ATP Miami : Avec Grigor Dimitrov en finale et de retour dans le Top 10, le revers à une main tient son ambassadeur idéal

Le 19 février dernier, pour la première fois depuis la création du classement ATP en 1973, il disparaissait du Top 10. "Il" désigne le revers à une main dont Stefanos Tsitsipas était jusqu'alors le dernier représentant parmi cette élite. Interrogé sur le sujet par le site de l'ATP en arrivant à Miami, le Grec, revanchard, avait d'ailleurs répliqué ceci : "Attendez trois semaines et il sera de retour !" Finalement, un autre de ses célèbres adeptes le devancera dès lundi, et ce n'est peut-être pas plus mal.

Il ne s'agit pas ici de préférer Grigor Dimitrov à Stefanos Tsitsipas, chacun ses goûts et les préférences en matière de styles sont par définition subjectives. Mais en battant à Miami deux membres du Top 5 d'affilée pour la première fois depuis 2017 pour faire son grand retour parmi les 10 meilleurs cinq ans et demi après – sa dernière apparition si haut remontant à l'automne 2018 –, le Bulgare a ajouté la manière au constat brut chiffré. Et surtout, il a montré en quoi le revers à une main pouvait encore constituer une arme redoutable, même dans le tennis moderne, surtout quand il est un instrument de variations.

"Je sais que j'ai beaucoup d'outils dans mon sac que je peux utiliser, mais je dois m'assurer que je les utilise au bon moment. Par exemple, dans le 3e set aujourd'hui (samedi lors de sa demi-finale contre Alexander Zverev, NDLR), j'y suis parvenu en faisant preuve de finesse avec un petit peu plus de slice, en étant plus agressif avec mon coup droit, en enchaînant service-volée. Si vous êtes capable de varier dans des moments cruciaux, ça vous aide à contrôler davantage le jeu", a-t-il analysé en conférence de presse.

Dimitrov ne croit pas si bien dire, car il fait précisément ce dont un Stefanos Tsitsipas est incapable en ce moment : choisir la bonne option au bon moment, puis l'exécuter à la perfection. Face à un serveur aussi redoutable sur première balle qu'Alexander Zverev, le Bulgare a ainsi été capable de retourner avec une grande régularité en bloquant en slice de revers pour lancer l'échange. Et sur les secondes balles de l'Allemand, il a bien alterné entre relances coupées et recouvertes.

Si c'est avant tout sa volée réflexe qui a été retenue lors de son break décisif à 3-3 dans le troisième set, il ne faut pas oublier comment Dimitrov s'est retrouvé au filet. Agressif dès le retour en revers, il a pu ensuite prendre le contrôle du point en coup droit pour avancer. Cette diversité est aussi ce qui a complètement désarçonné Carlos Alcaraz en quart de finale. Le Murcien était d'ailleurs bien conscient que la capacité du Bulgare à cisailler la balle comme personne d'autre sur le circuit allait le mettre en difficulté. Mais il n'a pas trouvé la parade parce que son rival ne lui a jamais fait jouer deux fois de suite la même balle.

Autant que son slice, ce qu'il y a de frappant dans le revers de Dimitrov, c'est la facilité avec laquelle il change de zone et de direction, laissant son adversaire constamment dans le doute et l'expectative. Passings et attaques le long de la ligne comme croisés, amorties bien masquées et autres gammes plus classiques dans la diagonale, tout y passe. Mais s'il a toujours eu la capacité technique de réaliser ces coups, de régaler le public de ses fulgurances, il a désormais la maturité pour les utiliser à bon escient.

Très doué, Dimitrov a toujours eu presque trop d'options. Mais après avoir essuyé bien des déceptions, à 32 ans, il n'a jamais été aussi maître de son tennis ni de son revers à une main qu'il n'utilise pas que comme un coup de gestion, mais bien aussi comme une arme offensive quand il peut prendre la balle tôt. C'est peut-être la leçon qu'il a retenue d'années passées dans l'ombre du "Big 4" et principalement de Roger Federer, son modèle stylistique et monstre indépassable. Et il ne regrette pas d'avoir essuyé les plâtres contre eux.

"C'est totalement l'inverse en fait. Il n'y a pas beaucoup de gens qui peuvent dire qu'ils ont joué contre les meilleurs et qu'ils les ont tous battus. C'est super, je peux vivre avec ça. Pour moi, ne plus les avoir en face, c'est un peu triste. Je ne veux pas les affronter dans l'absolu, comprenez-moi bien, a-t-il souri. Mais j'adore les voir jouer et en les défiant, vous pouvez toujours apprendre quelque chose. J'ai eu tant de quarts de finale, de 3es tours ou de 8es de finale lors desquels je suis tombé contre eux. Mais ça m'a aussi peut-être façonné, endurci mentalement pour faire certaines choses différemment à ce stade de ma carrière. Ils étaient très différents et d'une certaine manière, c'étaient les pionniers du tennis d'aujourd'hui."

Désormais, Dimitrov ne se cache plus dans une ombre embarrassante. En pleine lumière, il s'épanouit comme jamais, rendant au revers à une main ses lettres de noblesse. Allier esthétique, lucidité tactique et efficacité, c'est ce qu'il parvient à faire depuis plusieurs mois, pour notre plus grand plaisir. Car ce qui fait la force du tennis, c'est aussi et surtout sa variété.