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Les adieux de Roger Federer : Des larmes, des mots et un dernier frisson dans la nuit

Laurent Vergne

Mis à jour 24/09/2022 à 11:43 GMT+2

LAVER CUP - Roger Federer a perdu son dernier match, aux côtés de Rafael Nadal. Mais cela n'a aucune importance. L'important était partout ailleurs que dans le résultat au cours de cette soirée unique à l'O² Arena. Les larmes ont coulé, et pas que celles du champion suisse. C'est entouré des siens, la famille du tennis et sa famille tout court, que Federer a quitté la scène. Et c'était beau.

Roger Federer

Crédit: Getty Images

On a rêvé du scénario rêvé. Il était presque là. 9-8 dans le super tie-break, balle de match, Roger Federer au service. Les 20000 privilégiés de l'O² Arena, témoins d'une page d'histoire, ont tous pensé la même chose : "Un ace. Allez, un ace". Il n'y a pas eu d'ace, Federer et Rafael Nadal ont perdu ce point, puis le suivant et encore celui d'après. Frances Tiafoe et Jack Sock, casseurs d'ambiance mais trop intelligents et conscients du moment pour célébrer quoi que ce soit, ont raflé la mise.
Roger Federer a donc perdu le tout dernier match de sa carrière. Ce n'est sans doute pas ce qu'il souhaitait et Rafael Nadal encore moins que lui. Le grand rival d'une vie, partenaire d'un soir et désormais compagnon de toujours, était entré sur le court le visage fermé, comme s'il allait jouer une finale de Grand Chelem. Le Majorquin voulait gagner. Il ne voulait surtout pas perdre et, cette fois, sa détestation de la défaite n'y était pas pour grand-chose. Il n'était question que d'altruisme : il voulait offrir à son alter ego une dernière victoire.
La pointe de regret passée, tout le monde a pourtant vite compris que le résultat relevait de l'accessoire. L'essentiel, ce fut la suite. A partir de là, tout a été fort, émouvant, poignant même. Et d'une remarquable justesse, surtout. Sitôt revenu auprès du clan de la "Team Europe", Federer a fondu en larmes, comme il l'a si souvent fait dans les moments les plus forts de sa carrière. Un par un, il est tombé dans les bras de chacun. Nadal. Djokovic. Murray. Berrettini. Tsitsipas. Ruud. Norrie. Borg. Enqvist.
Ensuite, il a fallu parler. On s'est demandé s'il y arriverait. Jim Courier, intervieweur en chef, n'avait pas le rôle le plus facile de la soirée, mais il a, comme souvent, trouvé les mots, le ton et le rythme approprié dans ses questions. "On va y arriver, d'une manière ou d'une autre", a plaisanté RF pour détendre l'atmosphère. Il a parlé d'une "journée merveilleuse." "Je ne suis pas triste, je suis heureux d'être ici, je l'ai dit aux gars", a ajouté le champion aux 20 titres du Grand Chelem et tellement plus encore.

Frères de larmes

Avant de rentrer sur le court, il avait enfilé ses chaussettes, choisi ses chaussures, empilé ses raquettes dans son sac. Ça et tout le reste. Les gestes anodins répétés des centaines et des centaines de fois, peut-être en mesurant que, dans toute leur simplicité, ils incarnaient son quotidien qui, demain, sera différent. "Tout était la dernière fois aujourd'hui", a-t-il soufflé au micro. Sa seule crainte au cours de ces dernières heures n'était pas de perdre ce double, mais que son corps le lâche : "J'avais peur que le dos se bloque, ou le mollet, ou autre chose. Mais tout s'est bien passé, le match était super, je ne peux pas être plus heureux."
La gorge s'est alors nouée une première fois quand il a eu ces mots pour la famille du tennis qui l'a entouré pour son dernier voyage. "Jouer avec Rafa bien sûr, et tous les gars qui sont là", en se tournant vers son équipe, puis, regardant de l'autre côté vers les tribunes : "Toutes les légendes. Rocket (Rod Laver, NDLR), Edberg. Stefan, merci." Finalement, il ne pouvait choisir meilleur endroit que la Laver Cup pour partir. Ici, il n'était pas seul et avoir vécu ces derniers jours comme cette ultime soirée aussi bien entouré a conféré une autre saveur à l'événement que s'il l'avait vécu en "solitaire", même de manière relative, dans un tournoi classique.
Pendant ce temps, Rafael Nadal, assis, ne contrôlait plus ses larmes. La digue espagnole a cédé et, autant chacun a pu s'habituer depuis plus de 20 ans à voir Roger Federer pris par les sanglots, autant on se demande si on avait déjà vu le père Rafa dans un pareil état. Quelques instants auparavant, juste avant que "Rodgeur" ne se lève pour parler au public londonien et au reste du monde, ils étaient tous les deux côte à côte, chialant comme deux gosses, deux frères de larmes. Ce n'était pas l'image la moins forte de cette soirée, tout comme celle de Novak Djokovic debout derrière le Suisse, lui tenant les épaules pour le réconforter. Et tant d'autres.

Mirka, si omniprésente, tellement discrète

Puis Jim Courier a demandé à Roger Federer d'évoquer ses proches, tous présents au bord du court. Ses enfants. Son père. Sa mère. Et Mirka, évidemment. "On doit en passer par là ?, a-t-il plaisanté avant de se reprendre : "Non, ça va, je m'en tire pas trop mal jusqu'ici j'ai l'impression, au moins j'arrive à parler. Dans mes visions, je n'arrivais même pas à parler."
Mais les mots suivants, à destination de son épouse, près de lui depuis plus de deux décennies, alors qu'il n'était encore personne, n'ont pas été les plus simples à délivrer. Ils n'étaient pas les moins forts non plus : "Elle m'a tellement soutenu. Elle aurait pu me dire d'arrêter il y a bien longtemps. Mais elle ne l'a pas fait. Elle m'a permis de continuer à jouer. Merci."
La pudeur de Mirka, vers qui les regards convergeaient pour l'inviter à rejoindre son homme, a eu quelque chose de magnifique. Elle a décliné à plusieurs reprises d'un simple mouvement de tête. Parfois incomprise, mais surtout méconnue de tous en dehors d'une poignée de proches, l'indispensable Mirka, est restée comme toujours à sa place : incontournable mais en retrait, si omniprésente mais tellement discrète, refusant de s'imiscer dans son moment à lui.
Toutes ces larmes, toutes ces paroles et toutes ces images (on a oublié, parmi d'autres, celle des deux équipes le portant en triomphe au milieu du court) avaient expédié aux oubliettes le dénouement de ce double. Il n'était pas question de résultat vendredi soir, mais d'autre chose. "Je voulais que ce soit une fête", a-t-il dit. C'est réussi.
Finalement, c'est peut-être dans ce début de nuit londonienne, entre deux larmes, que Roger Federer a le mieux résumé l'extravagance de ses accomplissements et de cet "incroyable voyage" : "Cela n'aurait jamais dû être comme ça, j'aimais juste jouer au tennis et passer du temps avec mes amis. Je n'aurais jamais pensé que ça se terminerait ici, ça a été un parcours parfait". Et une fin magnifique, défaite ou pas. Alors, merci pour ce moment. Et pour tous les autres.
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Roger Federer et l'ensemble de l'équipe "Europe".

Crédit: Getty Images

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