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Coupe Davis - Après France-Belgique : Le malaise du Saladier

Laurent Vergne

Mis à jour 27/11/2017 à 17:04 GMT+1

COUPE DAVIS – La finale 2017 a fait le bonheur des Français et provoqué la tristesse des Belges. Les deux équipes ont tout donné pour conquérir le Saladier d'argent. Mais l'emblématique trophée de la prestigieuse et vénérable Coupe Davis n'en reste pas moins fragilisé par l'absence des stars, qui a atteint des proportions alarmantes cette année.

La France a décroché son 10e Saladier d'argent dimanche.

Crédit: Getty Images

Dimanche soir, à Lille, il y avait ceux qui pleuraient de joie, ceux qui pleuraient tout court, et ceux qui s'en foutaient. La troisième catégorie est malheureusement la plus étoffée. Derrière la joie légitime de l'équipe de France, et la déception tout aussi compréhensible de son homologue belge, cette finale de Coupe Davis était-elle vraiment le grand événement tennistique de la fin de saison qu'il aurait pu être ? Sans doute pas. L'épreuve traverse une crise de grande ampleur et cette édition 2017 aura, plus encore que les précédentes, cristallisé ce qu'on pourrait appeler "le malaise du Saladier d'argent".
La Coupe Davis reste une épreuve formidable. Il faut la préserver, assurer sa pérennité, car elle génère des émotions que l'on ne retrouve absolument nulle part ailleurs en tennis. C'est cette spécificité-là qui a conduit à son essor au fil des décennies. On ne voit jamais autant de larmes couler que dans une finale de Coupe Davis. Peu importe les joueurs, le contexte, l'adversité, ce sont toujours les mêmes scènes. Lucas Pouille, 23 ans et un palmarès vierge de succès majeur, s'est effondré en pleurs dimanche sur la balle de match. Trois ans plus tôt, sur le même court, Roger Federer, dix ans et 17 titres (à l'époque) du Grand Chelem en plus, avait eu exactement la même réaction.

La France "championne du monde" ? Vraiment ?

Mais quand la plupart des meilleurs joueurs du circuit la laissent de côté, il y a forcément un problème. Et on ne pouvait s'empêcher de se gratter la tête dimanche soir, entre gêne et rictus, quand le speaker a annoncé que la France était "championne du monde". Aucun excès de zèle de sa part, il s'agit bien là de l'appellation officielle souhaitée par l'ITF.
La France a remporté la Coupe Davis, mais ce titre pompeux de championne du monde sied mal au contexte de l'épreuve. Car si les Français ne sont pas responsables des absences de Nishikori, Murray ou Djokovic sur leur parcours, il est dommageable qu'un pays, quel qu'il soit, puisse soulever le Saladier d'argent sans avoir battu en simple un seul joueur classé parmi les 40 premiers mondiaux.
Attention, il ne s'agit pas de critiquer ici l'équipe de Yannick Noah. Au contraire. Il faut saluer des nations tennistiques comme la France ou la Belgique, parmi les dernières à jouer le jeu à fond. Les deux équipes ont sauvé les meubles en offrant une finale digne d'intérêt avec un Top 10 et deux membres du Top 20. Dans le marasme actuel, ce n'est déjà pas si mal. L'ambiance a été magnifique à Lille. 26 000 spectateurs trois jours de suite, une foule colorée, une atmosphère parfois chaude mais jamais tendue. Tout ce qu'on aime. C'est lors du double, samedi, que l'ambiance a été la plus formidable. Voir tant de monde à bloc pour un double en trois sets gagnants... Il n'y a que la Coupe Davis pour provoquer ça.

Paradoxe

Le plus terrible, c'est que tous ceux qui ont vécu de l'intérieur cette finale ce week-end vous diront que c'était quelque chose d'important pour eux. C'est vrai de tous les acteurs, de Goffin à Tsonga, de Darcis à Pouille et tous les autres, des deux capitaines comme des supporters. Quand vous êtes dedans, elle vous prend aux tripes, la Coupe Davis. Tout n'est pas désespéré et la situation a même quelque chose de paradoxale.
Car dans la génération actuelle, tous les plus grands champions ont mis un point d'honneur à la mettre à leur palmarès. Rafael Nadal a joué et gagné trois finales. Elle a changé le cours de la carrière de Novak Djokovic fin 2010. Elle a fait pleurer Federer et Andy Murray. Juan Martin Del Potro en a été le héros en 2016. Ajoutez Wawrinka, Hewitt, Safin, Berdych, Tsonga ou Ferrer et vous avez l'essentiel des très grands et des très bons du XXIe siècle.
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Roger Federer après sa victoire décisive sur Richard Gasquet en finale de la Coupe Davis

Crédit: Imago

Emotions intemporelles

Malheureusement, s'ils ont tous envie de la gagner, s'ils témoignent tous de la place très particulière que tient ce titre dans leur carrière, il s'agit trop souvent pour eux d'une simple parenthèse. Alors, pourquoi la Coupe Davis a-t-elle perdu son goût de reviens-y ? L'ITF ne pourra faire l'économie d'une réflexion en profondeur, mais les premières pistes évoquées ces derniers mois font peur. Comme la finale sur terrain neutre, pire idée de l'histoire (le fait de jouer à domicile devrait être sacralisé) ou la suppression des matches en trois sets gagnants, qui deviendrait dès lors l'apanage de l'unique Grand Chelem.
Il y aura probablement une question de calendrier à trancher, même si le passage au format Coupe du monde de football, tous les quatre ans, me parait excessif. Dans l'idéal, il serait bon de conserver le rythme annuel, mais ce sera sans doute compliqué à long terme. Certains proposent de la doter fortement en points ATP pour inciter les meilleurs à venir, mais vous pénalisez de facto des ténors du circuit issus de "petits" pays, où ils sont trop seuls, tel un Grigor Dimitrov.
Bref, la solution miracle n'existe pas mais tout doit être fait pour relancer durablement l'intérêt d'une épreuve trop précieuse pour être sacrifiée. Ce n'est pas parce qu'une épreuve est séculaire qu'elle est nécessairement obsolète. Les émotions qu'elles procurent, elles, demeurent intemporelles.
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La France restera au palmarès de la Coupe Davis 2017

Crédit: Getty Images

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