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"Menteurs", "ça me révolte", "ils ont gâché ça" : L'adieu douloureux des Bleus à la Coupe Davis

Laurent Vergne

Mis à jour 25/11/2018 à 20:45 GMT+1

COUPE DAVIS – L'équipe de France a perdu sèchement ce week-end à Lille contre la Croatie. Mais ce n'est pas ce qui fait le plus mal aux Bleus, qui peinent surtout à digérer la fin du format actuel de la Coupe Davis. Celui qui leur avait apporté des émotions très spécifiques. Uniques, même. Ce deuil-là sera plus douloureux.

Lucas Pouille et Yannick Noah lors de la finale de Coupe Davis.

Crédit: Getty Images

L'équipe de France n'a pas seulement perdu une finale de Coupe Davis, ce week-end. Elle a aussi, elle a surtout, perdu la dernière finale de Coupe Davis. C'était donc la double peine pour eux. Et on croit ne pas se tromper en disant que ce n'est pas tant d'avoir été battus par une équipe de Croatie nettement supérieure que l'idée de ne jamais revivre des moments et des émotions comme celles-ci qui les mine ce dimanche soir.
Lors de la conférence de presse qui a ponctué cette finale, il a d'ailleurs été beaucoup plus question du passé, celui de cette épreuve qu'ils ont tant aimée, et de l'avenir, celui d'une compétition à laquelle ils ont du mal à s'attacher, que du présent. "On a perdu contre une bien meilleure équipe, on a fait de notre mieux, il n'y a rien à dire, juge Yannick Noah. Nous sommes allés les féliciter dans leur vestiaire. Ce sont de beaux vainqueurs, ils le méritent." Ce fut à peu près tout.
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Yannick Noah, Lucas Pouille et Jérémy Chardy.

Crédit: Getty Images

Pouille ne la rejouera plus

Sur la Coupe Davis, telle qu'elle fut et telle qu'elle sera, les Bleus ont en revanche été intarissables. Yannick Noah, évidemment. Le capitaine emblématique a vidé son sac. Mais pour lui, c'est terminé. Comme il l'a dit, il "retourne à sa vie". Pour ses joueurs, en revanche, l'aventure pourrait continuer. Sauf que le cœur n'y est pas vraiment. Lucas Pouille avait annoncé qu'il ne souhaitait pas jouer la Coupe Davis en 2019, suite à la refonte de l'épreuve. Il l'a confirmé dimanche. "Je n'ai pas changé d'avis, a-t-il dit. En ce qui me concerne, je ne jouerai plus la Coupe Davis." "Plus" et non "pas", ce qui sous-entend que son boycott durera probablement au-delà de 2019.
Pierre-Hugues Herbert est moins catégorique. Il ne sait pas s'il répondra présent l'an prochain. Mais au-delà de son cas personnel, il a résumé le sentiment général : ce ne sera plus jamais pareil. "Je suis extrêmement triste des décisions qui ont été prises par l'ITF, a-t-il lâché dimanche. Ils ont gâché ça. Ce sera peut-être une belle compétition l'an prochain. Mais ça ne sera jamais ce que ça a été. La Coupe Davis, ce sont des émotions hors de l'ordinaire. Ce qui va être créé à Madrid va davantage ressembler à ce qu'on vit tout au long de l'année sur le circuit ATP. On va toujours représenter notre pays, mais ce ne sera pas à la maison, ou chez une équipe qui joue à la maison. Est-ce que j'aurai envie de participer en fin d'année à une compétition qui nous touche moins ? Aujourd'hui, je n'en ai aucune idée."
Jo-Wilfried Tsonga abonde dans son sens : "Je pense que tous les joueurs qui sont là, qui sont dans l’équipe, ils n’ont qu’une seule envie, c’est de représenter au mieux leur pays. Quoi qu’il arrive, tout le monde est fier de pouvoir représenter la France, quelle que soit la compétition. On veut juste dire qu'on est triste de quitter la Coupe Davis et de ne plus avoir ça, parce que c'étaient des moments uniques pour nous. On avait envie de continuer à les vivre."
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Herbert et Mahut après leur victoire en double face à la Croatie

Crédit: Getty Images

Noah à Haggerty : "On n'est pas du même monde"

Ils en avaient donc gros sur la patate, au-delà de cette défaite. Nicolas Mahut, 36 ans, ne remettra sans doute plus les pieds en équipe de France. Lui aussi n'en a plus envie. Lors de la cérémonie protocolaire, après la finale, l'Angevin est allé glisser un mot à David Haggerty, le patron de l'ITF, fossoyeur en chef de la Coupe Davis, dont l'esprit a été vendu pour quelques milliards à Kosmos. Mahut n'a pas voulu dire ce qu'il avait soufflé à l'oreille d'Hagerty. Mais ça ne devait pas être très aimable. "J'avais envie de lui adresser un message, je pense qu'il l'a bien reçu", a-t-il simplement dit. "C'est pas sûr ! Il t'a écouté, mais il ne t'a pas entendu à mon avis," a répliqué Noah en riant jaune.
Un message, le capitaine en avait fait passer un lui aussi avant la finale, lors du grand dîner organisé en milieu de semaine. "Je lui (Haggerty) ai dit qu'on n'était pas du même monde. Quand il dit que ça reste la Coupe Davis, il ment. Ces gens sont des menteurs, et je lui ai dit en face. Je n'espère qu'une chose : qu'ils n'appelleront plus ça Coupe Davis. Parce que ce ne sera pas la Coupe Davis. Pourquoi ne pas dire la vérité ? J'essaie de trouver la logique. Qui va jouer ? Pour combien de millions ? Combien ça coûte, un rêve ?"
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Gerard Piqué en compagnie de David Haggerty, président de la Fédération Internationale de Tennis à Orlando le 16 août 2018

Crédit: Eurosport

Mahut : "La décision de la France, ça ne passe pas"

Passé devant la presse juste avant les Bleus en compagnie de toute l'équipe croate, Marin Cilic, beaucoup moins hostile à la réforme, avait soulevé un point crucial : la Coupe Davis, sous sa forme actuelle, posait de gros problèmes financiers aux petits pays comme le sien, dont les fédérations manquent de ressources. Nicolas Mahut entend l'argument, mais il ne décolère pas pour autant : "Il y avait plein de solutions. On a donné des idées pour sauver cette compétition. Oui, il fallait travailler sur un format plus allégé, et pour ce qui est de l'argent, les Grands Chelems, qui en gagnent beaucoup, auraient très bien pu se réunir pour donner une partie des recettes. Mais accepter ça, ça me révolte."
Puis Mahut a glissé un bon tacle, bien appuyé, à la FFT et son président, Bernard Giudicelli, qui a voté en faveur de la réforme. "Je n'en veux pas aux petites fédés qui ont voté pour, assure-t-il. Je ne leur jette pas la pierre. Effectivement, ils ont besoin de cet argent pour former les jeunes. Mais moi, je suis désolé, la décision de la France, ça ne passe pas." "Je n’espère qu’une chose, sincèrement, ajoute Noah, que l’argent aille dans la poche des petites fédérations. A suivre. De près". Le ton de la réponse exprimait davantage son doute que sa conviction sur ce point.
Le deuil de cette finale perdue, les Français le feront sans doute assez vite. Battus par beaucoup plus forts qu'eux, ils n'éprouvent ni remords ni regrets. Celui de ces émotions-là, en revanche, sera plus difficile et douloureux. "En quittant la salle, on a pris des photos, parce qu'on ne sait pas quand ça arrivera à nouveau, confie Pierre-Hugues Herbert. On ne sait pas quand on se retrouvera tous ensemble en tant qu'équipe, à la maison, comme ce week-end." Les retrouvailles ne se feront peut-être pas raquette en main. Ce sera un verre, à la place. "Pour un bon repas, avec une bonne bouteille de vin", lance Lucas Pouille. Histoire de noyer leur chagrin dans les souvenirs. Puisqu'il reste plus que ça, désormais.
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