 bénéficient d’une part d’un championnat attractif et d’une bonne santé financière, qui leur permettent d’attirer et de conserver les meilleurs joueurs au monde. D’autre part, de nombreux jeunes performants, capables de prendre la place des internationaux en sélection ou des cadres ayant plié bagage. Tout cela pourrait avoir d’autres conséquences bénéfiques pour le rugby français que la domination européenne de ses clubs. La place accordée aux jeunes joueurs en Top 14 a mis en lumière l’immense richesse du vivier français.
Un vivier dont le sélectionneur du XV de France s’est saisi, lui qui a fait appel à 79 joueurs différents au cours de son mandat. Alors que les résultats du XV de France sont en net progrès depuis plusieurs années et que la coupe du monde 2023 approche à domicile (8 septembre-28 octobre), la forme des clubs tricolores en coupes d’Europe semble de bon augure. Reste à voir si le rugby français pourra s’appuyer sur ces succès européens afin d'obtenir, pour la première fois, un sacre mondial.
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