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Yannick Noah est de retour ? Gare à la fausse bonne idée

Laurent Vergne

Mis à jour 23/09/2015 à 13:45 GMT+2

COUPE DAVIS - Personnage incontournable du tennis français, Yannick Noah va donc reprendre du service au capitanat en Coupe Davis. Risque maximal et succès non garanti.

Yannick Noah

Crédit: Panoramic

Depuis son départ fin 1998, le retour de Yannick a souvent été évoqué. Parfois fantasmé. Ou redouté. C'est selon. Il est aujourd'hui acté. En mars prochain, sur la chaise de capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis, où seuls deux hommes, Guy Forget et Arnaud Clément, s'étaient assis depuis son dernier départ, c'est bien lui, Noah, qui prendra place.
Pour les plus jeunes, cela n'évoquera peut-être pas grand-chose. Pour eux, Noah est, au mieux, un chanteur. Pour ceux qui ont vécu les années 90 et, plus encore la décennie précédente, le moment portera en lui une résonnance particulière.
Oui, le retour de Yannick Noah à la tête des Bleus est un évènement. Qu'on le veuille ou non. Qu'on adore ou abhorre le personnage. C'est bien un évènement. Il suffit d'avoir vécu sa conférence de presse de rentrée, mardi, à Roland-Garros, pour s'en convaincre. Salle bondée, flashes qui crépitent, et charisme intact du bonhomme. Oui, c'est un choix fort. Très fort. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? L'avenir le dira mais, contrairement à son précédent "comeback" en 1995, le doute grignote aujourd'hui une part de l'enthousiasme.
Il y a d'abord les circonstances dans lesquelles Noah revient. Mine de rien, il déboule dans un climat de crise. Si, sur le fond, la séparation d'avec Arnaud Clément peut apparaître légitime (il a eu trois ans, il a échoué), sur la forme, l'Aixois n'a pas été traité avec le respect minimal qu'il était en droit d'exiger. La façon de faire de la FFT laissera forcément une cicatrice. La manière offre un goût amer et Noah, même si on est allé le chercher plus encore qu'il ne s'est imposé, se trouve indirectement éclaboussé par cette désastreuse manière de procéder.

En contradiction avec ce qu'il avait dit ?

D'autre part, il ne s'est pas tenu à ce qu'il avait dit. Après la défaite en finale contre la Suisse fin 2014, voici ce que Yannick Noah avait confié :
Si, demain, les cinq (NDLR : Tsonga, Gasquet, Monfils, Simon et Benneteau) joueurs me disent 'Yann, on y va', là, c’est chaud. S’il y en a un qui hésite, même pas en rêve, ça ne m’intéresse pas. Si c’est les cinq, là, ce serait intéressant.
Nous sommes assez loin de cette unanimité. Une ligne de fracture s'est opérée cet été au sein du groupe sur ce point. Jo-Wilfried Tsonga et Richard Gasquet, dit-on, souhaitaient le départ de Clément. Gilles Simon, Gaël Monfils et Julien Benneteau nettement moins... voire pas du tout. Ce n'est donc pas un appel franc et massif au retour de Noah. Alors, bien sûr, mardi, Noah a assuré qu'il avait le soutient "de tous les joueurs". Oui, après avoir parlé à chacun, personne ne lui a dit "je ne veux pas bosser avec toi, j'arrête l'équipe de France". Mais ce "soutien" est postérieur à l'éjection de Clément.
Or pour tirer le meilleur de ce groupe, Noah devra fédérer. Son principal atout est là, dans sa capacité à entraîner tout le monde, à convaincre les autres qu'en le suivant, tout deviendra possible. C'est un meneur d'hommes, pas un tacticien ni un technicien que la FFT est allée (re)chercher. Si le groupe n'adhère pas intégralement et à 200%, la méthode sera vouée à l'échec.
Bien sûr, Yannick Noah, même éloigné des choses quotidiennes du tennis, a des arguments. Son CV parle pour lui. Dans le tennis masculin français, il est "celui qui sait gagner". Seul vainqueur français d'un tournoi du Grand Chelem depuis près de 70 ans. L'homme sans qui remporter à nouveau la Coupe Davis aurait été impossible. Il possède le charisme et l'autorité nécessaires.
Alors, pourquoi ce qui a si bien fonctionné hier ne marcherait pas à nouveau aujourd'hui ? Peut-être parce que les hommes ont changé. Noah entretenait un rapport fraternel avec Forget et Leconte. C'étaient ses potes. Ses frangins. Ceux-là avaient grandi ensemble. C'était une histoire unique. Oui, il y a eu Pioline et Boetsch en 1996. Mais Forget était encore le chaînon liant et, avec ses deux joueurs de simple, Noah pouvait jouer le rôle du grand frangin qui lui sied si bien.
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Yannick Noah lors de la finale de la Coupe Davis 1991

Crédit: Panoramic

Espoir ou fatalité ?

La génération Tsonga-Gasquet-Simon-Monfils n'est pas celle de Noah. Aucun d'entre eux n'était né quand le grand Yann a décroché la lune porte d'Auteuil au printemps 1983. Certains ont approché Noah de temps à autre pour avoir des mots, des conseils. Tsonga et Monfils notamment. Mais il n'y a jamais eu de lien durable.
Ce n'est pas forcément rédhibitoire pour créer une alchimie. Rien ne dit que Noah ne parviendra pas à faire passer son discours et que celui-ci ne sera pas entendu. Mais la connexion apparaît nettement moins automatique que du temps de Leconte et Forget. "Ce qui compte ce n'est pas ce que je vais dire aux joueurs, c'est ce qu'ils comprennent", a dit Noah mardi. Tout est là.
Noah a en tout cas beaucoup plus à perdre qu'à gagner dans cette histoire. En termes d'image notamment. Parce qu'il a quitté la scène pour une autre voilà près de deux décennies. Parce que le contexte dans lequel il revient n'est pas transparent, c'est le moins qu'on puisse dire. Parce que sa cote dans l'opinion s'est érodée, aussi. A part chez quelques pontes de la FFT, y a-t-il encore vraiment un désir de Noah ?
S'il échoue, il doit s'attendre à en prendre plein les oreilles. Seul le Saladier d'argent sera perçu comme une réussite pour cette génération qui voit le temps défiler. Fin 2016, tous ces jeunes gens auront dépassé la trentaine. Même une finale ne suffira plus. Après tout, Clément aussi a amené cette équipe en finale... Un Clément dont il n'a pas hésité à éreinter le bilan mardi. Faire mieux, ce ne peut donc être que gagner. Au moins en résultat pur. Or c'est bien là-dessus que Noah sera jugé au final.
C'est donc à travers une forme de quitte ou double que la FFT s'en remet encore à Yannick Noah. Comme s'il était l'unique remède au mal d'une génération dite dorée : son incapacité à triompher au plus haut niveau. On peut y voir un espoir. Ou une fatalité, doublée d'un aveu d'échec et d'impuissance.
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Yannick Noah

Crédit: Panoramic

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