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Fusion ATP/WTA : Les 5 questions qui se posent après la sortie de Federer

Maxime Battistella

Mis à jour 23/04/2020 à 12:26 GMT+2

Roger Federer a lâché une petite bombe mercredi en plaidant pour une fusion entre les deux instances dirigeantes des tennis professionnels masculin et féminin. Alors que la gouvernance du sport est minée par la grande divergence des intérêts, le chantier semble titanesque et soulève quelques interrogations.

Federer Serena Miami Open

Crédit: Getty Images

Pourquoi lancer ce projet de fusion ATP/WTA maintenant ?

Dire que Roger Federer a surpris son monde mercredi est un euphémisme. Alors que ces derniers jours, les projets d’exhibitions, tournois, voire circuits régionaux ont essaimé de toutes parts pour que les joueurs et les joueuses reprennent contact avec leur sport dès cet été, le sujet épineux de la gouvernance éclatée du sport entre sept instances aux intérêts divergents – l’ATP, la WTA, la Fédération internationale (ITF) et les quatre tournois du Grand Chelem – avait, lui, été un peu laissé de côté.
Mais dans le contexte grave de la pandémie de coronavirus, de l’arrêt des compétitions et de l’urgence de l’aide à apporter aux plus mal classés frappés de plein fouet par le manque de ressources, l’unité et la solidarité sont plus que jamais requis pour protéger l’avenir du jeu. Grande avocate de l’union des tennis professionnels féminin et masculin depuis les années 1970, Billie Jean King s’est heurtée à un mur pendant des décennies. Mais à crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles, et il est peut-être temps de le faire tomber.

Pourquoi Federer a-t-il pris la parole ?

Comme son compatriote Stan Wawrinka l’a confirmé plus tard dans la soirée au cours d’un "live Instagram" avec Chris Evert, ce tweet de Roger Federer ne sort pas de nulle part. Le Bâlois ne s’est pas levé du mauvais pied mercredi pour jeter un pavé dans la mare. Son initiative résulte sûrement de multiples échanges en coulisses. La rapidité avec laquelle Rafael Nadal lui a signifié son accord, évoquant même des "discussions" sur le sujet, ne laisse pas trop de doutes sur la coordination d’un tel mouvement. Difficile d'ailleurs de ne pas penser au retour simultané et spectaculaire du Suisse et de l’Espagnol au sein du Conseil des joueurs l’été dernier. Quand ils ont un message à faire passer, les deux légendes agissent désormais de concert.
Dans ce contexte, l’absence de réaction de Novak Djokovic peut sembler surprenante en tant que président du Conseil des joueurs. Une lutte de pouvoir serait-elle dans les tuyaux ? C’est fort peu probable. Plus sûrement, le "Big 3" a pris conscience ces dernières semaines que, plus que jamais, il pouvait peser sur l’avenir du tennis à plus ou moins long terme. Le numéro 1 mondial a donc pris la parole, avec le soutien de ses deux rivaux, pour proposer aux membres du top 100 d’aider financièrement leurs collègues moins bien classés durant cette période trouble. Federer et Nadal prennent sûrement le relais sur la question de la gouvernance du jeu avec l’accord tacite du Serbe.
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"Monter une exhibition, c'est une chose, vouloir faire un circuit en est une autre"

La position de Federer est-elle majoritaire parmi les joueurs ?

C’est une des interrogations auxquelles il est difficile de répondre avec certitude. Parmi celles et ceux qui ont réagi publiquement à cette idée de fusion entre l’ATP et la WTA, rares ont été les voix dissonantes. A vrai dire, seul Nick Kyrgios, pourtant souvent sur la même longueur d’onde que Federer, n’a pas bien accueilli l’idée. "Est-ce qu’on a au moins demandé à la majorité des joueurs ce qu’ils pensaient de cette fusion et en quoi elle serait bonne pour nous ?", s’est interrogé l’Australien, habitué aux positions iconoclastes.
Par ailleurs, de nombreux grands noms du circuit féminin ont emboîté le pas du "Maestro". Simona Halep a été la première à s'en réjouir, rapidement imitée par Petra Kvitova, Sloane Stephens, Garbine Muguruza ou encore Kristina Mladenovic. Du côté de ces messieurs, Nadal et Federer ne sont pas seuls non plus et ne représentent pas que l’avis des stars du jeu. Vasek Pospisil, 93e joueur mondial, autre représentant des joueurs très actif au Conseil de l’ATP, s’est ainsi félicité de la prise de position du Suisse. "Super idée, l’ATP travaille sur le sujet depuis le mois de janvier", a-t-il tweeté. D'anciens champions et championnes ont également fait part de leur enthousiasme, comme Boris Becker ou Tracy Austin.

Une telle fusion entraînerait-elle forcément celle des circuits ATP et WTA ?

En plaidant pour la création d’une instance dirigeante commune du tennis professionnel, Federer et Nadal s’attaquent avant tout à un enjeu de gouvernance – s’exprimer d’une seule et même voix et en accroître par conséquent la portée dans l’intérêt de tous – et de clarté. Pour permettre au jeu de résister mieux économiquement et pour attirer de nouveaux fans, il s’agit ainsi de trouver un système de classement commun, un site internet unique en vitrine ou encore de lancer une chaîne de télévision qui mette fin à la division actuelle entre Tennis TV et WTA TV.
En somme, il s’agit de préparer la sortie de crise avec "une instance renforcée" plutôt que "deux affaiblies" comme l’a expliqué le Suisse dans un autre tweet. Mais cette fusion n’a pas vocation à uniformiser les circuits, pour la bonne et simple raison qu’ils ne prospèrent pas forcément dans les mêmes zones géographiques. Depuis plusieurs années, la WTA s’est beaucoup développée sur le marché asiatique, comme le montre notamment l’implantation du Masters à Singapour puis à Shenzhen.
Pour l’ATP, l’Europe et les Etats-Unis restent des valeurs sûres. Mais il est évident que les plus gros tournois, qui comportent des tableaux féminin et masculin, ont les reins plus solides sur le plan financier. Ce modèle, qui a l’avantage de la cohérence, pourrait donc être développé à l’avenir.
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"Faisons en sorte de toucher 2 millions de dollars en quart de finale de tournoi majeur"

Parité, rapport de forces avec l’ITF : quels sont les écueils de ce projet ?

Nouveau président de l’ATP qui se serait bien privé de cette crise pour entamer son mandat, Andrea Gaudenzi a accueilli plutôt favorablement la prise de position de Federer. "Notre sport a une grande opportunité devant lui si nous arrivons à nous unir dans un esprit de collaboration et d’unité. La récente coopération entre les instances dirigeantes (autour du programme d’aide financière aux joueurs, ndlr) n’a que renforcé ma conviction qu’un sport unifié est le moyen le plus sûr de développer notre potentiel. (…) L’avis de nos joueurs est le bienvenu à cet effet", a-t-il déclaré dans la soirée de mercredi.
La WTA, de son côté, a aussi officiellement réagi, par un communiqué proche sur la forme, mais un peu plus vague. Si les conditions sont plus que jamais réunies pour envisager une telle fusion, la question de la future structure d’une éventuelle nouvelle instance commune va se poser. Quel sera alors le poids des joueuses et des joueurs par rapport aux directeurs de tournoi dans un éventuel Conseil ? L’exigence de parité sera forcément au centre des préoccupations : combien y aura-t-il de représentants, comment seront-ils élus ? Le tennis masculin, plus attractif en ce moment – notamment grâce à son "Big 3" – ne risque-t-il pas d’engloutir son homologue féminin, ou de refuser un partage équitable des ressources ?
Enfin, si une telle instance venait à être créée, ne ferait-elle pas trop d’ombre à la Fédération internationale (ITF) et aux fédérations nationales ? En cas de bras de fer, le tennis amateur et le développement de la pratique du tennis à grande échelle pourraient en faire les frais. "L’ATP ne veut toujours pas de nous. Je ne sais pas si ce sera de mon vivant ou non, mais s’ils étaient intelligents, nous aurions fusionné depuis le début en 1973 et nous aurions mis la main sur les Grands Chelems aussi", considérait Billie Jean King à Singapour en 2018. Si voir l’ATP et la WTA s’exprimer d’une même voix semble plus que jamais nécessaire, attention à ne pas donner non plus un pouvoir illimité aux joueurs.
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