Nadal, l'art et la manière de donner le ton

Que les choses soient claires. Ce onzième-là n'est qu'un avant-goût. Il en annonce d'autres, à Barcelone et bien sûr Roland-Garros. Tout le monde l'a bien compris durant cette semaine monégasque. Certains grands champions ont en effet une capacité rare à marquer les esprits. Et tuer dès qu'ils le peuvent tout espoir de leurs concurrents. Rafael Nadal l'a fait de manière fracassante lors de ce Masters 1000 de Monte-Carlo, où il a écrit son nom au palmarès pour la onzième fois. Pour débuter cette saison de terre battue, il ne pouvait pas frapper plus fort pour mettre les points sur les i : cette année encore, il est au-dessus du lot sur son terrain de jeu favori.

Lors de ses cinq sorties à Monte-Carlo, Rafael Nadal a écœuré ses adversaires. Kei Nishikori a pris une leçon en finale (6-3, 6-2). Grigor Dimitrov n'a pas été en reste en demie (6-4, 6-1). Et que dire de ce quart de finale face à Dominic Thiem, pourtant le dernier à l'avoir battu sur ocre. Une vraie boucherie (6-0, 6-2). A chaque fois, Nadal a semblé d'une autre dimension. On avait l'impression de voir un maitre face à ses élèves. Et ces derniers ont pu constater qu'ils étaient loin de le dépasser. "C’était une grande finale, une grande semaine, j’ai battu des adversaires difficiles sans perdre un set : c’était génial", s'est réjoui le natif de Manacor.

Il a raison de savourer. Les chiffres sont tout simplement époustouflants. Premier joueur à remporter onze fois le même tournoi, Nadal a laissé simplement 21 jeux à ses adversaires ! Et il en est maintenant à 36 sets de rang remportés sur terre battue, un nouveau record pour lui. Tout simplement ahurissant. Comme cette longévité au plus haut niveau. "Onze titres ici, c’est incroyable, a-t-il simplement reconnu à l'issue de sa finale. C’est tellement dur à faire. Je ne sais même pas comment c’est possible car ça représente tellement d’années où je n’ai pas fait d’erreurs, tellement d’années où je n’ai pas eu de malchance cette semaine-là."

Son discours humble est en opposition presque parfaite avec la hargne qu'il démontre sur le terrain pour traumatiser ses adversaires. Dès qu’il foule la terre battue, il dévore ceux qui se mettent sur son chemin, montant en puissance au fil des échanges pour démonter le jeu de ses concurrents. Comme un lion jamais rassasié. Après ce premier tournoi sur terre, sa marge sur les autres semble abyssale. Et le pire, c'est qu'il n'avait pas forcément beaucoup de certitudes avant d'arriver sur le Rocher. "J'ai traversé des moments difficiles ces quatre, cinq derniers mois", a rappelé Nadal, dont la fin de saison dernière avait également été perturbée par des soucis physiques.

Il peut être rassuré. Après ce tournoi, une question reste ainsi sans réponse : qui peut faire douter Nadal cette saison sur terre ? Là, on ne voit pas. Le Nadal express semble inarrêtable. Bien sûr, les Dimitrov, Djokovic ou autres Thiem vont prendre un peu plus leurs marques sur cette surface au fil des semaines. Mais l'ogre de Majorque a tout pour s'offrir une nouvelle orgie. Comme presque tous les ans depuis 2005. Son règne est loin d'être fini. Si son physique ne lui fait pas faux bond, bien sûr. "J’espère rester en bonne santé pendant toute la saison sur terre battue et là ça a bien commencé", a d'ailleurs glissé l'élève de Carlos Moya. Tous ceux qui aiment voir l'histoire s'écrire devant leurs yeux l'espèrent aussi. Car un onzième sacre à Roland lui tend les bras.