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Masters 1000 Montréal : l'exploit de Shapovalov face à Nadal ? Ça fait du bien !

Laurent Vergne

Mis à jour 11/08/2017 à 17:53 GMT+2

MASTERS 1000 MONTRÉAL – Quelle sensation a créé Denis Shapovalov en battant Rafael Nadal jeudi soir, à Montréal ! Si cette saison 2017 donne de quoi croquer dans la madeleine de Proust avec la renaissance du Majorquin et celle de Roger Federer, elle dévoile aussi ce que demain aura à nous offrir. En ce sens, l'exploit du Canadien de 18 ans est tout sauf une mauvaise nouvelle.

Denis Shapovalov, après sa victoire sur Rafael Nadal, au Masters 1000 de Montréal.

Crédit: Getty Images

Les noctambules ont assisté en direct à la plus grosse sensation tennistique de l'année. Les autres, sans doute les plus nombreux, ont découvert au réveil que Rafael Nadal avait été battu à Montréal par un jeune Canadien de 18 ans. Ce vendredi matin, tout le monde focalise sur la défaite de l'Espagnol. C'est légitime. Parce que Nadal est Nadal, et parce qu'il était à deux petites victoires d'un retour tonitruant à la première place mondiale, sa défaite est un évènement. Mais l'identité de son bourreau ne l'est pas moins.
A très court terme, et dans l'optique de la course à la place de numéro un mondial, qui tendait les bras à Nadal dès Montréal, il importe peu de savoir qui l'a privé de ce plaisir-là. Mais si l'on se place à plus longue échéance, la victoire de Denis Shapovalov offre un impact plus important que la défaite du Majorquin. Parce que, dans le contexte actuel, qui fait tant la part belle aux trentenaires, voir un gamin de 18 ans et trois mois accomplir ce que Shapovalov vient d'accomplir, c'est une sacrée bonne nouvelle.

L'année des paradoxes

Dire cela, ce n'est pas manquer de respect ni à Rafael Nadal, ni aux (plus ou moins) papys du circuit. Il n'y a rien de contradictoire à savourer le retour au premier plan de "Rafa et Rodgeur" tout comme l'émergence d'un Shapovalov ou la confirmation du talent d'un Zverev. Le tennis a toujours besoin de Nadal, comme il a besoin de Federer, de Djokovic et des autres. Mais tout le monde se demande, à juste titre, à quoi ressemblera le tennis masculin quand tous ceux-là quitteront la scène, ce qui finira bien par arriver.
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Rafael Nadal et Roger Federer

Crédit: Getty Images

En ce sens, 2017 restera probablement comme l'année de tous les paradoxes. L'année où, pour la première fois depuis la création du classement ATP, le Top 5 a été trusté intégralement par des joueurs ayant atteint le cap de la trentaine. L'année du retour au premier plan inattendu, au moins dans ces proportions, de Nadal et Federer. Nous voilà revenus presque dix années en arrière, avant l'émergence de Djokovic et Murray, quand ces deux-là ne laissaient que des miettes à la concurrence. Mais la satisfaction, c'est de voir que ces miettes-là, les jeunes se jettent dessus.
Oui, il se passe quelque chose. Depuis quelques mois, on revoit des joueurs de 20 ans gagner des tournois. C'était du jamais-vu dans les années 2010. Alexander Zverev a remporté un Masters 1000 (le seul grand titre qui, pour l'heure, a échappé au duo Nadal-Federer cette saison). L'Allemand sera probablement rapidement dans le Top 5. Dominic Thiem, certes un peu plus âgé, pourrait rapidement y prendre place lui aussi. Le coup d'éclat de Denis Shapovalov offre un autre indice de ce frémissement de la jeunesse. Plus important peut-être encore, car il provient d'un joueur de 18 ans, pas 20. Or, deux ans, à cet âge, c'est énorme.

Nadal, le message plein de bon sens du Vieux sage

J'étais très intrigué de voir Shapovalov à l'œuvre contre Nadal. En battant Nick Kyrgios l'an dernier à Toronto, et Juan Martin Del Potro à Montréal plus tôt cette semaine, il avait montré ce qu'il avait dans le ventre. Il aime les grands noms, les grandes scènes, les grands combats. Mais Nadal, cela semblait trop haut, trop gros, trop tôt. A croire que "Shapo" va encore plus vite qu'on ne l'imaginait. Sa victoire me fait un peu penser à celle de Richard Gasquet contre Roger Federer en 2005, à Monte-Carlo. Le Français était un poil moins gamin (18 ans et 10 mois contre 18 ans et 3 mois), mais le parallèle est tentant : Masters 1000, un match "à domicile", une victoire 7-6 au troisième et, évidemment, un grand nom en face.
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Rafael Nadal a été éliminé dès les 8es de finale du Masters 1000 de Montréal, par le jeune Canadien Denis Shapovalov.

Crédit: Getty Images

Maintenant, tout va devenir plus compliqué pour Denis Shapovalov. A très court terme d'abord. Vendredi, il va affronter un gaucher, mais ce sera à peu près le seul point commun avec son match de la veille. Il vient de se payer Del Potro et Nadal, et voilà qu'il va trouver sur sa route Adrian Mannarino et les gens vont attendre de lui qu'il gagne. Ce ne sera pas simple à gérer et intéressant à suivre. Dans les semaines, les mois et les années à venir, ce ne sera pas plus évident.
Désormais vieux sage, Rafael Nadal a tout résumé après leur match : "J'ai été dans cette situation. Je ne vois pas pourquoi on devrait craquer à 18 ans, bien au contraire c'est beaucoup plus facile de ne pas craquer à 18 ans qu'à 30 ans. Il n'avait rien à perdre car il était gagnant à tous les coups. S'il perdait en deux sets, il avait déjà fait un bon tournoi et s'il gagnait, il était extraordinaire. Il a gagné, il est extraordinaire."

Bienheureux Canada

Denis Shapovalov gagnera 15 tournois du Grand Chelem ou il n'en gagnera aucun, personne n'en sait rien. Jeudi soir, il ne s'est rien offert d'autre qu'un immense moment de bonheur, forcément éphémère, et une promesse pour l'avenir. Pour lui comme pour nous, c'est déjà énorme.
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Denis Shapovalov, après sa victoire sur Rafael Nadal, au Masters 1000 de Montréal.

Crédit: Getty Images

Sauf blessure, a minima, j'ai quand même du mal à ne pas voir en lui un futur Top 10. Trop de talent et de tempérament pour cela. Il sera autour du Top 100, au minimum, dès lundi. Et peut-être même aux alentours de la 60e place s'il va en demi-finale. Heureux tennis canadien (nous vous en avions parlé ici au tout début de l'année...), car Felix Auger-Aliassime, 17 ans depuis trois jours, affiche un potentiel plus exorbitant encore. Le jeune Québécois, blessé au poignet, doit bouillir de ne pas avoir pu jouer à Montréal.
Sacrée tempête générationnelle en tout cas que cette saison cul-par-dessus tête, où un homme de 36 ans s'apprête peut-être à reprendre le pouvoir et un autre de 18, qui pourrait être son fils, signe un des exploits de l'année. Respecter l'histoire, savourer le présent, y compris quand il semble étirer le passé récent, et saliver en regardant l'avenir. Il y a un peu de tout ça dans cette cuvée 2017, entre renaissances et naissances. Pour ce maelström temporel, il n'est pas impossible qu'elle demeure comme un vrai point de fixation. Où Retour vers le futur aura côtoyé Les promesses de l'aube...
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