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Leucémie, Mondial avec l'Australie, retour aux sources avec les Samoa : les mille vies rugby de Christian Leali'ifano

Loris Belin

Mis à jour 16/09/2023 à 13:24 GMT+2

Aligné d'entrée samedi contre le Chili, Christian Leali'ifano retrouve la Coupe du monde dans un nouveau costume. Le demi d'ouverture titulaire dans la charnière de l'Australie en 2019 porte désormais les couleurs des Samoa, un épisode de plus d'une carrière digne d'un feuilleton. Porter sa nouvelle sélection au plus haut en serait un nouvel épisode, à 35 ans.

Christian Leali'ifano s'apprête à disûter sa deuxième Coupe du monde de rugby, la première avec les Samoa

Crédit: Getty Images

Une apostrophe en plus et une nouvelle tunique, c'est en homme nouveau que Christian Leali'ifano foulera samedi la pelouse du Matmut Atlantique. L'ouvreur va disputer son premier match avec les Samoa en Coupe du monde, à 35 ans. Il sera pourtant bien un des Samoans les plus expérimentés contre le Chili pour leur entrée en lice. Car Leali'ifano en a vu d'autres dans la vie comme dans le rugby. Le voilà parmi les capitaines de route des Manu Samoa quatre ans après avoir visé le titre avec l'Australie.

Une affaire de famille

Il ne portait pas alors un patronyme divisé en deux. Mais son parcours que même un scénariste pourrait craindre de paraître trop gros était déjà riche en histoires. Christian Leali'ifano aurait pu tomber dans l'ovalie en Nouvelle-Zélande, sa terre natale. Un déménagement à Melbourne autour de ses six ans en a décidé autrement. Celui que ses coéquipiers aiment surnommer "Bruz" devient un Aussie de cœur, une deuxième famille créé suite au choix de sa première, et de ses parents qui souhaitaient offrir une meilleure vie à leurs sept enfants. Cette même famille qui l'a poussé à devenir international australien, quand le rugby passait au second plan.
En 2006, le jeune homme voit son père mourir d'un cancer juste avant de disputer la Coupe du monde des - de 19 ans. Convaincu par ses proches d'aller disputer la compétition avec les bébés Wallabies plutôt que de pleurer la disparition d'un de ses modèles, il finira par remporter le Mondial. "Cela a défini ma carrière d'être capable de prendre part à ce tournoi, narrait-il dans une vidéo du club d'Ulster. Quand j'en suis revenu, j'ai obtenu un contrat avec Brumbies. Si je n'étais pas allé au Mondial, est-ce que j'aurais toujours été à Melbourne alors, ou à essayer de trouver du boulot ou à aller à l'université ? Je crois que j'étais comme destiné à aller à cette compétition, jouer et être bon pour obtenir un contrat."
Le sillon de sa carrière est tortueux, mais il est tracé. Cadre de la franchise de Canberra pendant plus d'une décennie, il s'impose petit à petit comme un candidat pour découvrir la sélection australienne. Sa polyvalence comme demi d'ouverture ou au centre lui en ouvre les portes en 2013, pour une série de test-match. Le premier, pourtant débuté comme titulaire, dure à peine plus d'une minute. En voulant plaquer le joueur des Lions britanniques Jonathan Davies, il subit une commotion et doit être évacué. Comme si son parcours ne devait s'écrire que dans la douleur. Cette première cape écourtée ne sera rien à côté du choc qui l'attendait trois ans plus tard.

De l'hôpital au Mondial en trois ans

Durant l'été 2016, Christian Leali'ifano se sent anormalement à la ramasse en préparation de la nouvelle saison. Epuisé, on lui explique que rien n'est plus normal, lui qui vient juste de devenir papa, son lot de nuits blanches avec. Il souffre en réalité d'une leucémie et doit débuter au plus vite une chimiothérapie. On lui greffe de la moelle osseuse pour espérer accélérer sa guérison. La rémission est une réussite absolue. Au point qu'il refoule les pelouses du Super rugby à la fin de la saison, avant un prêt comme remise en forme avec l'Ulster.
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Victor Vito (La Rochelle) & Christian Lealiifano (Ulster)

Crédit: Icon Sport

Sa course contre-la-montre vire au sprint vers son meilleur niveau. "Je pense que jouer la Coupe du monde a toujours été dans un coin de sa tête, il n'y a aucun doute là-dessus" avançait Dan McKellar, coach de son ancienne formation des Brumbies, à Fox Sports Australia. Au point qu'il avait déjà envisagé de quitter l'Australie pour disputer les World Series de rugby à 7 dans l'espoir de pouvoir être retenu avec les Samoans pour la Coupe du monde au Japon. Il n'en a pas eu besoin. Revenu à un très bon niveau, c'est dans la peau d'un Wallaby et comme titulaire dans le XV australien qu'il avait pris part à l'édition 2019. Meilleur marqueur australien de la compétition, il n'avait pu éviter la sortie de route prématurée des siens, balayés en quarts de finale par l'Angleterre.

Un changement de règlement pour mieux retrouver ses racines

L'Australie tente péniblement depuis de se réinventer, sans son ancien numéro dix aux 26 sélections. L'occasion était donnée à Christian Leali'ifano d'écrire un nouveau chapitre, un de plus. Un nouveau règlement de World Rugby en 2022 a ouvert la voie aux changements de crèmerie nationale si un parent ou grand-parent a des origines d'un autre pays que le sien. Et à Leali'ifano de renouer avec les Samoa, terre de ces ancêtres qui l'avait un temps titillé. Lui qui arbore "Papa" et "Maman" inscrits au marqueur sur ses bandages au poignet à chaque match est devenu la fierté des îles pacifiques en étant leur premier joueur à atteindre la barre des mille points en Super Rugby, le 7 mai 2022.
Et c'est avec les Manu Samoa, favoris logiques samedi contre les modestes Chiliens, qu'il va désormais s'attaquer à un nouveau défi : sortir sa nouvelle formation des poules pour la première fois depuis l'édition 1999. "Il est tellement altruiste, il prend toujours les décisions qui sont dans l'intérêt des autres, et c'est ce qui fait qu'il est une personne spéciale" décrivait Dan McKellar. Un homme hors du commun à l'histoire aussi riche qu'inachevée, quoi de mieux pour entrer dans la légende des siens en Coupe du monde ?
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