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Pouille se posait trop de questions, maintenant il a réponse à tout

Laurent Vergne

Mis à jour 23/01/2019 à 16:57 GMT+1

OPEN D'AUSTRALIE – Lucas Pouille retrouve enfin à Melbourne le niveau de jeu qui lui avait permis d'émerger de façon spectaculaire en 2016. Mais tout semble beaucoup plus construit, et donc prometteur, aujourd'hui qu'il y a deux ans et demi. Le Français s'est surtout libéré l'esprit. Il a lâché le frein à mains et appuie à nouveau sur l'accélérateur.

Lucas Pouille à l'Open d'Australie.

Crédit: AFP

Il y a une multitude de raisons qui permettent de comprendre pourquoi Lucas Pouille retrouve de telles couleurs à l'occasion de cet Open d'Australie. Physiquement, il est plus "fit" que jamais. Délesté de cinq kilos selon ses dires, il a gagné en explosivité et en endurance. Quatre de ses cinq premiers matches ont dépassé les trois heures et on ne l'a pour l'instant pas senti flancher une demi-seconde.
Il a aussi confié mercredi avoir renoué avec son cordage de 2016, qu'il avait abandonné depuis. Comme par miracle, il a regagné en contrôle dans ses frappes. C'est peut-être un détail pour vous, mais ces sensations-là sont primordiales à ce niveau de compétition.
Mais si ces éléments-là ne sont pas négligeables, la base de tout dans l'actuelle reconstruction du Nordiste se situe ailleurs. Ni dans ses jambes, ni dans son bas, ni dans sa raquette, mais bien dans sa tête. Tout part de là. Si les cannes suivent, si le bras est libéré, c'est parce que la tour de contrôle, tout là-haut, donne les bonnes indications en temps réel.

Cercle vicieux

Lucas Pouille avait deux problèmes : retrouver l'envie et retrouver la confiance. Le premier, intime, n'était pas forcément perceptible de l'extérieur. Lui seul savait. Il n'a pas un langage corporel déplorable à la Kyrgios. Il faisait le job, il essayait de donner le maximum, mais le cœur n'y était plus vraiment. On ne fait pas avancer une voiture au réservoir vide.
Le second, en revanche, sautait aux yeux. La confiance, ou plutôt le manque de confiance, est un cercle terriblement vicieux. Elle ne s'efface qu'avec le retour de la victoire qui, par définition, devient plus compliquée à obtenir quand le bras est tendu. Quand la tronche vous triture, la main est rarement sereine. La dimension psychologique du tennis ne cessera jamais de me fasciner.
Lucas Pouille jouait clairement avec le frein à main depuis des mois. Contraste saisissant avec le Pouille de l'été 2016, celui qui dégageait une impression de facilité. Revoyez des images de son huitième de finale mémorable face à Nadal à l'US Open. Ça cogne dans tous les sens, des deux côtés, des prises de risque maximales, une audace presque naturelle. C'était le temps de l'insouciance. Toutes proportions gardées, c'était Tsonga 2008 à Melbourne. Je cogne, je sens que, quoi que je tente, ça va passer.
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Lucas Pouille en 2016 à l'US Open après sa victoire contre Rafael Nadal.

Crédit: AFP

Mauresmo active les bons leviers

Mais cette forme d'euphorie ne peut durer qu'un temps. Comme si, le pied à fond sur l'accélérateur, le joueur réalisait soudainement à quelle vitesse il file et s'en affolait. C'est quand elle s'effrite que tout devient complexe. "Pourquoi je n'arrive plus à produire ce que je faisais si naturellement ?" La question qui tue. Inévitable, mais polluante. Et quand la confiance commence à vous fuir... Comme le disait Novak Djokovic au sujet de ses difficultés après son Grand Chelem en carrière à Roland-Garros, "il faut des années pour se construire une confiance à toute épreuve, mais il suffit de quelques semaines pour qu'elle s'envole."
Lucas Pouille avait un besoin impératif de sortir de ce cercle vicieux. Il a jugé que, pour y parvenir, il lui fallait changer l'environnement autour de lui. Emmanuel Planque, qui l'a amené là où il est, n'était pas devenu un mauvais entraîneur du jour au lendemain. Mais tous les deux étaient devant un mur qu'ils ne pouvaient plus contourner. Entre ici, Amélie Mauresmo...
L'ancienne numéro un mondiale est-elle une faiseuse de miracles ? Non. Mais elle a appuyé sur les bons boutons et activé les bons leviers. Sans aucun doute, elle a apporté des éléments techniques et tactiques. Lucas a souligné que sa nouvelle coach insistait sur l'agressivité en retour. Se forcer à tenir sa ligne à la relance. La relance, c’est l’élément le plus "visible" du changement dans son jeu. C'est aussi une vraie stratège. Elle sait préparer un match, analyser l'adversaire. Mais plus que tout, elle a l'oreille de son poulain. Le privilège de la nouveauté et celui de son passé d'immense championne. Son discours passe. Lucas écoute, Lucas la croit.
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Le clan Lucas Pouille, avec, au centre, Amélie Mauresmo.

Crédit: AFP

Equations très diverses

Deux mois à peine séparent la rencontre en finale de Coupe Davis face à Marin Cilic de celle face à Milos Raonic mercredi. Tennistiquement, Lucas Pouille est-il un joueur fondamentalement différent de celui qu'il était au stade Pierre-Mauroy ? Probablement pas. En revanche, son état d'esprit n'a plus rien à voir. C'est à nouveau le grand bleu dans sa tête. Le brouillard s'est levé. L'effet Mauresmo, et sans doute aussi l'apport de la nouvelle préparatrice mentale avec laquelle il a décidé de travailler.
Le grand mérite du Nordiste aura été de se remettre en cause, d'oser le changement, de réaliser que le confort était devenu un frein et plus un vecteur de progrès. Lui qui semblait se poser trop de questions sur le court tout au long de la précédente saison a soudainement réponse à tout. C'est ce que je trouve le plus intéressant dans sa campagne australienne. Face à des équations très diverses (le blocage du premier tour à Melbourne, la maîtrise de l'euphorie du jeune Popyrin devant son public, puis deux profils aussi différents que Borna Coric et Milos Raonic), il a toujours trouvé la réponse adaptée. Ça, c'est un signe qui ne trompe pas. Celui d'une confiance, d'une sérénité et d'une lucidité nouvelles.
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Un grand match pour une première demie : Pouille a sorti le très grand jeu contre Raonic

Fondations plus solides

La question est maintenant de savoir jusqu'où ce nouvel élan peut le porter. Dans cette quinzaine, d'abord (Djokovic arrive, et il amène rarement des bonnes nouvelles avec lui...), puis à plus longue échéance. S'il y a bien une chose que Lucas Pouille a appris de cette période délicate, c'est la fragilité des choses. En septembre 2016, après l'été de son explosion, j'avais écrit ceci : "Attention, il ne faut pas s'y tromper, il y aura des soubresauts. Cette saison, Lucas Pouille est sur son petit nuage. Tout roule, tout coule. Il ne doute de rien. Il faudra le voir gérer des séquences plus complexes à plus long terme, car elles viendront forcément."
Les soubresauts sont venus, oui, et la secousse a même été plus intense que redouté. Et il faudra juger sur la durée s'il en est vraiment sorti. Mais ce qui incite à l'optimisme, c'est précisément que ce qu'il accomplit aujourd'hui apparait plus construit, plus réfléchi. Nous ne sommes plus dans l'euphorique insouciance. Tout est pensé. En remettant tout à plat, en ayant le courage de se poser les bonnes questions, en construisant par ses propres choix une nouvelle équipe autour de lui, Lucas Pouille a posé les bases de quelque chose de potentiellement plus durable qu'en 2016. Ces fondations-là paraissent solides.
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Lucas Pouille à Melbourne pendant l'Open d'Australie.

Crédit: Getty Images

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