Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Federer mérite-t-il un traitement de faveur ?

Laurent Vergne

Mis à jour 13/11/2018 à 17:09 GMT+1

Roger Federer bénéficie-t-il d'un traitement de faveur sur le circuit, notamment dans la programmation de ses matches ? Oui, selon Julien Benneteau, qui a dénoncé une dérive sur RMC. Mais pour la plupart des rivaux du Suisse, à commencer Novak Djokovic, ce n'est pas si anormal.

Craig Tiley et Roger Federer lors du dernier Open d'Australie, remporté par le Suisse.

Crédit: Getty Images

Julien Benneteau démarre fort sa retraite. Le Français, qui a disputé les derniers matches de sa carrière en simple lors du Challenger de Brest fin octobre, a lâché une petite bombe la semaine dernière sur RMC Sport. Le Bressan a estimé que Roger Federer bénéficiait de certains passe-droits, notamment dans la programmation des matches. Pas forcément choquant en soi, à condition de ne pas franchir une certaine limite. "C’est normal qu’il ait des privilèges mais il y a une petite dérive", a jugé Bennet'.
Le sujet fait grincer quelques dents à intervalles réguliers, tout particulièrement lors des tournois du Grand Chelem. En janvier dernier, nous nous étions étonnés ici-même de voir Federer programmé en soirée sur la Rod Laver Arena pour son deuxième tour face à Jan-Lennard Struff. Ce même jour, le duel entre Novak Djokovic et Gaël Monfils constituait objectivement l'affiche la plus cotée et la plus excitante dans le bas de tableau chez les hommes.

Conflit d'intérêt ?

"Je n'ai rien contre Struff, mais on est d'accord que, sur le papier, n'importe quel directeur de tournoi aurait mis Djokovic - Monfils en night session à 19h30, non ? Mais non. Ils ont joué à 14h30, sous 40 degrés. Et Federer-Struff a été joué en soirée", s'étonne Benneteau. "Nous avons vraiment souffert tous les deux aujourd'hui, avait soufflé le Djoker à sa sortie du court après l'avoir emporté en quatre manches. C'était très dur de jouer dans ces conditions, surtout pendant les deux premières heures et demie."
"Si je peux, je préfère jouer en soirée et je peux en faire la demande mais ce n'est pas moi qui décide, s'était défendu Federer. Chacun peut avoir des requêtes mais il y a beaucoup de matches et je sais bien que ce n'est pas toujours possible d'avoir ce qu'on veut, c'est le tournoi qui décide au bout du compte."
Problème, comme le souligne Julien Benneteau, ces décisions sont-elles vraiment prises en toute indépendance ? "Dansl’organisation de la Laver Cup, il y a Craig Tiley, le patron de l’Open d’Australie, qui s’occupe des droits marketing et TV, rappelle le Français. Quelque part, ce monsieur est payé par l’agent de Roger Federer et derrière, comme par hasard, Federer a joué 12 de ses 14 matches à 19h30." Sous-entendu : nous ne sommes pas loin du conflit d'intérêt.

Sujet sensible à Melbourne et New York

Il parait difficile de contester que les organisateurs "soignent" la programmation de Roger Federer, et le sujet est tout particulièrement sensible à Melbourne et à New York pour l'US Open, où la chaleur s'avère parfois à la limite du supportable et où le fait d'évoluer de nuit devient un avantage non négligeable. Encore que. Lors du dernier US Open, lorsque Federer s'est incliné en huitièmes de finale face à John Millman, si soleil ne cognait pas, l'humidité était plus terrible encore au cours de cette soirée qu'elle ne l'avait été en journée. Comme quoi...
Interrogé sur le sujet lundi soir après sa victoire face à John Isner au Masters, Novak Djokovic est plutôt venu au secours de son grand rival, notamment à propos du dernier Open d'Australie : "Au bout du compte, d'une certaine manière, il mérite un traitement spécial, parce qu'il est sextuple vainqueur du tournoi et sans doute le plus grand joueur de tous les temps. Si lui n'y a pas droit, qui d'autre ?" Pour être pointilleux, on pourrait rappeler que Djokovic est lui aussi sextuple vainqueur du tournoi et qu'il comptait même alors un titre de plus que Federer à Melbourne à ce moment-là...
picture

Novak Djokovic souffre sous la chaleur de Flushing.

Crédit: Getty Images

Djokovic : "Federer est une force pour le tennis"

Le nouveau numéro un mondial écarte en revanche l'argument du conflit d'intérêt. "Pour ce qui est de la programmation, comme pour toutes les choses importantes, tout le monde est sur un pied d'égalité parce que cela doit aussi passer par le filtre de l'ATP, pas seulement l'organisation du tournoi lui-même", rappelle Djokovic, avant de pointer l'argument-massue : "si Federer est traité de façon spécifique, c'est parce que sa popularité et sa capacité à émoustiller les audiences n'appartiennent qu'à lui : les gens veulent le voir jouer à 19h30 en night session sur la Rod Laver Arena. Je comprends Julien, mais les joueurs comme lui ont aussi bénéficié de ce que Federer a fait pour le tennis. Il faut comprendre que Federer est une force pour le tennis, en termes de revenus, d'attention, etc."
Pas de polémique, surtout, donc. Comme toujours, Djokovic maîtrise sa communication à la virgule près. Mais lors du dernier Wimbledon, il avait rué dans les brancards, manifestant sa colère devant la façon dont il était programmé. Non sans raison. Lors du "Manic Monday", qui regroupe l'ensemble des huitièmes de finale messieurs et dames (on ne joue pas le premier dimanche à Londres), Nole avait été programmé en dernier sur le court numéro 1 face à Karen Khachanov. Les deux matches précédents ayant trainé, notamment le Anderson - Monfils, leur match a débuté très tard, avec un temps de jeu inférieur à deux heures avant la nuit.

La peur du trou d'air

Pendant ce temps, sur le Central, tout était allé très vite. De façon assez incompréhensible, les organisateurs avaient décalé un... double mixte sur le Centre Court après la fin des trois simples (dont ceux de Federer et Nadal), pendant que Djokovic ruminait. Heureusement pour lui, et sans doute pour la direction du tournoi, le Serbe s'était imposé en 1h45 avant la nuit. Mais son coup de gueule auprès des officiels eut un effet direct : pour les quarts de finale, Djokovic - Nishikori avait été mis sur le Central, alors que Federer affrontait (et s'inclinait) contre Kevin Anderson sur le court 1, où il n'avait plus joué depuis 2015. Il s'était alors murmuré que le Suisse avait modérément apprécié de jouer son quart loin du court principal...
A l'image de Novak Djokovic, vous trouverez bien peu de monde pour s'offusquer du traitement réservé à Roger Federer. "C'est le même effet que Tiger Woods en golf, relève John Isner. C'est comme ça qu'il faut voir un gars comme Roger. Pour moi, il est le tennis masculin. Il mérite tout ça et même davantage." C'est dit.
Si Federer est "chouchouté", c'est sans doute aussi parce que le monde du tennis, dont les audiences télé s'érodent (sauf quand Federer joue...) année après année malgré l'ère dite dorée que nous vivons avec le trio majuscule Federer-Nadal-Djokovic, redoute un énorme trou d'air à la retraite du Suisse. Et cela, même Julien Benneteau en convient : "il faut prendre conscience qu’il va y avoir un vide quand il va arrêter…"
picture

Roger Federer

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité