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Amiez, Steven par 'Bastoune' : "Ce que je lui souhaite, c'est qu'il dépasse papa"

Vincent Bregevin

Mis à jour 11/02/2024 à 09:00 GMT+1

Steven Amiez confirme son éclosion course après course cette année. Pour le plus grand bonheur de Sébastien, son champion de père. Surnommé Bastoune, le médaillé d'argent des Jeux Olympiques de Salt Lake City a retracé le parcours de son fils et voit en lui le potentiel d'un vainqueur en Coupe du monde. Et si le fiston devait devenir plus grand que son papa, cela ne lui déplairait vraiment pas.

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Il en a parlé pendant une bonne heure. Un bonheur. Quand il s'agit d'évoquer Steven, Sébastien Amiez est comme un livre ouvert. Il se souvient de tout. 'Bastoune' a le regard du papa et celui du champion pour raconter l'histoire du fiston. Il la vit toujours plus passionnément à l'heure où elle prend une nouvelle dimension. Steven enchaîne les performances en Coupe du monde. Sur les cinq courses disputées depuis le début de l'année avant l'étape de Bansko, il a terminé 11e à Adelboden puis à Wengen, 6e à Kitzbühel, 18e à Schladming et 9e à Chamonix.
La montée en puissance est évidente. Sébastien n'a rien oublié du parcours de son fils pour en arriver là. Les premiers pas sur des skis, quand sa femme Béatrice (Filliol, double championne de France de slalom, NDLR) tirait le bambin à peine âgé de deux ans sur les pistes au bout d'une sangle. Les premières courses d'école, du canton, du département, de la région. La première blessure aux ligaments croisés, très précoce, à seulement 13 ans. La première opération deux ans plus tard, les périodes d'immobilisation, de rééducation, et tout ce que cela implique pour un adolescent. "Sa vie de jeune sportif de haut niveau s'est construite sur ces moments de patience", analyse son père.
Le papa sait de quoi il parle. Vainqueur du globe du slalom en 1996, vice-champion du monde à Sestrières en 1997, vice-champion olympique à Salt-Lake City en 2002, Sébastien Amiez connaît les sacrifices d'une carrière de sportif de haut niveau. Et tous les risques qui font partie intégrante du ski, un sport qu'il considère "comme l'un des plus dangereux au monde." C'est une chose de les assumer soi-même. C'en est une autre de voir son fils emprunter un chemin similaire qui l'exposera de la même manière. "Si tu commences à y penser, il faut arrêter et faire autre chose, explique 'Bastoune'. Sinon les pensées ne sont plus opérationnelles pour faire ce qu'on doit faire."

"Je ne me reconnais pas dans son caractère"

Occulter la peur pour la santé de son enfant, ce n'est jamais évident. 'Bastoune' n'a pas vraiment eu le choix. Steven n'a jamais envisagé autre chose que le ski. Comme papa et maman, il s'est rapidement tourné vers le slalom. Ce qui avait déjà un côté "rassurant" pour eux. "Il ne fait plus de la descente, on est un peu plus tranquille, reconnaît son père. Ce n'est pas le même risque, ce n'est pas le même genre de blessure. C'est sûr que quand t'es la maman de Kilde ou Pinturault, que tu les vois prendre des boîtes comme ça… Tu vis des moments difficiles, quand tu es proche, que tu as un lien de parenté, c'est très dur à vivre. Mais c'est la vie, on ne peut pas imposer, décider pour ses enfants. C'est eux qui décident de leur vie. Donc c'est ça qui est beau aussi."
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Même s'il y a toujours quelques coups de chaud pour le papa d'un skieur de haut niveau. "Fin juin, il est parti aux urgences avec une myocardite aigue, raconte 'Bastoune'. Cela peut avoir des conséquences lourdes. Ça peut être bénin ou très grave, jusqu'à la mort. Là, c'est la première fois qu'on a eu très, très peur. Quand tu te lèves à 6h30 du matin et que tu vois le message 'je suis parti aux urgences'…. Nous on dormait tranquillement, donc tu culpabilises de ne pas avoir entendu le téléphone… Et il y a plein de scénarios qui se mettent dans ta tête. Là on a tous flippé un petit peu. Mais c'est une vieille histoire, là c'est bon, et puis ça le renforce un peu plus dans sa tête."
Et la tête est bien là. Même si elle n'est pas faite exactement du même bois que celle de son père. "Je ne me reconnais pas en lui dans son caractère, estime 'Bastoune'. Les mauvaises langues diront que j'ai un caractère de cochon. Mais je suis comme ça, né comme ça, et je remercie papa et maman de m'avoir fait comme ça aussi. Sinon je me serais laissé marcher dessus et je n'aurais pas fait ce que j'ai fait. Et j'étais déterminé pour le faire. Je ne luis transmets pas ça, je n'essaie pas de lui transmettre ça. Lui, c'est une tête de mule, mais qui ne le montre pas comme moi je pouvais le montrer, ou comme sa mère pouvait le montrer aussi."

"On arrête de se regarder le nombril"

Mais si Steven en est arrivé là, à 25 ans, c'est aussi grâce à ce mental. Celui qui lui a permis de s'accrocher, de combler son retard après les blessures pour donner corps à sa volonté de devenir skieur de haut niveau. Et quand la tête répond un peu moins bien, la famille est là pour le soutenir. Comme à Madonna di Campiglio, où il n'était pas parvenu à se qualifier après un échec à Görgl pour démarrer cette saison de Coupe du monde. "Je l'ai piqué un peu au vif, confie 'Bastoune'. C'est lui le premier déçu, mais nous sommes ses premiers fans, avec Béatrice et Stella (sa sœur, NDLR), on est derrière lui. On a connu ça, ces moments-là et on a ces mots-là, qu'on peut lui dire à chaud. Les premiers mots, c'est 'on arrête de se regarder le nombril'."
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Message reçu. Depuis, Steven s'est libéré et montre de quoi il est capable au plus haut niveau. Car il a le potentiel pour faire de grandes choses. "Il a le ski pour gagner en Coupe du monde, assure son père. La valeur du ski, il l'a montré à Kitzbühel, il allume du vert sur les dix premières portes. Il sait accélérer plus vite que les autres. Maintenant faut le faire de haut en bas, de la première à la dernière porte et sur deux manches. Mon rêve c'est qu'il gagne en Coupe du monde. Techniquement, il a toutes les choses pour gagner. Maintenant, il faut la condition de course, l'audace ce jour-là."
L'impression que ce jour viendra se fait toujours un peu plus nette à chaque course. "Je pense que ça peut arriver avant la fin de la saison, prédit 'Bastoune'. La victoire, peut-être pas, mais le podium ne sera pas loin. Techniquement, il peut progresser sur des petits détails, sa position sur les skis, l'adaptation au terrain… mais s'il y a un tracé qui convient il ne sera pas loin de la vérité. Et ce n'est pas moi qui le dit, c'est un champion olympique (Clément Noël, NDLR) qui s'entraîne tous les jours avec lui, et qui dit 'quand je me fais battre par Steven, je n'ai pas honte'. Mais pour l'instant, il ne l'a pas battu en course, juste sur des manches."

"Profites-en, balance !"

C'est tout ce qui lui manque pour franchir cette étape déterminante et prendre une nouvelle dimension." Quand il est dans cet état de forme, sans douleur, avec la faculté de s'éclater, je lui dis 'profites-en, balance !', explique 'Bastoune'. Je lui rappelle ce qu'il a eu en juin, on aurait pu lui dire qu'il ne pouvait plus faire de sport de haut niveau, qu'on ne lui signerait plus sa licence pour être skieur de haut niveau avec sa myocardite qui aurait pu empirer. Donc je lui dis de mettre tout ça de côté, de s'éclater, de faire ce qu'il a à faire. C'est un gros mois de janvier. Mais le plus dur commence. J'espère qu'il ira le plus loin possible parce qu'il a les cartes en main pour le faire."
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Quitte à voir le fils devenir plus grand que son père ? "Ce serait une grande fierté, reconnaît 'Bastoune'. Aujourd'hui j'ai cette chance de vivre ce que j'ai connu, quand je faisais vivre ça à mes parents, à ma femme, à mes proches… A mes enfants, qui me regardaient à la télé. Aujourd'hui je revis ça sur un canapé, ou sur place parfois. C'est tout ce que je lui souhaite, qu'il dépasse papa. J'ai été un grand champion, mais pas un très grand champion. Les très grands champions, ce sont les Odermatt, les Tomba, les Pinturault, Alphand… Moi je n'ai gagné qu'une Coupe du monde, j'ai fait dix podiums, je suis vice-champion olympique, mais je n'ai gagné qu'une course. J'avais le ski pour en gagner d'autres mais je n'en ai gagné qu'une."
Steven attend encore sa première victoire, et même son premier podium. Mais ce qui ressort de son début d'année, c'est surtout qu'il a tout pour tracer son destin. Son talent sur les skis. L'abnégation qui transpire de son parcours. Et cette fraîcheur, parfois bluffante même pour ceux qui le connaissent tant. Comme à Kitzbühel. "Il m'a impressionné sur sa lucidité entre les deux manches, reconnaissait 'Bastoune'. Quand tu le connais, tu le vois sur son visage, c'est un athlète libéré, qui va tenter des choses, qui va aller au bout de lui-même." Pour écrire la suite de cette belle histoire de famille dont son père ne manquera pas une miette.
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