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Ashleigh Barty et la peur du vide : pourquoi l'Aussie va beaucoup manquer au tennis féminin

Maxime Battistella

Publié 24/03/2022 à 00:01 GMT+1

L'annonce soudaine de la retraite d'Ashleigh Barty mercredi a laissé le circuit WTA abasourdi. Privé de sa numéro 1 mondiale, le tennis féminin perd celle qui s'était imposée par sa stabilité au plus haut niveau comme la nouvelle référence depuis Serena Williams. Techniquement et par son humilité, elle avait replacé le jeu au premier rang des analyses et enthousiasmé les passionnés.

Avant Barty, ces joueurs et joueuses qui ont décidé de tout plaquer au sommet

Elle a fait dans l'inédit. Jamais dans l'ère Open un (ou une) numéro 1 mondial(e), qui restait qui plus est sur un titre en Grand Chelem, n'avait tiré sa révérence dans la foulée. Même pas Björn Borg qui avait annoncé sa retraite à un âge similaire, mais qui déclinait légèrement depuis fin 1981. A seulement 25 ans et alors qu'elle était au sommet de sa carrière, Ashleigh Barty a dit stop à la surprise (quasi) générale. Un choix radical qui n'a laissé personne indifférent dans la planète tennis et surtout pas ses collègues et rivales qui ont multiplié les tweets-hommages. Une manière de mesurer le grand vide que laisse l'Australienne derrière elle.
De Simona Halep à Karolina Pliskova en passant par Elina Svitolina ou même Andy Murray, ils ont tous réagi avec une émotion non feinte. Car Barty faisait l'unanimité dans un sport où pourtant la compétitivité et l'individualisme sont féroces. La perte en est d'autant plus grande pour la WTA qui avait beaucoup souffert à la fin des années 2010 d'une phase de transition post-règne de Serena Williams. Sans se mettre en avant mais par ses résultats et son sourire souvent rayonnant, "Ash" était devenu le nouveau visage du tennis féminin, la patronne que ce dernier recherchait désespérément.

La WTA avait enfin trouvé sa nouvelle "patronne"

Les faits sont incontestables : depuis le 9 septembre 2019, Barty s'était ainsi installée sans discontinuer à la place de numéro 1 mondiale, et ce malgré son absence pendant la majeure partie de l'exercice 2020 en raison de la pandémie de Covid (grâce certes au gel du classement et à l'annulation de nombreux tournois). Et depuis qu'elle avait décidé en 2021 de suivre à nouveau le circuit aux quatre coins du monde quitte à passer quasiment un an loin de chez elle, elle a plus qu'assumé son statut. En 15 tournois disputés, elle en a gagné 7 - Yarra Valley Classic, Miami, Stuttgart, Wimbledon et Cincinnati en 2021, Adélaïde et l'Open d'Australie en 2022 -, soit près de la moitié.
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L'oeil de DiP : "Barty est de loin la joueuse la plus forte et complète du circuit féminin"

Pour le dire autrement, depuis plus d'un an, à chaque fois que l'Australienne s'alignait sur un tournoi, elle avait quasiment une chance sur deux de le gagner. Ses seules contre-performances ? Deux éliminations précoces en Grand Chelem avec de vraies circonstances atténuantes : un abandon au 2e tour de Roland-Garros à cause d'une blessure à la hanche et une défaite au 3e tour de l'US Open au terme d'une saison éreintante, loin de chez elle. Aussi fatiguée mentalement que physiquement, elle n'avait d'ailleurs plus rejoué après New York en 2021, avant son retour foudroyant début 2022.
Cette constance et cette fiabilité au plus haut niveau étaient précisément ce qui distinguait Barty des autres, et notamment de Naomi Osaka dont les performances - quatre titres du Grand Chelem gagnés à l'US Open (2018 et 2020) et l'Open d'Australie (2019 et 2021) - laissaient penser, en tout cas épisodiquement, qu'elle pouvait, elle aussi, s'épanouir dans ce rôle de reine du circuit. Mais tant l'instabilité émotionnelle que les limites techniques de la Japonaise (ultra-performante sur dur avant tout) l'ont rattrapée, tandis que l'Australienne réunissait, elle, tous les ingrédients.

Un slice à la Federer et un bagage technique unique

Pour se détacher de la pression des résultats, Barty insistait sur la seule importance de donner le meilleur d'elle-même. Mais c'est surtout tennistiquement parlant qu'elle faisait un bien fou au tennis féminin. Alors que le jeu est orienté depuis plus de deux décennies et l'émergence des sœurs Williams entre autres vers toujours plus de puissance, la variété et la tactique ont retrouvé toute leur place lors du règne de l'Aussie. Il suffit de se pencher à nouveau sur sa marche triomphale à Melbourne pour en être convaincu.
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Deux armes fatales dévastatrices : le slice et le service de Barty, coups signatures

Si Barty n'a pas laissé échapper le moindre set lors de ce dernier titre à l'Open d'Australie, si elle a totalement survolé le tournoi, c'est parce qu'elle a proposé quelque chose de différent et de déstabilisant à ses adversaires. "On ne verra pas quelqu'un avec un style de jeu comparable à celui d'Ash à court terme, c'est sûr. Cette finesse qu'elle apportait sur le court, c'était si unique, avec son slice, ses montées au filet, ses amorties et son grand coup droit", acquiesce d'ailleurs Barbara Schett, consultante pour Eurosport.
Ce fameux slice de revers lui servait autant à casser le rythme des échanges en cadence, grande caractéristique du tennis moderne et particulièrement sur le circuit féminin, qu'à attirer ses rivales au filet pour les passer. Une stratégie souvent employée ces dernières années chez les messieurs par un certain Roger Federer. L'utilisation des angles courts croisés, de différentes vitesses de balles et la variation dans les effets et hauteurs de rebonds étaient autant de qualités qui lui permettaient d'exceller sur toutes les surfaces. De la terre battue de Roland où elle a gagné son premier Majeur (2019) au gazon de Wimbledon où elle a réalisé son rêve de gosse (2021).

Swiatek, Badosa, Raducanu... A elles de s'en inspirer

Le départ de Barty, c'est un peu grossièrement tirer un trait sur une conception différente du jeu, plus imprévisible, plus originale et plus enthousiasmante, et pas seulement pour les puristes. Le tennis féminin, en tant que sport avant tout, en souffrira forcément. Ce sera néanmoins certainement moins le cas du circuit WTA sur un plan purement marketing. De ce côté, de nouvelles "stars" charismatiques ont émergé récemment : de Naomi Osaka (malgré ses problèmes de santé mentale) à Paula Badosa en passant par Emma Raducanu qui croule sous les contrats de sponsoring, le dernier en date avec un célèbre constructeur automobile allemand.
Publicité extraordinaire pour le jeu et seulement le jeu, Barty avait l'avantage d'être Australienne, une des quatre nations historiques du tennis, ce qui faisait aussi d'elle une ambassadrice quasi-idéale. Mais elle fuyait par ailleurs les projecteurs. Dans le monde moderne où l'image compte au moins autant que la performance, c'était en quelque sorte une limite. A d'autres dans la jeune génération prometteuse du tennis féminin, au premier rang desquels Iga Swiatek, de reprendre le flambeau et de combler le vide.
Barbara Schett y croit, plus que jamais. "C'est la beauté du tennis : les fans peuvent toujours s'identifier à des joueuses différentes. Nous avons connu cela il y a 25 ou 30 ans quand Stefan Edberg a pris sa retraite, puis avec Pete Sampras, ou encore Chris Evert plus tôt. J'ai toujours été triste et je me suis toujours dit : 'Qui va reprendre le flambeau maintenant ?' Et il y a toujours eu quelqu'un. Le tennis féminin va encore être attractif, et les fans de tennis n'ont pas à s'inquiéter. Mais Ash Barty manquera, bien sûr."
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